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La réforme des retraites des banques

Un exemple de réforme de régime pour 2010

Le débat sur les retraites annoncé pour 2010 nécessite d'ores et déjà de réfléchir à des pistes de réforme. François Chérèque a d'ailleurs récemment déclaré : « Il faut une réforme globale, qui se discute au moins sur un an ; il faut aller très loin. Faut-il fusionner les régimes de base et les complémentaires ? Faut-il laisser davantage de choix aux salariés ? ».
Dans cette perspective, nous publions le témoignage d'un expert des retraites - Bernard Sauvant, retraité et ex-directeur d'un groupe de protection sociale - au sujet de la réforme opérée dans le secteur bancaire dans les années quatre-vingt-dix. Une solution qui pourrait inspirer la négociation de 2010.

État des lieux avant 1993

Il existait un seul régime bancaire de retraite conventionnel, mais en réalité ce régime était loin d'être uniforme.

Un exemple pour la réforme des retraites 2010 ?

Contrairement à celles de 1993 et 2003, la réforme des retraites de 2010 devra être structurelle, c'est-à-dire générale et garantissant automatiquement l'équilibre financier du système. La sortie progressive appliquée dans les banques montre la méthode qui pourrait inspirer les régimes des fonctionnaires et les régimes spéciaux, systèmes qui garantissent des retraites en fonction des derniers salaires sans les financer, tout comme l'était le régime bancaire. Tout l'enjeu de la réforme serait alors de discuter la valeur de ce fameux rabot qui, dans le cas des banques, fut l'objet de contestation et négociation.

En premier lieu, il ne concernait que les banques membres de l'AFB, certes à l'époque de l'ordre de 300 ; en étaient donc exclus les « banques » ou organismes assimilés comme le Crédit agricole, les Caisses d'épargne, les Banques populaires… Même si ces organismes pratiquaient des régimes similaires, voire identiques.

En second lieu, il y avait en réalité une petite vingtaine de caisses de retraite de banques « AFB » : chaque « grand » établissement ayant sa propre caisse (BNP, Société générale, Crédit lyonnais…). Les « petites » banques se regroupaient au sein de deux caisses : l'une métropolitaine et l'autre créée pour toutes les banques AFB des départements d'outre-mer.

En troisième lieu, il n'y avait pas de solidarité financière entre les caisses des banques, chacune finançant son propre régime, sauf sur un point : la caisse de retraite de la dernière banque de la carrière prenait en charge toute la carrière bancaire de l'employé. En général, la tendance était plutôt de commencer dans une « grande » banque et de finir dans une « petite ».

Seules les « petites » banques, regroupées au sein d'une caisse unique ou au sein de la Caisse d'outre-mer, pratiquaient une solidarité réelle. Quelques règles de compensation existaient cependant entre les caisses du régime « AFB » et celles non-AFB. Enfin, presque l'ensemble des caisses de retraite des banques et organismes assimilés était « réassuré » à l'Arrco pour les non-cadres, dans la limite de droits à 4 % de cotisations.

Nature du régime de retraite des banques

Il s'agissait d'un régime très similaire à celui des fonctionnaires puisqu'il offrait des droits en pourcentage du dernier salaire : soit de l'ordre de 72 à 75 % du dernier salaire pour une carrière complète de 42 ans, c'est-à-dire 1,667 % par année de carrière bancaire. De ce régime dit global se déduisait la quasi-totalité des droits acquis auprès du régime vieillesse et bien sûr ceux, techniques, acquis auprès de l'Arrco : le régime de retraite bancaire était donc déjà un régime supplémentaire, différentiel.

Ce régime supplémentaire se finançait par une cotisation des salariés et une cotisation des employeurs ; cette dernière étant le plus souvent un multiple de celle des salariés (2 ou 3 fois) avec un maximum conventionnel, laissant donc ouverte l'éventualité d'une réduction des droits de retraite en cas de déséquilibre trop important de ces régimes. Il convient de noter également que cette cotisation représentait 12 à 20 % de la masse salariale suivant la caisse bancaire de retraite, situation traduisant les profondes différences d'équilibre de ces caisses.

Les études menées depuis plusieurs années démontraient les risques importants de déséquilibre, tant du fait de l'évolution des effectifs et de leur pyramide des âges que de la progression de l'espérance de vie (déjà plus longue que la moyenne dans une activité de services). Ainsi, l'estimation du taux de cotisation d'équilibre à terme, à situation à peu près constante, montait jusqu'à plus de 40 % de la masse salariale !

L'élément le plus pénalisant de ce régime était bien entendu le calcul de la retraite sur le dernier salaire puisque les cotisations n'avaient été prélevées que sur le salaire moyen de la carrière. Or, l'écart entre le salaire moyen et le dernier salaire était en moyenne de 30 % (écart extrêmement variable suivant que le salarié avait eu une carrière plate ou très rapide et fortement progressive). Cet écart représentait en fait une retraite « gratuite », ce qui techniquement ne peut exister !

La situation aboutissait de plus, comme souvent dans les régimes en pourcentage du dernier salaire, à quelques dérapages bien connus : le coup de pouce sur le salaire de fin de carrière pour permettre au salarié de partir avec un meilleur niveau de remplacement, même si ce comportement n'était pas généralisé et pouvait aboutir à une légère pénalité financière imposée à l'établissement fautif par la caisse de retraite.

Enfin, toutes les caisses bancaires de retraite n'avaient pas le même niveau de réserves : les écarts, en pourcentage des charges annuelles en cours étant extrêmement variables en fonction des politiques pratiquées.

Réforme du régime des retraites en 1993

Celle-ci s'est imposée de façon assez évidente, certes après des débats paritaires qui ont duré plusieurs années, mais surtout, certainement, en raison du risque conventionnel de réduction des pensions.

En premier lieu, le régime bancaire de retraite a estimé devoir rejoindre la solution générale appliquée aux salariés des autres professions, c'est-à-dire adhérer pleinement à l'Arrco et à l'Agirc, aux taux maximums. Cette situation ne s'est pas faite gratuitement puisqu'il a fallu que le régime bancaire puisse entrer dans ces régimes en situation d'équilibre actuariel, ce qui s'est fait par un droit d'entrée important et par une prise en compte, avec abattement, des droits bancaires reconstitués, chaque caisse bancaire de retraite pouvant bien entendu racheter cette pénalité. Ces droits Arrco et Agirc devant être servis par la suite directement par les caisses Arrco et Agirc auprès desquelles les établissements bancaires et leurs caisses avaient adhéré.

En second lieu, un accord a été signé avec plusieurs organisations syndicales, transformant le régime bancaire supplémentaire. Il a été décidé de geler les droits bancaires « globaux » à la date de transformation, le 1er janvier 1994, comme si chaque salarié faisait liquider sa pension à cette date, quel que soit son âge ; pour les retraités, le montant global de la pension étant déjà connu.

De ce montant global, repris après revalorisation au moment du départ en retraite ou immédiatement pour les retraités, il était déduit le montant d'une part de la retraite du régime vieillesse et d'autre part les montants des retraites Arrco/Agirc servies. Ne restait donc à la charge des caisses bancaires de retraite que le différentiel entre ces derniers montants et le montant global. Il a été décidé conventionnellement que la pension globale bancaire, devenue donc la somme des montants vieillesse, Arrco et Agirc et retraite bancaire différentielle, serait revalorisée comme la moyenne des revalorisations des régimes vieillesse-Arrco-Agirc moins 1,9 point, avec quelques règles d'atterrissage en douceur cependant.

Le mécanisme aboutissait ainsi, au fur et à mesure des revalorisations vieillesse-Arrco-Agirc, à faire diminuer progressivement le régime bancaire différentiel ; en fonction de l'importance de ce régime différentiel, il fallait donc plusieurs années pour que ce mécanisme de « rabot » aboutisse à réduire la pension globale d'un retraité bancaire aux seuls montants cumulés des pensions vieillesse + Arrco + Agirc. Toutefois, du fait des mécanismes techniques retenus, pour les personnes ayant eu une carrière plate et/ou courte, cette situation pouvait être immédiate en 1994 ; pour les autres, l'effet « rabot » pouvait prendre une vingtaine d'années.

La législation a, de plus, accompagné la situation des caisses bancaires de retraite et celle de leurs établissements adhérents en prévoyant la constitution de provisions actuarielles censées représenter les montants des engagements résiduels. Provisions qui diminuent en même temps que les retraites « différentielles » bancaires et allègent donc la situation financière des établissements bancaires.

Aujourd'hui, il ne reste donc que très peu de chose du régime bancaire de retraite tel qu'il existait avant 1994. De même, si la situation a été à un moment un peu tendue du fait des actions menées par des retraités qui acceptaient difficilement la réduction de leurs droits supplémentaires, devenus résiduels, elle est passée relativement facilement dans la durée.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'une partie importante des retraités a vu la retraite bancaire « recouverte » totalement, dès le départ du nouveau système, par les retraites vieillesse-Arrco-Agirc. Ceux-ci n'ont donc subi aucune réduction de leurs droits globaux.

Bernard Sauvant