Retraite : les grandes lignes de la réforme
Le Premier ministre a dévoilé l'architecture de la réforme qui devrait être discutée au Parlement début 2020. Si un certain nombre de mesures sont conformes aux préconisations de Jean-Paul Delevoye dans le rapport que celui-ci a remis en juillet 2019, le Premier ministre a amendé quelques points et surtout précisé le calendrier de la transition.
Dans les grandes lignes voici ce qu'il faut retenir des annonces du Premier ministre sur le projet de réforme qu'il a placé sous le signe de l'universalité, de l'équité et de la responsabilité.
Pour l'universalité, le Premier ministre a rappelé qu'il souhaitait sortir le système des retraites de la menace des évolutions des démographies professionnelles et faciliter les changements professionnels. Il a dit également souhaiter restaurer la confiance en ne laissant pas coexister des régimes dont certains paraissent privilégiés au détriment des autres.
Le nouveau régime actera donc la fin des 42 régimes de retraite en créant un seul et unique régime en répartition (renouant en cela avec l'esprit de la Sécurité sociale mis en place en 1945) avec des cotisations identiques de 28% jusqu'à 3 fois le plafond de la Sécurité Sociale (120.000 €). Le Premier ministre a d'ailleurs précisé "Pour des millions de fonctionnaires, ce sera une avancée majeure, puisque leurs primes leur permettront d’acquérir des droits." Pour les actifs percevant plus de 10.000 € bruts par mois, ils acquitteront en plus une cotisation de solidarité, c'est-à-dire qui ne financera pas de droits supplémentaires (2,8%).
Ce régime fonctionnera en points en prenant en compte la carrière complète, règle qui – rappelons-le – est déjà celle en vigueur dans les retraites complémentaires Arrco-Agirc et IRCANTEC. La future valeur du point sera fixée par les partenaires sociaux sous le contrôle du Parlement. Il y aura une règle d'or sur la valeur des points acquis et une indexation progressive des retraites sur les salaires.
Pour l'équité, le Premier ministre a mis en avant un certain nombre de mesures favorables notamment un minimum de retraite de 1.000 euros pour une carrière complète, ce qui devrait tendre vers un taux de remplacement garanti à 85% pour une carrière au Smic. Par ailleurs ce minimum sera revalorisé avec le Smic.
Des points de solidarité seront accordés pour les périodes de chômage, de maladie et de maternité. Concernant la règle des 150 heures permettant de valider un trimestre elle sera abandonnée puisque dès la 1ère heure travaillée des points seront acquis, ce qui devrait favoriser les carrières hachées (temps partiel).
Pour les femmes, elles auront droit à 5% de points supplémentaires par enfant dès le 1er enfant et 2% additionnels à partir du 3e enfant. Pour la réversion, les ressources du conjoint survivant seront calculées à 70% des ressources du couple. Autre mesure en faveur des femmes, l'âge d'annulation de la décote sera progressivement abaissé, il est aujourd'hui de 67 ans. Enfin, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) sera maintenue.
Pour la responsabilité, le Premier ministre a annoncé que la gouvernance du système universel serait donnée aux partenaires sociaux (sous le contrôle du Parlement). Leur mission sera de rendre la confiance dans le système et la seule solution pour y parvenir est de travailler plus longtemps, même si le Premier ministre reste ouvert à d'autres solutions proposées par les partenaires sociaux pour y parvenir : si l'âge légal ou âge d'ouverture des droits ne changera pas et restera fixé à 62 ans (promesse de campagne), un âge d'équilibre sera introduit à 64 ans avec un bonus-malus à partir de 2027, le Premier ministre rappelant que 64 ans est l'âge naturel vers lequel allait évoluer le régime en 2025 compte tenu des règles actuellement en vigueur (réforme Touraine).
Néanmoins, il sera toujours possible de partir plus tôt pour les carrières longues (2 ans avant, avant l'âge légal) ou pour des raisons de handicap. Par ailleurs, le dispositif de pénibilité sera généralisé et permettra de partir 3 ans avant (l'âge légal).
Le gouvernement entend également demander des efforts aux entreprises en matière d'emploi des seniors. Il favorisera les règles d'emploi/retraite et améliorera les règles régissant le compte pénibilité sur la formation/le travail à temps partiel.
Le point attendu était l'annonce de la transition vers le nouveau régime.
Le gouvernement a annoncé que le projet de loi serait présenté en janvier en conseil des ministres pour une discussion au Parlement qui devrait se tenir début en février. L'objectif est la mise en place du système universel en 2022.
Il renverra à des ordonnances ou à des décrets les précisions sur les transitions, ce qui est normal dans la mesure où, même si nous avons acté le principe de transitions longues, le dialogue social va continuer pour en préciser les modalités.
A partir de cette date les nouveaux entrants, en gros la génération 2004, seront affiliés à ce nouveau régime. Ceux nés avant 1975 resteront dans l'ancien système. Et pour ceux nés à partir de 1975, la bascule se fera à partir de 2025 ce qui signifie que pour eux 70% de leurs droits resteront calculés dans l'ancien régime, cette proportion diminuant au fil du temps.
La nouvelle gouvernance du régime sera mise en place en 2021 avec des décisions à mettre en œuvre dès 2022, à savoir la fixation du bonus/malus.
Des dispositions particulières seront mises en place pour les régimes qui calculent les droits à pension sur la base des 6 derniers mois.
Forces de sécurité : pompiers, policiers, gendarmes, gardiens de prison, militaires conserveront le bénéfice des dérogations d'âge. Le Premier ministre a pris soin de préciser : ceux qui sont exposés à des fonctions dangereuses, ce qui semble signifier, les agents de terrain et non de bureau. Ceux-là conserveront le bénéfice des bonifications actuellement existantes.
Les enseignants : garantie sera inscrite dans la loi de leur assurer une retraite équivalente à celle des autres catégories A de la fonction publique. Des discussions seront engagées par Jean-Michel Blanquer avec les représentants syndicaux pour des revalorisations de salaire afin de maintenir le niveau des pensions dès 2021. Ces négociations doivent aboutir à une reconstruction des carrières et des salaires des enseignants, y compris pour ceux qui débutent.
Pour les aides-soignants, qui sont aussi impactés par le changement de mode de calcul, le compte pénibilité sera adapté. Néanmoins, le Premier ministre a tenu à préciser que compte tenu de leur démographie, près des 2/3 des aides-soignants aujourd’hui en poste, resteront dans leur régime actuel.
Le régime de pénibilité les concernant sera adapté au travail de nuit, avec prise en compte de leur rythme de travail effectif. Cela permettra à près d’un quart des aides-soignants à l’hôpital de partir plus tôt ; et leur donnera un régime plus favorable pour le passage au temps partiel en fin de carrière.
Parallèlement au discours du Premier ministre, les précisions suivantes ont été apportées, à savoir que pour les régimes spéciaux de transports, les générations concernées seraient celle de 1980 pour les emplois où la retraite est possible à partir de 57 ans ("sédentaires" de la SNCF ou la RATP, aides-soignants...), et à partir de 1985 pour ceux où la borne est fixée à 52 ans ("roulants" de la SNCF et de la RATP, policiers...).