Retraites : « Faut-il vraiment faire entrer les indépendants au chausse-pied dans un régime qui ne leur correspond pas ? »
Nos indépendants français ont toujours été à part du régime général de retraites. Ils ont leurs caisses autonomes et, contrairement aux régimes spéciaux de la SNCF ou de la RATP par exemple, ils ne demandent pas de subventions d’équilibre aux deniers publics. Leurs réserves sont d’ailleurs importantes (2 milliards pour les avocats, soit presque 6 ans de prestations).
Il faut savoir que nos indépendants sont ceux en Europe qui paient le plus de cotisations pour leur couverture sociale, avec 42% de cotisations, quand les Hollandais paient 33%, les Allemands 14,6%, les Britanniques 9%... Plusieurs pays, comme l’Allemagne, laissent le choix à leurs indépendants de s’assurer pour leur retraite, d’autres, comme la Suède, les font cotiser mais à de faibles pourcentages.
Les artisans cotisent, jusqu’à un plafond de la Sécurité sociale (3.428 euros par mois) à 25,4%, les vétérinaires à 19,4%, les avocats à 13%... Vouloir les faire cotiser à 28,12% comme des salariés parait une marche énorme à monter en termes de cotisations.
Le gouvernement minimise l’écart de cotisations
Même si le gouvernement reconnaît que les situations d’un salarié et d’un non-salarié ne sont pas comparables puisque le deuxième est son propre employeur, et à ce titre acquitte la totalité des cotisations (patronales + salariales), assume ses propres risques et a donc une assiette de cotisation qui peut être variable, il estime que l’écart de cotisations peut être moins important qu’on ne le pense. Et ce pour plusieurs raisons : barèmes d’assiettes de cotisation extrêmement différents d’un statut à l’autre, existence de cotisations minimum qui n’existent pas chez les salariés, calcul sur un revenu net contrairement aux salariés (revenu brut).
En conséquence de quoi, le gouvernement souhaite appliquer aux indépendants un barème différent du barème des salariés qui est de 28,12% jusqu’à 3 PASS (pour « Prélèvement annuel de la Sécurité sociale », c’est-à-dire le montant de référence qui sert à calculer certaines cotisations sociales et certaines exonérations, notamment les cotisations et les droits à la retraite) : 28,12% jusqu’à 1 PASS, 12,94% entre 1 et 3 PASS, 2,81% au-delà de 3 PASS.
Le barème de cotisations ne sera donc pas le même pour les indépendants que pour les salariés. De surcroît, le gouvernement concède une durée de transition assez longue, de l’ordre de 15 ans, et la possibilité d’un sous-appel de cotisations et l’utilisation des réserves pour atténuer l’effet sur les professions les plus concernées par une hausse des cotisations, ce qu’ils appellent un lissage qui interviendra par ordonnance : « Cette ordonnance pourra également prévoir des taux d’appel inférieurs à l’unité, pour que les régimes dotés de réserves puissent en utiliser une partie pour réduire l’ampleur de l’éventuelle hausse des prélèvements, ou améliorer le rendement de leur cotisation. » Bref, on nage en pleine confusion.
Les simulations de l’étude d’impact montrent des situations contrastées pour les indépendants, mais globalement on peut noter une tendance à l’augmentation des cotisations jusqu’à 1 PASS. Pour les jeunes professionnels qui vont entrer dans ces professions, la perspective d’une meilleure retraite ne pèse pas face à une hausse des charges immédiates. Étant donné tous ces écueils et la certitude qui apparaît qu’on ne pourra jamais avoir un régime universel de retraite identique entre les salariés et les indépendants, on peut légitiment poser la question : les indépendants ont-ils leur place dans le régime universel de retraite ? Ne devrait-on pas leur permettre, comme en Allemagne, de choisir leur assurance retraite et leur niveau d’assurance plutôt que de vouloir les faire entrer au chausse-pied dans un régime qui ne leur correspond pas ? D’où la note de 3/10.