Suppression de lois obsolètes : Une goutte d’eau dans notre océan législatif
En pleine campagne, Emmanuel Macron affirmait qu’il ne voulait pas « qu’on ajoute plus de nouvelles règles avant d’avoir passé en revue celles qui existent et n’ont pas d’utilité. » Un engagement pas forcément suivi. Si, depuis le début du mandat, le gouvernement a promulgué des mesures pour lutter contre l’inflation normative, Le Macronomètre, en novembre 2018, puis en juin 2019, estimait que la lutte contre l’excès de normes était insuffisante et que, en matière fiscale comme réglementaire, la complexité continuait d’augmenter.
Que nous propose le Parlement sur le sujet ? Fin novembre, les parlementaires ont voté la suppression de 49 lois obsolètes, votées entre 1819 et 1940, pour un volume qui « correspondrait » à une année d’activité législative. En effet, en 2018, le Journal officiel s’est renforcé de 45 lois… Mais aussi et surtout, il a été augmenté de 71.521 pages, 1.267 décrets et 8.327 arrêtés réglementaires. Nos parlementaires s’attaquent donc à une goutte d’eau dans l’océan législatif qui nous régit. Rappelons d’ailleurs, qu’à l’heure actuelle, en France, l’ampleur de notre stock normatif reste une inconnue. Il serait composé de 400.000 normes, parmi lesquelles 11.500 lois et 120.000 décrets répartis dans 62 codes différents. Les 49 lois supprimées fin novembre représentent donc 0,4% du stock de lois françaises et 0,01% du stock normatif au total.
Comment ce« paquet » de lois à supprimer a-t-il été déterminé ? À la suite des travaux du «Bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles» (ou de la mission dite «Balai») qui a été créé par le Sénat en janvier 2018. Notons que ces lois qui existaient encore dans le texte législatif n’étaient plus appliquées. On y trouve ainsi : une loi sur le poinçonnage des densimètres pour contrôler la richesse de la betterave, une loi établissant l’obligation d’utiliser un alcoomètre « centésimal de Gay-Lussac », une loi régissant les sociétés de patronage des détenus libérés (sociétés qui ont disparu au milieu du 20ème siècle), une loi concernant la répression de la fraude dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine…
Quel intérêt de supprimer des lois qui ne sont plus appliquées ?
Des lois obsolètes donc… et l’on comprend pourquoi nos parlementaires rechignent à cette tâche de rationalisation. Erwan Balanant, rapporteur du texte, justement, le déplore : «On peut en effet s’interroger sur l’intérêt de supprimer des lois devenues obsolètes qui, par définition, ne servent plus à rien - ce qui fait de la proposition de loi un texte qui n’aura aucune incidence sur l’état du droit applicable. Les plus taquins diront que ce n’est pas la première fois que nous faisons une loi qui ne sert à rien…» En effet, si l’opération a un effet sur le stock de lois (dont on ne connaît d’ailleurs pas l’ampleur), la simplification et les « économies » sur la complexité normative sont nulles et la déclassification opérée indolore. S’agissant de simplification, on se retrouve à la case départ, un travail que les vieilles démocraties européennes ont déjà entrepris : les Belges, les Allemands, les Britanniques et les Hollandais l’ont fait. En matière d’inventaire du stock normatif, les Allemands ont entrepris ce travail de Romain au début des années 2000 tandis qu’un objectif de réduction fut déployé et atteint entre 2006 et 2012. Désormais l’organe dédié au suivi, le Nationaler Normenkontrollrat, joue son rôle de vigie et de publication annuelle de l’impact de la production normative par rapport à ce référentiel.
Le nombre de lois actives, en Allemagne, tourne depuis autour de 1.700. En France le suivi de l’activité normative est assuré par le SGG (Secrétariat général du gouvernement), mais contrairement à la Belgique, qui dispose d’un organe similaire (l’Agence pour la simplification administrative), les publications se font au compte-gouttes (via la publication annuelle du tableau de bord sur l’activité normative) et sans mesure économétrique de l’impact de la norme sur la complexité administrative (hors activité du Conseil national d’évaluation des normes pour les collectivités territoriales, qui mesure son impact budgétaire mais pas sa complexité intrinsèque). Ce qui reste très insuffisant, notamment s’agissant des usagers, des entreprises et même de l’administration elle-même.
Et pourtant, aussi minime soit-elle, cette suppression représente une étape vers une meilleure maîtrise de l’inflation normative en France. Une seconde étape serait en cours de préparation, sur la période 1940 jusqu’à nos jours. La mission Balai aurait déjà répertorié plus de 200 textes qui pourraient être abrogés. Une intention méritoire. À quand la suppression de normes qui aggravent aujourd’hui la charge administrative des ménages, des entreprises et des collectivités, comme le font nos voisins européens ? Encore un effort…