La surcote : symbole d’une injustice en matière de retraite
Les partenaires sociaux à la manette des retraites complémentaires prennent leur part au redressement des comptes sociaux. Des décisions difficiles se profilent. Loin de cela, le dispositif de surcote, notamment appliqué au secteur public, traduit le manque de détermination de l’administration à réformer les retraites des fonctionnaires.
Alors que depuis la fin de l’année 2014 et le rapport de la Cour des comptes sur les retraites complémentaires http://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Garantir-l-avenir-des-retraites-complementaires-des-salaries-Agirc-et-Arrco, on nous rappelle l’urgence de sauver ces régimes, les partenaires sociaux, faute de trouver un accord, ont remis leur discussion à la rentrée. Les enjeux sont pourtant importants : si, comme le dit la Cour, les réserves sont épuisées pour l’Agirc en 2018 et en 2027 pour l’Arrco, cela nécessite de réagir très vite. Car les déficits s’accumulent (4,4 milliards en 2014) et l’hypothèse d’une reprise forte de l’emploi et de hausse de la masse salariale qui pourrait améliorer les recettes, n’est pas pour demain.
L’urgence est d’autant plus forte que les accords AGFF expirent en 2019 http://www.agirc-arrco.fr/fileadmin/agircarrco/documents/conventions_accords/2011/accord_18_mars_2011_agirc_arrco.pdf : ces accords permettent de ne pas subir de décote dans le système actuel si l’on part à la retraite avant 67 ans. En d’autres termes si ces accords ne sont pas revus, c’est une décote chiffrée à 22% selon Les Echos Les Echos, 23 juin 2015, "Les négociations sur les retraites reportées à l'automne" que subiraient les salariés en partant à 62 ans au lieu de 67 ans. Et si les mesures qui sont discutées actuellement doivent être mises en œuvre, elles nécessitent un minimum de préparation pour les entreprises, les actifs à la veille de prendre leur retraite et les retraités. Autant dire que ce report d’un accord final rend encore plus difficile un retour à l’équilibre.
Cette question est d’autant plus importante que les retraites complémentaires sont loin d’être accessoires, que ce soit en termes de cotisations - elles correspondent à 28% des cotisations totales d’un salarié au SMIC – qu’en termes de retraites - pour un non cadre, la retraite complémentaire représente entre un quart et un tiers de la pension totale, pour un cadre, ce sera entre la moitié et les deux tiers de la pension.
Les pistes qui ont été évoquées sont les suivantes :
- Une poursuite de la désindexation : -1,5% pendant encore 3 ans (2016, 2017, 2018). Mesure qui a un fort effet mais seulement en cas d’inflation ;
- Une hausse des cotisations : +0,4% supportée à 60% par les employeurs et à 40% par les salariés ;
- Un abattement sur les pensions temporaire et dégressif entre 62 et 65 ans sur le montant de la pension pour inciter les actifs à repousser leur âge de départ à la retraite.
Cette dernière proposition a notamment cristallisé les critiques, les syndicats de salariés ayant au début des négociations affiché un refus définitif à cette piste avant de revenir sur leur position mais seulement si cet abattement reste minime : pas au-delà de 10% selon Laurent Berger alors que le Medef propose lui un abattement entre 10 et 30% selon que la retraite est prise à 64 ou 62 ans.
Des sondages en complète contradiction Sur ce point il faut noter les contradictions des sondages qui circulent : D'après une étude réalisée par l'Ifop auprès de personnes âgées de 18 ans et plus pour le compte du Cercle de l'Epargne, 51% des sondés déclarent être prêts à travailler jusqu'à 65 ans pour « disposer d'une bonne retraite ». Selon un sondage Ifop publié le 31 mai 2015 dans Le Journal du dimanche auprès de personnes âgées de 18 ans et plus, 67% des sondés se déclarent contre l'instauration d'un abattement pour restaurer les finances des régimes complémentaires. Contradictions qui soulignent sans doute la différence de perspectives selon que l’on se pose la question en tant que salarié ou en tant que futur retraité … ! Sondages cités par le site toutsurlaretraite.com |
Une étude publiée par la DREES, direction des études du ministère des Affaires Sociales Les retraites et les retraites ; Edition 2015 DREES. http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/retraite-edition-2015.pdf, est venue éclairer ce débat sous un angle peu connu : elle montre que les bénéfices de travailler plus longtemps sont plus importants pour les agents publics que pour les salariés du privé. En effet, le dispositif de la surcote permet à un salarié qui dispose de tous ses trimestres de bénéficier d’un bonus de 1,25% sur sa pension s’il continue de travailler au-delà de l’âge légal, soit 62 ans (2017). Ce dispositif est plafonné à 20 trimestres (5 ans).
D’après l’étude le gain s’établit ainsi :
- 306 euros bruts par mois pour les fonctionnaires d'État ;
- 173 euros bruts par mois pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ;
- 73 euros chez les salariés ;
- 57 euros chez les exploitants agricoles ;
- 55 euros chez les artisans ;
- 54 euros chez les commerçants ;
- 14 euros chez les salariés agricoles.
Voir le détail sur : http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/xls/retr10_surcote_100515.xls
Cette différence s’explique bien sûr par rapport au montant moyen de la pension qui est plus élevée dans le secteur public que dans le secteur privé et a fortiori chez les salariés agricoles, la surcote étant proportionnelle à la pension.
Mais ce qui est intéressant dans le débat qui agite les retraites complémentaires, c’est que cette surcote s’applique à la totalité de la pension pour les régimes publics alors qu’elle ne s’applique qu’au régime de base pour les salariés du privé. Certes un salarié qui continue à travailler au-delà de 62 ans continue à accumuler des points mais pas des points bonifiés. Enfin, cette surcote dans le privé va s’appliquer sur une retraite qui est plafonnée puisqu’elle ne peut dépasser 50% du plafond de la sécurité sociale (3.170 euros en 2015, soit 1.585 euros pour la retraite).
Aussi il y a donc une forme d’injustice à ne pas bénéficier de surcote pour les salariés du privé au-delà de 62 ans au titre des complémentaires et même d’envisager de les pénaliser s’ils ne poursuivent pas leur activité jusqu’à 64 ans, alors que le dispositif continue de s’appliquer à plein sur les agents publics (surcote de surcroît non plafonnée à 20 trimestres) Voir PLF 2015 - Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique p.37 ; http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2015/pap/pdf/jaunes/jaune2015_pensions.pdf. C’est le bâton pour les uns et la carotte pour les autres. Une situation d’autant plus difficilement compréhensible que les salariés du secteur privé portent encore une fois des efforts de réforme afin d’éviter aux régimes complémentaires d’être dans le rouge, tandis que le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques, montre que nos dépenses publiques ne sont pas encore suffisamment maîtrisées, notamment les charges de personnel dont font partie les retraites publiques. Certes l’État employeur a intérêt à inciter ses agents à travailler plus longtemps mais on mesure avec cet exemple la différence de traitement public/privé et pourquoi il est urgent d’en venir à un système universel de retraites par points.
Report de la retraite à 67 ans, le "précédent" de la Tranche C : La retraite Agirc tranche C concerne les cadres qui avaient un salaire supérieur à 4 fois leplafond de la sécurité sociale. Pour obtenir la retraite Agirc tranche C sans minoration, il faut avoir atteint un âge minimum compris entre 65 et 67 ans en fonction de sa génération. |