Retraite à 60 ans : après les slogans, la réalité
C'est officiel, quel que soit le résultat des élections de 2012, on ne reviendra pas à 37,5 années de cotisation. Les retraites continueront à n'être indexées que sur l'inflation. Les régimes spéciaux des fonctionnaires et des SNCF, RATP, EDF/GDF ne retrouveront pas les quelques privilèges écornés (ils ont conservé les plus importants). Et l'âge légal de départ à la retraite restera à 62 ans et ne reviendra pas à 60 ans. Pour les opposants aux quatre précédentes réformes, il devient difficile de dissimuler qu'ils auraient mieux fait d'assumer leurs responsabilités.
Tout avait pourtant bien commencé sous le gouvernement Rocard avec le célèbre Livre blanc sur les retraites de 1991. Ce petit livre très pédagogique disait tout sur les déficits, les inégalités entre le public et le privé et l'urgence à traiter ces deux problèmes.
Non, Non, Non et Non
Mais au lieu d'agir, les membres du parti de Michel Rocard et des autres partis de gauche ont longuement manifesté contre la réforme Balladur des retraites de 1993, et à l'Assemblée et au Sénat, leurs parlementaires ont voté contre à l'unanimité. Mêmes attitudes contre la réforme Fillon de 2003. Contre celle de Bertrand en 2007 aussi. Et pareil contre celle de Woerth de 2010.
Les Principaux points des réformes
- Réforme Balladur de 1993 : Passage de 37,5 à 40 ans de cotisation dans le privé, indexation des retraites sur l'inflation – et non plus sur les salaires - , prise en compte des 25 meilleures années – au lieu des 10 - , indexation de ces 25 meilleures années sur l'inflation – non plus sur le PIB.)
- Réforme Fillon de 2003 : Passage à 40 ans de cotisation pour les fonctionnaires en 2008, allongement automatique de la durée de cotisation en fonction de l'allongement de la durée de vie, retraite à 60 ans pour les personnes ayant travaillé à 15-17 ans, mise en place décote/surcote
- Réforme Bertrand de 2007 des régimes spéciaux : Passage progressif à 40, 41, 41,5 années de cotisation, indexation des retraites sur les prix
- Réforme Woerth de 2010 : Passage de l'âge de la retraite à 62 ans, 67 ans pour les personnes n'ayant pas assez de trimestres, prise en compte de la pénibilité
60 ou 62 ans ?
Les promesses faites par le Parti socialiste en 1993, 2003 et 2007 de revenir sur ces réformes sont déjà lointaines. Les oublier ne pose pas trop de problème. Mais renier celle faite en 2010, l'année dernière, de revenir à la retraite à 60 ans est plus difficile. D'où la tentation d'une version "retraite à 60 ans sous conditions".
Le coût de la version : 60 ans sous conditions
Les salariés qui vont partir en retraite dans les prochaines années sont nés dans les années 1950 et ont commencé à travailler vers 1970. A cette époque le chômage était encore très faible, les études supérieures n'étaient pas aussi fréquentes que maintenant et de nombreux jeunes travaillaient avant 20 ans. Les trimestres incomplets de travail avant le service militaire étaient généreusement pris en compte pour la durée de cotisation. Résultat : un nombre important de personnes de 60 ans ont déjà acquis tous les trimestres requis (ce nombre de trimestres requis n'augmente que très progressivement). Pour les femmes, ce sont les 4 à 8 trimestres supplémentaires par enfant qui conduisent une proportion importante des femmes ayant toujours travaillé à disposer de nombreux trimestres. C'est le cas notamment des femmes fonctionnaires qui ont souvent des carrières complètes.
Résultat, le projet d'étendre la mesure carrières longues aux personnes ayant travaillé à 18 ans est coûteux. La Fondation iFRAP l'a estimé à 12 milliards d'euros de 2012 à 2017. Cette proposition, sans doute généreuse, n'est pas du tout adaptée à la situation financière de la France et encore moins à celle des régimes de retraite qui sont déjà en déficit de 6 milliards d'euros cette année. Comme le font les autres pays européens, les programmes de gouvernement ne doivent pas contenir de mesures alourdissant les charges de retraite mais au contraire préconiser des réformes rapprochant les différents régimes de l'équilibre, principalement par un alignement des régimes spéciaux sur le régime général et un recul de l'âge de la retraite.