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9 idées fausses sur la réforme des retraites

1. « Les vieux vont prendre le boulot des jeunes »

A entendre les jeunes, la réforme des retraites est la pire chose qui puisse leur arriver : déjà le marché du travail se refuse à eux mais ce sera sans doute pire si les actifs partent à la retraite deux ans plus tard. Faux ! La politique économique en France a pourtant démontré que le travail ne se partage pas : pendant des années des politiques d'incitations fortes ont encouragé les entreprises à recourir aux préretraites sans aucun effet sur le taux d'emploi des jeunes. Résultat : taux d'emploi des seniors : 39% contre 54% dans les pays de l'OCDE et chômage des jeunes : 22,4% contre 16,4% pour l'ensemble des pays de l'OCDE. La formation, la rigidité du marché du travail, et maintenant la crise peuvent expliquer le retard français mais on ne peut certainement pas affirmer que la retraite à 60 ans est un encouragement à recruter des jeunes !

2. « Les plus de 60 ans sont déjà tous au chômage »

A l'opposé des jeunes, ce sont les seniors qui eux s'opposent à la réforme mais pour le même motif : "à quoi bon reculer l'âge de la retraite tant que les 50-60 ans ne trouvent pas de travail". Nous avons déjà plusieurs fois exposé l'intérêt qu'il y aurait pour développer l'emploi des seniors à relever l'âge de départ à la retraite. Comme pour les jeunes, la France a déjà donné dans l'expérimentation de ce genre de règle douteuse de partage du marché du travail : en abaissant en 1982 l'âge légal de la retraite à 60 ans, on a pu voir que le taux d'emploi des personnes de 60 à 64 ans est tombé à 13% mais également pour les 55-59 ans où seuls 54% des Français ont un emploi, un chiffre inférieur de 9 points au taux allemand, 15 points à celui du Royaume-Uni et de 26 points au suédois.

3. « On n'aura pas le temps de profiter de la retraite »

De surcroît, la logique démographique est implacable : en 1991, l'espérance de vie était de 72.9 ans pour les hommes et de 81.1 ans pour les femmes. En 2008, elle passe respectivement à 77.5 ans pour les hommes et 84.3 pour les femmes. En moyenne l'espérance de vie augmente entre 2 et 3 mois par an hommes/femmes confondus. On ne mesure pas le choc démographique qui nous attend. A ce rythme, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans va connaître un quasi doublement d'ici 2050 : passant de 12,6 millions en 2005 à 22,3 millions en 2050 alors que la population en âge de travailler va rester stable autour de 32 à 33 millions de personnes. C'est donc un impératif pour tous : il faut absolument faire travailler un maximum de personnes ou nos cotisations deviendront insupportables !

4. « On doit pouvoir choisir l'âge de sa retraite »

La confusion règne sur le nouvel âge de départ à la retraite.

Récapitulons : l'âge légal est reporté à 62 ans d'ici 2018 et l'âge de départ à taux plein passe à 67 ans d'ici 2023. Parallèlement, la France a passé la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite complète (dite « à taux plein ») à 41 ans en 2012. Une décote sera appliquée en cas de départ avant d'atteindre le nombre de trimestres exigé (0,625% par trimestre). C'est sur ce point que les syndicats sont le plus acharné, relayé par l'opposition. Ils souhaitent que l'on ne touche pas à l'âge de départ à taux plein pour ceux qui n'ont pas tous leurs trimestres et qui seront pénalisés. Cette vision n'est malheureusement pas compatible avec l'équilibre des régimes par répartition. Le principe même du report de l'âge à taux plein a justement pour but d'inciter ceux qui n'ont pas tous leurs trimestres ou ceux qui veulent accéder à une meilleure retraite à travailler plus longtemps. C'est une incitation, pas une punition.

L'argument de la retraite à la carte, défendu entre autres par le PS, n'est malheureusement pas possible pour ceux qui justement auront une petite retraite et qui de toute façon n'ont pas d'autres choix que de continuer. Et c'est le plus sûr moyen de financer le déficit de nos retraites de plus de 30 milliards d'euros. Le gouvernement l'a répété : le relèvement des deux bornes d'âge est la meilleure façon d'assurer le financement (19 milliards de recettes prévues grâce à cela).

5. « La retraite va pénaliser ceux qui ont commencé à travailler jeunes »

Quant au problème de ceux qui ont trop de trimestres compte tenu de leur carrière, ces personnes-là sont de moins en moins nombreuses (malheureusement car de plus en plus de personnes ont des trous dans leurs carrières ou heureusement si l'on tient compte du fait que de plus en plus de personnes accèdent aux études supérieures et rentrent sur le marché du travail plus tard). La loi Fillon avait mis en place la mesure carrière longue qui est maintenue. La seule solution pour contourner ce problème serait la mise en place d'un système par points mais qui implique une refonte de l'ensemble de notre système de retraite. La CFDT le souhaite, la CGT s'y oppose car elle sait que cette évolution mettrait à bas les régimes spéciaux.

6. « Il faut augmenter les impôts »

Plutôt que d'accroître massivement la part des actifs, les syndicats préfèreraient que l'on augmente les impôts pour financer les déficits. Mais lesquels ? Les impôts sur les revenus du capital ? Ils ont déjà été augmentés de 4,1 points sur les 3 dernières années passant de 27 à 31,3%. Sans compter que le capital lui-même est aussi mis à contribution et figure parmi les plus taxés en Europe. L'impôt sur le revenu lui ne peut pas suffire vu la faiblesse de son rendement et ce serait les classes moyennes qui seraient pénalisées. Imposer les entreprises par des cotisations supplémentaires ? Elles croulent déjà sous les charges qui les pénalisent largement dans la concurrence internationale, et toute augmentation serait de ce côté-là répercutée sur les salaires et donc le pouvoir d'achat.

7. « Notre système va devenir beaucoup plus injuste comparé aux Allemands »

Beaucoup de nos compatriotes sont désormais convaincus que la réforme des retraites va donner à notre pays le système le plus contraignant. Et de citer l'Allemagne et ses fameuses 35 annuités. Deux précisions importantes : le système allemand est un système par répartition et par points qui prévoit un départ à 65 ans. Il permet un départ à 63 ans avec un minimum de 35 ans d'assurance mais avec une décote de 7% qui va passer à 14% du fait du relèvement de l'âge légal de 65 ans à 67 ans en 2029. On est donc loin d'un départ à taux plein avec 35 ans de cotisation ! Ce qui n'empêche pas les opposants à la réforme française d'affirmer que le nouveau système va entraîner une décote de 25% pour un départ à 60 ans, un coup de massue comparé aux 14% des Allemands.

Mais cette comparaison ne vaut pas puisqu'il faut de toute façon attendre 65 ans (ou 63 ans sous condition). L'Allemagne n'est donc pas le pays de cocagne : la logique qui a prévalu pour la réforme du système de retraites en 2004-2006 est au contraire beaucoup plus contraignante qu'en France : les cotisations ont été plafonnées à 22% d'ici 2030 contre 19% actuellement (25% en France).

Dans le cadre de sa réforme, l'Allemagne n'a pas hésité à baisser le taux de remplacement des retraites, démarche qui a été exclue en France. Mais, en contrepartie, des plans de capitalisation ont été mis en place, incités fiscalement par le gouvernement. Une solution vivement combattue par l'opposition dans notre pays. De même, les impôts ont aussi été augmentés (sur les salariés et les retraités). Tout cela dans l'idée de limiter la charge sur les entreprises et de les soutenir à l'exportation.

8. « Les personnels de la RATP et de la SNCF sont concernés »

Les régimes spéciaux : pour beaucoup cette réforme est injuste mais tout le monde n'a pas la même perception de l'injustice. Les agents de la RATP et de la SNCF, entre autres, s'en tirent à bon compte. Non sans « humour » ils sont contre le report de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans et la retraite à taux plein à 67 ans alors qu'ils ne sont pas près d'être concernés par la réforme. En effet la réforme ne prévoit que l'allongement de 2 années de « leur » âge légal de départ à la retraite et ce étalé sur 6 ans à partir de 2017 seulement. Cela signifie qu'il faudra attendre 2023.

En attendant ils bénéficient d'un régime spécial car la quasi-totalité d'entre eux part en retraite à 50 ou 55 ans. Il faut quand même mentionner que le nombre annuel de demandes de liquidation des droits à retraite diminue à la SNCF : il est passé de 7.000 en 2007 à 5.800 en 2008 et à 4.800 en 2009, ce qui prouve que le travail n'est pas si pénible et que l'on peut travailler plus longtemps.

A la RATP :
- le ratio cotisants/pensionnés (droit direct + réversion) est de 1.08 (44.203/ 40.945 chiffre 2008)
- l'âge moyen de départ est de 53,32 ans.
- le nombre moyen d'annuités est de 32,55
- et la pension moyenne est de 1968 €
- l'espérance de vie est supérieure à 77 ans.

La subvention d'équilibre à la charge du contribuable est de l'ordre de 470 millions € en 2008 pour 41.000 pensionnés soit plus de 11.400 € par pensionné.

A la SNCF :
- le ratio cotisants/pensionnés (droit direct + réversion) est de 0.54 (157.132/ 291.478 chiffres 2009)
- l'âge moyen de départ est de 52,8 ans
- le nombre moyen d'annuités est de 32,33
- et la pension moyenne est de 1.620 €
- l'espérance de vie est supérieure à 81 ans

La subvention d'équilibre à la charge du contribuable est de l'ordre de 2.900 millions € en 2008 pour 291.500 pensionnés soit près de 10.000 € par pensionné.

9. « Les routiers ou les employés des raffineries n'ont pas des régimes spéciaux »

Les routiers et les convoyeurs de fonds sont dans la même situation : ils bénéficient du congé de fin d'activité (CFA) qui permet aux conducteurs d'au moins 55 ans de partir en retraite s'ils ont plus de 30 années de conduite (20 pour les convoyeurs de fonds). Une mesure qui coûte selon Les Echos 110 millions d'euros et bénéficie à 8.000 personnes environ et qui fait l'objet actuellement d'une négociation avec les employeurs de la profession qui aimeraient passer à 57 ans. Les personnels des raffineries partent actuellement eux aussi à 55 ans et réclament pas moins que le retour aux 37,5 années de cotisation.