Horizon tout électrique en 2035: le massacre à la tronçonneuse de l'industrie automobile européenne
Comme sur le nucléaire, si l'Union européenne ne bouge pas maintenant et ne renonce pas à ses normes destructrices pour l'industrie automobile européenne, elle pleurera demain sur son aveuglement d'aujourd'hui, estime la directrice de l'IFRAP.
Cette tribune a été publiée dans les pages du journal Le Figaro le mardi 20 novembre 2024 |
C'est un massacre à la tronçonneuse. Un massacre prémédité. Avec le consentement de nos gouvernements et des autorités européennes. Une folie, déconnectée des réalités et de la vie réelle des Français. Le sabordage de notre industrie automobile. L'arrivée du président Trump à la tête des États-Unis avec son projet de taxer de 10 % supplémentaires l'importation des voitures européennes doit nous réveiller et nous faire changer les règles adoptées aussi bien au niveau européen qu'au niveau national. Les ventes de véhicules neufs ont chuté de 11 % depuis octobre 2023 et de 18 % pour les véhicules électriques. Plus personne ne sait quelle voiture acheter. On a réussi à bloquer le marché.
Pourquoi adopter en Europe une règle beaucoup plus contraignante que la règle américaine ?
Nous avons en Europe la meilleure industrie automobile dans le monde avec les meilleurs moteurs. Nous devrions en être fiers. Mais, au lieu d'encourager les constructeurs, par la réglementation européenne, à innover pour concevoir des moteurs, de tous types, avec des émissions de CO2 proches de zéro, le couperet de l'électrique est tombé... avec cette date de 2035, qui interdit en Europe la vente de véhicules thermiques neufs. La Commission européenne joue clairement les pompiers pyromanes : elle impose une date de vente de 100 % de véhicules électriques en Europe pour laquelle ni nos constructeurs européens, ni nos infrastructures électriques, ni nos consommateurs ne sont prêts. Alors que les constructeurs chinois, eux, sont prêts à envahir le marché.
Pourquoi adopter en Europe une règle beaucoup plus contraignante que la règle américaine ? En effet, aux États-Unis, il n'existe pas de réglementation fédérale interdisant directement la vente de véhicules thermiques à essence ou diesel. La réglementation américaine vise à rendre les véhicules électriques majoritaires parmi les nouvelles ventes, avec un objectif de 56 % de voitures électriques d'ici 2032.
Selon les estimations du secteur, les véhicules électriques chinois représentent d'ores et déjà autour de 5 % du marché européen. C'était 1 % en 2020.
Pourquoi adopter en Europe une règle beaucoup plus contraignante que la règle chinoise ? En Chine, le gouvernement a fixé 2035 comme date cible pour que 100 % des ventes de nouvelles voitures soient des « véhicules à nouvelle énergie », ce qui ne comprend pas uniquement des véhicules électriques, comme en Europe, mais aussi les hybrides rechargeables avec carburant fossile et les véhicules à hydrogène, qui ont des moteurs thermiques. Là encore, la règle est beaucoup plus flexible que les objectifs européens. Les prévisions de Goldman Sachs pour 2035 évaluent à un peu plus de 50 % la part des véhicules électriques sur le marché chinois alors que l'Europe serait déjà à 100 %...
Problème, cet objectif de 100 % se fera avec des véhicules... chinois. Déjà, en Europe, la troisième voiture électrique la plus vendue est la MG4 chinoise . La quatrième ? La BYD , autre marque chinoise. La MG4 est à moins de 29 000 euros quand les Françaises électriques e-208 et la Megane E-Tech sont à 34 000 euros... Selon les estimations du secteur, les véhicules électriques chinois représentent d'ores et déjà autour de 5 % du marché européen. C'était 1 % en 2020. Cette part devrait doubler d'ici 2030 pour arriver aux alentours de 12 %.
La demande de véhicules électriques baisse
Forcément, nos constructeurs français et européens sont très inquiets. L'Observatoire de la métallurgie estimait déjà, avant l'adoption de la date de 2035, à 65.000 les emplois potentiellement menacés d'ici à 2030 sur l'ensemble des 350.000 emplois de la filière, du constructeur au sous-traitant en France, soit 18,6 % des emplois. On entend déjà annoncer les plans de suppression d'emplois : après Valeo, c'est maintenant Michelin. Malgré cela, on continue dans la pulsion autodestructrice. La Commission européenne veut appliquer dès 2025 de nouvelles sanctions plus sévères sur les émissions de CO/km (81 g contre 95 g auparavant). Ce qui implique de vendre plus de voitures électriques sauf à subir des amendes qui représenteraient entre 5 et 15 milliards d'euros pour les constructeurs européens. Pour ne pas payer ces amendes, nos constructeurs hexagonaux risquent de se saborder et de renoncer à la production de 2,5 millions de véhicules.
Le ministre de l'Économie, Antoine Armand , demande actuellement à Bruxelles de lâcher du lest sur le « pacte vert » européen et de ne pas appliquer les amendes. Enfin ! Mais pourquoi nos gouvernements et nos administrations ne se sont pas réveillés avant ? Ils connaissent pourtant nos retards, notamment en matière d'électrification et de multiplication des bornes, et combien cela complique la vie des utilisateurs de voitures électriques. Il leur faut trouver une place libre devant une borne, que celle-ci fonctionne... Des contraintes parfois insupportables que ce soit en ville ou à la campagne et qui font que certains utilisateurs de voitures électriques sont dégoûtés de leur expérience. Et que la demande, au lieu de monter, baisse. Comme sur le nucléaire, si nous ne bougeons pas maintenant, nous pleurerons demain sur notre aveuglement d'aujourd'hui.
Dès lors, pourquoi imposer tout de même dans le budget 2025 des hausses de malus sur les nouvelles immatriculations de véhicules qui vont concerner plus de la moitié du marché ? Une Peugeot 208 essence de 100 ch serait dès l'an prochain pénalisée par un malus de 125 €. Le montant maximum pourrait atteindre 70.000 €. On nage en plein délire.
Arrêtons de massacrer notre filière automobile, supprimons ces amendes injustes et autres malus et reportons sine die cette date de 2035, qui décourage les acheteurs ! Si on fait cela, le marché va repartir et nos sites industriels ne seront plus menacés. Ne faisons pas à notre filière auto ce que l'on a fait au nucléaire en fermant des centrales qui auraient dû rester ouvertes, et tout cela pour d'obscures raisons. Comme sur le nucléaire, si nous ne bougeons pas maintenant, nous pleurerons demain sur notre aveuglement d'aujourd'hui. Les règles adoptées peuvent se défaire. Notre économie et notre souveraineté industrielles sont en jeu.
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