Retraites : et si l’on arrêtait de mentir aux Français ?
Quatorze milliards d’euros, c’est le déficit de notre système de retraites qui est prévu par le Conseil d’orientation des retraites (COR) pour 2030, et ce malgré la réforme des retraites de 2023, portant l’âge de départ à la retraite non plus à 62 ans mais à 64 ans…
Cette tribune a été publiée dans les pages du JDD, le dimanche 30 juin 2024. |
Il va nous falloir encore repousser l’âge de départ à la retraite si nous ne voulons pas que le niveau des pensions chute drastiquement dans les prochaines années. Toujours selon le COR, le taux de remplacement dans le privé (non-cadre) devrait passer de 75 % pour la génération 1960 à moins de 70 % pour la génération 1980.
En ce moment même, pendant la campagne des législatives anticipées, nous devrions débattre des meilleures modalités pour redresser les comptes des retraites.
Il n’en est rien… Au contraire, le Nouveau Front populaire propose de revenir à la retraite à 60 ans, une folie qui coûterait environ 50 milliards d’euros par an et creuserait le déficit autour des 100 milliards en 2030.
De son côté, le Rassemblement national propose de revenir à la retraite à 62 ans, en abrogeant la réforme de 2023 avec un coût de 10 milliards, et de permettre à ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans dans un emploi substantiel de partir à 60 ans à la retraite pour un coût d’environ 4 milliards.
Là encore, le déficit à l’horizon 2030 serait aggravé par ces mesures et atteindrait de l’ordre de 30 milliards d’euros par an. On doublerait donc le déficit.
Si l’on suit le programme du Nouveau Front populaire, une proposition de loi serait déposée pour faire revenir l’âge légal à 60 ans pour ensuite revenir à une durée de cotisation de 40 annuités.
Cette proposition coûte très cher puisqu’il faudrait servir les pensions deux années supplémentaires, et même trois ans si on prend pour référence l’âge légal qui aurait dû être de 63 ans en 2027 avec la réforme Macron ; et se priver de cotisations pendant deux ans (voire trois).
Avec cette réforme, le Nouveau Front populaire nous ramènerait avant la réforme Touraine, la réforme Woerth, et même en partie la réforme Fillon de 2003 ! Le Nouveau Front populaire propose par ailleurs une indexation des pensions sur les salaires, une mesure qui serait très onéreuse, mais comme le NFP propose aussi d’indexer les salaires sur les prix, cela ne changerait rien à la situation actuelle.
Si l’on suit le programme du Rassemblement national, la proposition revient à abaisser de deux ans l’âge légal pour ceux qui ont travaillé avant 20 ans. Actuellement, il faut avoir travaillé avant 18 ans pour prétendre partir à la retraite à 60 ans, et ceux qui ont travaillé avant 20 ans peuvent partir à 62 ans.
Pour ceux qui ont commencé à travailler après 20 ans, l’âge de départ à la retraite serait de nouveau de 62 ans, mais la durée de cotisation serait ajustée pour atteindre 42 ans pour tous les assurés.
Toutes ces propositions émaillent le débat public de ces derniers jours. Sauf qu’elles cachent une réalité : elles ne sont en rien finançables. Elles ne seront ou ne seraient d’ailleurs jamais appliquées.
Toutes deux jouent sur l’ambiguïté du retour de la retraite à 60 ans, comme l’avait fait François Hollande dans la campagne présidentielle de 2012. Une promesse qui avait été seulement suivie d’un dispositif carrières longues étendu pour ceux ayant commencé à travailler avant 18 ans…
Et ce, car il y a une face cachée à ces propositions, c’est qu’elles ne sont pas tenables sans augmenter les cotisations des actifs fortement. Un comble quand on entend défendre le pouvoir d’achat ! Travailler moins dans la durée pour la même retraite à l’arrivée suppose de payer beaucoup plus quand on travaille.
Qui peut croire à cette faribole : on pourrait commencer à travailler à 30 ans, partir à la retraite à 60 ans ou 62 ans et avoir un bon pouvoir d’achat et une bonne retraite. Si cela fonctionnait, tous les pays alentour l’appliqueraient. Ils sont plutôt déjà à 65 ou 67 ans pour l’âge de départ à la retraite.
Arrêtons de faire semblant de pouvoir continuer à raser gratis avec de l’argent qu’on n’a pas et disons clairement les choses : si l’on ne veut pas être obligé de geler les pensions des actuels retraités pendant de nombreuses années, il ne faudra pas travailler moins longtemps, mais au contraire plus longtemps !
Il n’y a donc pas d’autres choix que de poursuivre le report de l’âge à la retraite. La question d’après, ce ne sera pas 60 ans et 40 annuités, mais 65 ou 67 ans et 44 ou 45 annuités. Et cela arrivera plus vite qu’on ne le croit et quelle que soit la majorité au pouvoir.