Retraites : quel frein à l’endettement pour le système universel ?
En pleine crise sanitaire et économique, qui ne manquera pas de déboucher sur une augmentation de la dette publique française, la mise en place d’un frein à l’endettement sur les pas de nos voisins du nord de l’Europe, appelé communément «règle d’or» visant à l’équilibre pluriannuel des comptes du système universel de retraites, semble d’autant plus pertinente que le pilotage des finances publiques et celui des comptes de la sécurité sociale risquent d’être profondément modifiés dans les mois qui viennent.
L’article 1er du projet de loi organique vise la mise en place d’une «double règle d’or», avec une première qui établit un système d’équilibre des comptes de l’ensemble du système de retraite et non plus des seuls régimes obligatoires d’assurance vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse. Ce système permet une actualisation plus réactive des trajectoires. Sa mise en application interviendra à compter de 2025 pour la période 2025-2029.
La seconde règle d’or est relative à l’endettement, afin que des déficits ne puissent reconstituer une dette significative grevant les comptes du nouveau système. Selon le texte, la dette cumulée devra rester inférieure à 3% des recettes.
Par ailleurs, la loi organique ne prévoit pas de clause explicite de non-application en cas de situation conjoncturelle très dégradée (ce que nous vivons aujourd’hui), puisqu’elle laisse les futurs gouvernements libres de déterminer les règles d’amortissement en cas de dette supérieure à 3% des recettes susvisées. Il aurait mieux valu faire l’inverse : prévoir une clause de suspension pour la première règle d’or, mais aboutissant à un dispositif précis de désendettement en cas d’activation. En outre, l’année de référence pour l’évaluation des 3% est fixée à 2027 et non 2025, alors même que les deux règles d’or se déclencheront à compter de 2030 sur base 2025. Cela laisse donc les années 2025-2027 partiellement non couvertes par la règle d’endettement.
Enfin, le projet de loi ne se penche pas sur le devenir de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), dont l’avenir est examiné par la conférence de financement. Or, il aurait été pertinent de la transformer en un fonds pouvant être réceptacle d’amortissement de la dette retraite. La mise en place d’un compte notionnel enregistrant les écarts à la trajectoire en hausse comme en baisse, permettrait de rendre parfaitement transparent le dispositif entre prévision et exécution.
Le texte en l’état actuel laisse donc les mains libres au Parlement pour mettre en œuvre la double règle d’or et donc finalement risquer de ne pas la respecter, et ne donne pas de compétence en la matière au Haut conseil des finances publiques qui aurait vocation à être l’organe de surveillance du pilotage des finances du futur système de retraites. Une légèreté qui empêche le dispositif d’être pleinement crédible, même si le volontarisme en la matière est là.