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Financement des retraites et durée de cotisation

Agir quand il était temps

« Procrastination : tendance à tout remettre au lendemain, à ajourner, à temporiser » nous dit le Robert. En matière de réforme des retraites et pour faire face au problème du financement qui participe grandement au déficit public, le concept convient pour tout ceux qui n'ont pas voulu se « mettre au travail », pour des raisons politiques et électorales, notamment au sujet de la réforme de la durée de cotisation.

Depuis 1991, date du « Livre Blanc sur les retraites » préfacé par Michel Rocard alors Premier Ministre, la situation est largement connue. On ne peut énumérer le nombre de rapports publiés sur les retraites et sans résultats et aujourd'hui les chiffres sont connus et incontournables : en 1991 l'espérance de vie était de 72.9 ans pour les hommes et de 81.1 ans pour les femmes. En 2008 l'espérance de vie est de 77.5 ans pour les hommes et de 84.3 pour les femmes. Soit à peu près : + 4.6 ans pour les hommes et + 3.2 ans pour les femmes. En moyenne, l'espérance de vie a augmenté de 2 et 3 mois par an, respectivement les femmes et les hommes.

Lorsque, après 40 ans de travail et donc de cotisations, l'espérance de vie à la retraite était de 18 ans, il fallait, pour bénéficier d'une pension égale à 70% à son revenu, cotiser l'équivalent de 0,7*18 ans, soit 13 ans de salaire sur 40 ans d'activités, ce qui donne une cotisation théorique d'environ 30% (salariés et employeurs). Aujourd'hui, l'espérance de vie à 60 ans est de plus de 23 ans, il faudrait donc cotiser 48 % du salaire pour conserver le même taux de remplacement, ce qui est loin d'être le cas !

L'assurance vieillesse, mise en place en 1945 avait pour principes un âge légal de départ à 65 ans avec droit à pension pour un minimum de 30 ans de cotisations. En 1983, l'âge de départ a été ramené à 60 ans, certes avec une augmentation de la durée de cotisation de 37.5 ans mais une entrée plus tardive sur le marché du travail, et le chômage en plus !

Dernier point, avant 2002 le nombre de nouveaux retraités était d'environ 500 000 par an, mais depuis cette date il y a eu une augmentation constante pour atteindre 768 000 en 2008. Cette tendance à la hausse devrait se calmer en 2009 avec seulement 676 000 départs, une accalmie due à la réduction du nombre de départs anticipés.

Et c'est là que tous les « procastinarques » se mettent en action : la moindre des mesures à l'époque aurait dû être une mesure conservatoire pour tenter de figer la chute des recettes et d'alléger les dépenses associées en imposant un allongement de la durée de cotisation calé sur l'augmentation de l'espérance de vie, c'est-à-dire environ 1 trimestre par an.

Avec cette mesure conservatoire, on pouvait laisser l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans en appliquant une faible décote à la pension afin que cette mesure soit incitative. Sur la dernière décennie les derniers candidats à la retraite auraient donc dû cotiser une trentaine de mois en plus, ce qui n'est pas rien du côté d'un salarié, mais qui aurait grandement amélioré les ressources du système.

Nous nous sommes livrés à un rapide calcul qui ne prend en compte que les nouveaux entrants dans le système de « retraite du régime général ». Ce calcul ne tient pas compte entre autres de l'âge de départ légal, de l'âge effectif de départ, du marché de l'emploi, du taux de chômage et de la capacité des entreprises à maintenir un emploi, etc. mais de l'effort supplémentaire demandé afin de combler un manque à gagner pour le régime général.

Calcul théorique d'augmentation du total de trimestres en appliquant un allongement de 1 trimestre par an de cotisations à chaque nouvelle génération de retraités à partir de 1998
AnnéesNb de départs (hors retraite anticipée)Nb trimestres supplémentairesNb total de trimestres
1998 500 000 1 500 000
1999 500 000 2 1 000 000
2000 500 000 3 1 500 000
2001 510 000 4 2 040 000
2002 520 000 5 2 600 000
2003 550 000 6 3 300 000
2004 560 000 7 3 920 000
2005 660 000 8 5 280 000
2006 700 000 9 6 300 000
2007 720 000 10 7 200 000
2008 730 000 11 8 030 000
2009 600 000 12 7 200 000
Total en trimestres de cotisations 48 870 000
Total en années de cotisations 12 217 500

Actuellement, les 16 millions de salariés du privé représentent 50 milliards d'euros de recettes de cotisations retraite. Si on reprend le chiffre ci dessus : l'équivalent des 12 millions d'années de cotisations supplémentaires représentent la somme impressionnante de 38 milliards d'euros de ressources supplémentaires. De la même façon, le calcul donne un peu plus de 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires avec un recul d'un mois par an de l'âge légal de départ en retraite. Un ordre de grandeur confirmé par la déclaration du Président de la République interviewé hier soir par France 2 qui déclare que « deux ans de plus de travail c'est 22 milliards d'euros de cotisations supplémentaires ».

Ce petit calcul nous démontre deux choses :
- d'abord, s'il en est encore besoin, que les politiques de tout bord n'ont pas eu le courage de prendre au minimum des décisions conservatoires depuis des décennies
- et d'autre part que ce n'est qu'en agissant sur la durée de cotisations, que la réforme pourra mobiliser les montants qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros nécessaires au redressement de notre système de retraite, et éviter ainsi de tirer des chèques en blanc sur la banque des déficits.