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Transparence de la vie publique, et si ça avançait ?

Mercredi 11 mars, Gérard Larcher, président du Sénat, présentait ses propositions de réformes pour moderniser le Sénat et améliorer la transparence de la vie publique. Le rapport du Bureau du Sénat commence par préciser que « comme toutes les institutions publiques, le Sénat doit rendre compte de son action et de sa gestion. C’est un devoir qui exclut toute forme de voyeurisme, de populisme. ». Un bon point qui prouve que la marche vers la transparence et la bonne gestion va lentement dans le bon sens. On regrette cependant les (encore trop) petites avancées  sur l’indemnité des parlementaires et sur la réserve parlementaire.

Peu de données existent sur le sujet mais en novembre 2014, la sénatrice PS, Catherine Tasca, invitait publiquement la présidence du Sénat à lutter contre le phénomène de l’absentéisme dans les rangs du Sénat. Elle expliquait qu’il « s'est développé au Sénat, j'ose dire, presque une habitude d'emploi fictif pour certains sénateurs, et ça, ça n'est pas acceptable pour l'opinion ». Alors pour lutter contre cet absentéisme des sénateurs en commissions et dans l’hémicycle, la présidence du Sénat a décidé d’automatiser la publication « d’un tableau des activités et des présences de chaque sénateur […] sur le site du Sénat pour les journées du mardi, du mercredi et du jeudi, incluant les séances plénières, les réunions des commissions, des délégations des structures temporaires (missions d’information, commissions d’enquêtes…) et les réunions internationales ». Une démarche probablement inspirée de ce qui se fait déjà sur l’activité des parlementaires européens suivie de près, à la fois, par les institutions et par la société civile. Sur ce terrain, la France est très en retard même s’il faut noter que le collectif Regards Citoyens, à travers son site nosdeputes.fr, suit autant qu’il le peut l’activité et la présence de nos parlementaires.

Autre aspect de la lutte contre l’absentéisme des sénateurs : « un nouveau dispositif de retenues financières sera appliqué en cas d’absences répétées d’un sénateur ». Ces retenues financières, qui seront effectives dès le 1er octobre 2015, s’effectueront sur l’indemnité de fonction et l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).

  • Un sénateur absent à plus de la moitié, soit des votes solennels (explications de vote incluses), soit des réunions de la commission permanente ou d’une commission spéciale du mercredi, soit des séances de questions au gouvernement (nouvellement instaurées à la place des questions cribles thématiques), perdra 700 euros par mois sur son indemnité de fonction.
  • Un sénateur absent à la moitié de ces trois catégories de séances cumulées perdra alors la totalité de son indemnité de fonction (1.400 euros par mois) et 50% de l’IRFM (3.000 euros par mois), soit un total de 13.200 euros sur un trimestre.

À noter que le travail de refonte sur les indemnités des sénateurs reste en chantier… dans le spectre plus large de la rémunération des parlementaires. Sur ce sujet, « Gérard Larcher mettra en place un groupe de travail au Sénat pour préparer la révision et se coordonnera avec le président de l’Assemblée nationale. » Une telle réforme doit, en effet, obligatoirement passer par la révision de l’ordonnance organique de 1958 « qui fixe les moyens mis à la disposition des parlementaires. [La réforme] devra être engagée, dans la perspective de 2017, pour réexaminer le montant, la nature, l’objet des indemnités, leur fiscalisation ». 

Un chantier qui s'annonce conséquent puisque d’une comparaison européenne, il ressort que la France est le pays qui compte le plus de parlementaires et celui où ces derniers sont les mieux indemnisés : en l’occurrence 157.644 euros par an au total pour un sénateur (auquel s’ajoutent encore 90.567 euros de crédits pour la rémunération des collaborateurs – à l’intégrité de chaque sénateur ensuite de ne pas engager des proches). Une réalité bien cachée par le fait que, si l’on ne regarde que l’indemnité de fonction les indemnités des parlementaires français sont les plus basses avec l’Espagne et la Suède… sauf que nos parlementaires ont volontairement limité leur rémunération de base. En contrepartie, ils bénéficient d’indemnités connexes et de dispositifs pour le moins opaques. Ainsi,  entre 2001 et 2010, les charges de secrétariat ont progressé de 41% et l’IRFM de 24%. Des compléments de revenus non imposables et qui font régulièrement l'objet de révélations dans la presse : député organisant des voyages personnels, financements de campagne électorale… En 2012, le député UDI, Charles de Courson avait déposé un amendement afin de mieux contrôler ces indemnités mais seulement 24 députés auront voté pour.

Nombre de sénateurs, par pays

Pays

Nombre de sénateurs

États-Unis

100

Brésil

81

Allemagne

178

Italie (après réforme Renzi)

100

Espagne

264

France

348

Rémunération des sénateurs (brut par mois en euros)

 

Sénateur

Indemnité parlementaire

(inclus : indemnité de base, indemnité de résidence, indemnité de fonction)

7 100

Indemnité représentative de frais de mandat

6 037

Total

13 137

Crédits pour la rémunération de collaborateurs

7 548

Indemnité des présidents

14 157

En attendant une proposition de réforme de l’indemnisation des parlementaires, le Bureau du Sénat pose quand même quelques principes allant dans le bon sens sur le sujet de l’IRFM et de l’opacité qui l’entoure jusqu’à présent :

  • Chaque sénateur sera désormais dans l’obligation d’utiliser un compte uniquement dédié à l’utilisation de l’IRFM ;
  • Un référentiel de la bonne utilisation de l’IRFM sera élaboré avec le Comité de déontologie du Sénat et publié sur le site Internet du Sénat ;
  • L’IRFM ne pourra plus être utilisable pour l’acquisition d’un bien immobilier (ex : comme une permanence politique que le sénateur pouvait ensuite conserver en son nom à la fin de son mandat) ;
  • Le Comité de déontologie pourra être saisi pour toute demande d’éclaircissement relative à l’utilisation par un sénateur de son IRFM ;
  • Le reliquat non utilisé de l’IRFM sera obligatoirement restitué au Sénat.

Une volonté de transparence et de bonne gestion, que le Sénat apparaît soucieux de s’imposer à lui-même puisque, désormais, le budget du Sénat sera accessible sur le site Internet du Sénat (voire même soumis « à un pré-test auprès d’un panel de citoyens »). Également les logements de fonction sont désormais supprimés (« ne subsistent désormais qu’un appartement de permanence pour le président du Sénat et les logements pour nécessité de service du commandant militaire et du médecin ») et la commission spéciale chargée du contrôle des comptes « aura des prérogatives plus étendues. Elle pourra notamment opérer des contrôles sur pièces et sur place des comptes de l’ensemble des services du Sénat. »

Pour conclure, le Bureau du Sénat aborde l’épineuse question de la réserve parlementaire. Sur ce sujet, les avancées sont plus minces quoique le Sénat s’engage à publier sur son site Internet toutes les subventions accordées par les parlementaires (montants et destinataires) alors que jusqu’à présent, cette publication était soumise au ministère de l’Intérieur. Une transparence nécessaire puisque c’est elle qui devrait permettre de limiter les dérives actuelles de la pratique, même si on peut regretter que le Sénat ne revienne pas sur la libre répartition de la réserve aux sénateurs par leur groupe politique. En théorie, une égale répartition reviendrait à attribuer 150.046 euros à chaque sénateur mais dans les faits, 60 d’entre eux se sont vu attribuer la moitié de la réserve sénatoriale en 2013, soit presque 25 millions d’euros. Seule consigne particulière : « le Bureau du Sénat recommande d’opérer cette répartition en tenant compte de l’assiduité. », pourtant le Bureau fixe également des règles plus claires sur le versement des dotations aux collectivités locales (« l’aide devrait être supérieure à 2.000 euros et représenter au moins 10% du montant du projet ou de la tranche concernée » dans le but d’éviter l’éparpillement des subventions), aux associations (« chaque association subventionnée doit s’engager à présenter au Sénat un rapport d’exécution de ce projet qui sera rendu public ») et aux organismes de réflexion (« dans un cadre contractuel au titre d’un projet d’étude ou de recherche déterminé intéressant le Sénat »). Finalement, le Sénat s’engage aussi à créer une dotation institutionnelle d’un montant de 3 millions d’euros, gérée de façon collégiale et qui viendra remplacer les différentes réserves parlementaires distribuées par la présidence du Sénat, les présidents et le rapporteur général de la commission des finances.