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Refonder les retraites de réversion

Les retraites de réversion sont acquises au conjoint survivant sans supplément de cotisation de la part des époux et sont donc sans doute considérées comme un élément de la politique familiale. Mais ce droit est traité de façon très inégale suivant les régimes de retraite, signe que sa justification n'est pas claire. Les multiples et profondes évolutions de notre société plaident pour une mise à plat de ce sujet.

De vieux barbons qui épousent des jeunes filles (ou le symétrique), cela existait du temps de Molière, et la perspective d'un héritage rapide pouvait peut-être aider les victimes à en supporter les inconvénients. A cette époque, la question des retraites de réversion ne se posait pas, mais en 2012, leurs règles diverses et étranges concernent de très nombreuses personnes.

Quatre catégories de règles bizarres

Première bizarrerie, le régime général de Sécurité Sociale attribue ces retraites de réversion sous condition de ressources du conjoint survivant, alors que les régimes complémentaires ARRCO, AGIRC, IRCANTEC et les régimes spéciaux (fonctionnaires, SNCF, RATP, Banque de France, parlementaires, EDF/GdF) le font sans condition de ressources. Un point important, alors que le critère de ressource du régime général est devenu de plus en plus restrictif face au développement du travail des femmes et à l'élévation de leur niveau de qualification.

Autre curiosité, la retraite de réversion n'est pas conditionnée par l'existence d'enfants, semblant indiquer qu'il s'agit d'un encouragement au mariage et non pas d'une aide aux ménages ayant élevé des enfants. C'est pourtant une allocation classiquement vue comme compensant la faiblesse (ou l'absence) de retraite de mères ayant privilégié l'éducation de leurs enfants par rapport à leur carrière. Cette retraite n'étant financée par aucune cotisation supplémentaire, ce biais en faveur du mariage est très favorable aux couples sans enfants et très défavorable aux célibataires.

La retraite de réversion est aussi versée quelle que soit la durée du mariage dans le régime général et ses complémentaires, mais pas dans la fonction publique, où la durée de mariage doit être d'au moins 4 ans (2 ans dans certains cas). Il n'y a qu'en cas de divorce et remariage que la retraite de réversion est attribuée en fonction de la durée des différents mariages.

Enfin, ni les personnes pacsées ni les concubins, même ayant eu des enfants, n'ont droit à la retraite de réversion.

De profonds changements sociétaux

Sachant qu'en 2012 :
a) un enfant sur deux nait hors mariage,
b) 30 à 50% des mariages se terminent par un divorce,
c) le nombre de PACS dépasse le nombre de mariages,
d) le nombre de PACS entre hétérosexuels est très supérieur au nombre de PACS entre homosexuels,
e) les couples homosexuels auront bientôt accès au mariage,
f) les études et les professions sont toutes (infirmières comme conducteurs de camions) ouvertes aux femmes comme aux hommes, tout ces changements militent pour une refondation des retraites de réversion.

Le déficit des caisses de retraite fournit une raison pratique supplémentaire de s'interroger sur la justification de ces dépenses.

Propositions

- Mettre sous condition de ressources les retraites de réversion du secteur public pour une partie significative de leur montant (30 à 50% comme c'est le cas pour les salariés du privé)

- Tenir plus fortement compte du nombre d'enfants du couple dans le calcul de la retraite de réversion, les enfants étant la justification principale de ce versement.

- Prendre en compte la durée de vie commune du couple. La règle appliquée aux fonctionnaires constitue une base (4 ou 2 ans), mais les conditions doivent être renforcées, notamment pour les couples n'ayant pas eu d'enfants : avec par exemple un taux progressif de 6 à 7% par an, une vie commune d'une quinzaine d'années donnant droit à une retraite de réversion normale.

Madame ou Monsieur X. a sacrifié sa carrière à celle de son conjoint

Ce cas est fréquent, par exemple pour les conjoints de salariés du secteur privé ou de la fonction publique déplacés tous les trois ans d'un poste à l'autre en France ou à l'étranger et qui peuvent très difficilement exercer une profession. Un véritable problème mais dont la solution équitable n'est pas de leur verser une retraite sans cotisation. Le cas était aussi courant dans l'agriculture où l'épouse, quoique travaillant sur l'exploitation, n'avait droit à aucune retraite personnelle. Elle comptait sur une retraite de réversion, en réalité extrêmement faible. La bonne solution a été peu à peu de déclarer les conjoints comme co-exploitants et de les faire cotiser de façon à ce qu'ils aient droit à une retraite personnelle.

Dans tous ces cas, grâce au « sacrifice » d'un des deux conjoints, le ménage doit logiquement être parvenu à une meilleure situation, traduite par de meilleurs revenus et donc une meilleure retraite. C'est au moment du mariage ou du départ en retraite que le couple devrait faire un choix. Par exemple 100% du montant de la pension au moment du départ en retraite du conjoint « ayant fait carrière » et 0% après le décès de ce conjoint, ou 80% tout de suite et 50% après le décès de ce conjoint. Une option voisine de cette seconde possibilité devrait sans doute être imposée par la loi. C'est la méthode utilisée par les retraites par capitalisation, conjuguant solidarité familiale et responsabilité. L'option d'une cotisation retraite pour le conjoint n'exerçant pas de profession ou disposant de faibles revenus personnels peut aussi être envisagée, une variante proche des contrats classiques d'assurance décès.