Espérance de vie sans incapacité : la France dans le haut du classement
C’est une contribution au débat que souhaite ouvrir le Premier ministre avec les partenaires sociaux sur les retraites. La Drees a publié récemment une note qui fait le point sur l’espérance de vie à 65 ans en bonne santé ou dit autrement "sans incapacité". En 2022, la France est au 2e rang pour l’espérance de vie des femmes à 65 ans, et au 4e rang pour celle des hommes. Pour l’espérance de vie sans incapacité des femmes à 65 ans, la France est 5e parmi les 27 pays de l’Union européenne et 7e pour les hommes. L'espérance de vie en bonne santé est souvent mise en avant pour justifier un refus de toucher à l’âge de la retraite. Cet argument n’est pas recevable.
L’espérance de vie sans incapacité parfois aussi appelée « espérance de vie en bonne santé » correspond au nombre d’années que peut espérer vivre une personne sans être limitée par un problème de santé dans ses activités quotidiennes. Cet indicateur est construit sur une base déclarative à partir des réponses d’un échantillon de personnes à la question : « Êtes-vous limité, depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ? ». Les personnes doivent indiquer s’il s’agit de limitations fortes ou non, ce qui permet également de calculer un indicateur d’espérance de vie sans incapacité forte[1].
A 65 ans en 2023, l'espérance de vie pour les femmes est de 23,6 ans, et de 19,8 ans pour les hommes. Mais au même âge, une femme de 65 ans peut espérer vivre encore 12 ans sans incapacité et 18,5 ans sans incapacité forte. Pour un homme, c’est 10,5 ans sans incapacité et 15,8 ans sans incapacité forte.
Depuis 2008, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans a augmenté de 1 an et 11 mois pour les femmes et de 1 an et 10 mois pour les hommes. S’agissant de L’espérance de vie sans incapacité forte à 65 ans, elle augmente également au cours de la même période, de 1 an et 11 mois pour les femmes et 1 an et de 9 mois pour les hommes. Entre 2008 et 2023, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans a crû plus vite que l’espérance de vie au même âge. Ces évolutions traduisent le recul de l’âge à partir duquel apparaissent les maladies chroniques liées au vieillissement et limitant les personnes dans leur vie quotidienne.
Les données les plus récentes sur les espérances de vie sans incapacité dans l’ensemble des pays de l’Union européenne portent sur l’année 2022 :
En 2022, l’espérance de vie sans incapacité des hommes à 65 ans en France est supérieure de 1 an et 4 mois à la moyenne européenne, qui s’établit à 8,9 ans. Pour les femmes, l’écart avec la moyenne européenne (9,2 ans) est plus important (+2 ans et 6 mois).
En 2022, la France est 5e parmi les 27 pays de l’Union européenne pour l’espérance de vie sans incapacité des femmes à 65 ans et 7e pour l’espérance de vie sans incapacité des hommes à 65 ans. Elle est au 2e rang pour l’espérance de vie des femmes à 65 ans, et au 4e rang pour celle des hommes.
Voilà en tout cas de quoi alimenter le débat sur les retraites. Autre indicateur en lien avec le débat sur les retraites, l’espérance de vie selon la catégorie sociale :
Ces chiffres appellent plusieurs constats : d’une part les écarts sont beaucoup plus marqués chez les hommes que chez les femmes ; d’autre part, l’espérance de vie des femmes est supérieure à celle des hommes, quelle que soit leur catégorie sociale : les ouvrières, qui sont les femmes actives dont l’espérance de vie est la plus faible, vivent même légèrement plus longtemps que les hommes cadres (0,9 an de plus). Une situation qui s’explique par des différences d’activité professionnelle, une plus forte consommation d’alcool ou de tabac chez les hommes. Enfin, du fait de la maternité, les femmes sont plus susceptibles de faire l’objet d’un suivi médical que les hommes.
Selon un autre document de l’Insee, qui s’est cette fois penché sur les écarts d’espérance de vie à 35 ans, les écarts entre femmes et hommes se sont réduits depuis le milieu des années 1990. De fait, certains comportements des femmes et des hommes se sont rapprochés. Par exemple, d’après l’enquête Handicap Santé 2008, les ouvrières âgées de moins de 60 ans fument davantage que les hommes cadres, alors que ce n’est pas le cas pour les générations plus anciennes. De plus, depuis la fin des années 1970, la structure des emplois a été profondément modifiée, avec notamment davantage de cadres et moins d’ouvriers. De ce fait, les catégories sociales ne recouvrent pas nécessairement la même population et ne renvoient pas aux mêmes conditions de travail.
Ainsi les chiffres de l’Insee et de l’Ined temporisent les conclusions entendues habituellement sur les écarts d’espérance de vie selon les catégories sociales qu’il serait nécessaire de corriger au moment de la retraite. Au contraire, les études suggèrent que ces écarts sont observables dès 35 ans, ce qui justifie de prendre le sujet en amont (prévention, conditions de travail, efficacité de la médecine du travail) plutôt que d’attendre la retraite pour corriger le tir.
[1] Les évolutions des espérances de vie sans incapacité d’une année sur l’autre doivent être analysées avec précaution, car elles s’appuient sur les réponses à une enquête. Les espérances de vie sans incapacité et sans incapacité forte à 65 ans ont ainsi évolué de manière très heurtée pendant la pandémie de Covid-19, de 2019 à 2022.