La réforme des retraites sera-t-elle équitable ?
Tous les vendredis, Agnès Verdier-Molinié, directeur de la Fondation iFRAP, décrypte l'actualité pour Cnews. Cette semaine, la problématique des retraites et de l'équité de la réforme à venir.
Le report de l'âge à 65 ans est l'une des principales mesures du programme d'Emmanuel Macron pour sa re-élection. Après l'échec des concertations avec les partenaires sociaux entre 2017 et 2022, il semble qu'on se dirige vers une véritable réforme des retraites pour la prochaine mandature. Ce réalisme sur la nécessité de repousser l’âge de départ à la retraite est une bonne nouvelle et met sur la table le fait qu’on ne peut pas avoir de moins en moins d’actifs pour financer de plus en plus de pensionnés.
Néanmoins, il faudra se méfier de plusieurs loups dans cette réforme :
La première inquiétude, c'est que le président a bien annoncé qu’il va supprimer les régimes spéciaux mais il ne s'est pas engagé sur le changement de statut des nouveaux embauchés (comme à la SNCF depuis la réforme de 2017). Rappelons que le régime de retraites des fonctionnaires d’Etat, de fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière est le régime spécial le plus important. Pour une réforme complète, il faudrait que les nouveaux embauchés des collectivités, des hôpitaux ou de l’éducation soient embauchés dorénavant sous contrats privés.
L'enjeu est colossal car les modes de calcul des pensions publiques et privées ne sont pas du tout les mêmes : les pensions des agents publics coûtent beaucoup plus chers à la collectivité que celles du privé. Conséquence, les déficits (dont la plupart sont cachés) sont financés par nos impôts et pour des montants qu’on peut évaluer autour de 15 milliards d’euros par an pour l’ensemble des régimes spéciaux du public. La vérité est que malgré le report de l’âge, si on ne supprime pas tous les régimes spéciaux, y compris ceux des agents de l’Etat des collectivités et des hôpitaux, la France gardera des écarts de pensions très importants, de l’ordre de 20%, pour des carrières identiques
La seconde inquiétude d'ailleurs, c'est il n’est pas clair si les agents publics qui sont en catégorie active pourront continuer à partir plus tôt à la retraite. On parle ici des agents qui peuvent partir beaucoup plus tôt à la retraite que le reste des actifs, à 52 ans ou à 57 ans. Cet âge est ainsi de 55 ans et 5 mois dans la police, 56 ans dans l’administration pénitentiaire, 60 ans et 6 mois pour les douanes… soit avant les 62 ans ! Un peu comme les conducteurs de rames de la RATP qui partent à la retraite à 52 ans. En 2020, 13.700 agents publics de catégorie active sont partis à la retraite, c’est 1 départ sur 5.
Qu'en conclure ? Que malgré les promesses de campagne, rien n'est certain sûr et il faudra faire preuve de beaucoup de vigileance et veiller à ce que le coût de la réforme n'incombe pas, en majorité ou intégralement, sur les salariés du privé. Ce ne serait pas la première fois : en effet, il faut rappeler que la réforme sur l’âge pivot, avec un malus pour inciter à partir à 63 ans, s’applique uniquement aux retraites complémentaires... des salariés du privé.
- Pour aller plus loin, voir la note complète Réforme des retraites : l'agenda caché ?