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Geste envers les petites retraites : 300 millions ou 700 millions de coût ?

Dans le plan d'économies qu'il a présenté au Parlement, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé un gel des retraites jusqu'en octobre 2015, soit un an de plus que les mesures déjà prévues par la réforme des retraites votée en 2013. Cette mesure supplémentaire devait initialement rapporter 1,3 milliard mais devant la fronde des députés, le gouvernement a prévu de faire un geste pour les retraites inférieures à 1.200 euros qui ne seront donc pas concernées. Un geste estimé à 300 millions d'euros. Mais selon nos estimations le coût serait plus proche de 715 millions d'euros, ce qui laisse dubitatif sur le calibrage de cette mesure.

La DREES vient de sortir son étude annuelle intitulée les retraités et les retraites, édition 2014. On y apprend que le montant mensuel moyen de la pension de droit direct tous régimes confondus (de base et complémentaire) est estimé à 1.288 euros en décembre 2012 (hommes et femmes). Le chiffre de 1.200 euros retenu dans la négociation entamée par le gouvernement prend tout son sens. Mais cette information est complétée par une infographie très intéressante qui est la distribution de la pension brute globale des retraités de droit direct (c'est-à-dire hors pensions de réversion) d'un régime de base en 2008 :

On y voit qu'en 2008 un peu plus de 50% des retraités touchaient une retraite inférieure à 1.300 euros. Dès lors si on considère cette distribution à peu près constante et que l'on réévalue les pensions de l'inflation depuis cette date (2008) on peut estimer qu'environ 6,7 millions de retraités touchent encore une retraite inférieure à 1.200 euros, un chiffre proche de celui annoncé par le gouvernement (6,5 millions). Ce qui représente tout de même près de 40% de l'ensemble des retraités et une enveloppe de 58,8 milliards d'euros.

Un geste qui pourrait coûter le double du montant estimé

Ainsi selon nos estimations, en n'appliquant pas un gel des retraites pour ces 6,5 millions de retraités, le coût de cette mesure nous paraît plus proche des 715,5 millions d'euros pour la période octobre 2014-octobre 2015. Bien sûr ces chiffres sont calculés sur la retraite brute c'est-à-dire avant retenues sociales qui s'élèvent à 7,4 % (CSG, CRDS, CASA) mais qui, selon les situations fiscales, peuvent être inférieures. Néanmoins le chiffre reste supérieur aux 300 millions d'euros estimés par le gouvernement et imposera de trouver des recettes supplémentaires pour tenir le plan d'économies du pacte de responsabilité.

L'autre problème de cette décision est la mise en place d'une mesure qui devrait toucher l'intégralité des pensions touchées par les retraités. Le président de la CNAV a expliqué dans une conférence de presse qu'il y avait deux moyens pour approcher la retraite complète : l'une par l'administration fiscale qui compile en vue des déclarations de revenus les pensions touchées pour les déclarations pré-remplies, l'autre c'est un système informatique dénommé EIRR pour échange inter-régimes de retraites et qui est utilisé pour établir le minimum contributif et les majorations de pensions de réversion du régime général. Le problème c'est que l'administration fiscale ne pourrait informer des pensions 2014 qu'en 2015 ! Quant au système informatique, il faudrait l'étendre à l'ensemble des 6,5 millions de retraités concernés en très peu de temps. Enfin, comme le rappelle le magazine Notre temps, « ce traitement différencié entre retraités selon leur niveau de pension avait été jugé trop complexe à mettre en œuvre par le gouvernement Ayrault lors de l'élaboration de la réforme des retraites à l'automne 2013. »