Ouvrons l'Hôtel de la Marine au public !
Le Ministère de la Marine quitte la Place de la Concorde pour le nouveau Pentagone à la française en construction dans le Sud de Paris. C'est très bien, mais que faire de l'Hôtel de la Marine, propriété de l'Etat, et de ce somptueux bâtiment érigé sous Louis XV ? La Cour des comptes s'y verrait bien emménager, alors qu'il faudrait ouvrir le bâtiment au public, en le transformant en musée ou en hôtel.
De tous bords on planche sur la question. A part la Culture, en vue d'une transformation en musée, diverses administrations lorgnent sur le bâtiment, et la Cour des comptes est, depuis le règne de Philippe Séguin, sur les rangs. D'autres évoquent la vente au secteur privé. Mais l'association des amis de l'Hôtel, présidée par M. de Rohan, veille au grain en affirmant que ce serait scandaleux de livrer l'Hôtel « à un usage commercial ».
On croit rêver. La Cour des comptes ? Celle qui milite à juste titre pour la l'utilisation rationnelle du domaine de l'Etat, et pour la cession au secteur privé des immeubles non indispensables au fonctionnement de l'Etat, c'est elle qui voudrait installer ses comptables (de haut vol, certes) sur la Place de la Concorde ?
Et quant au Président de l'association des amis de l'Hôtel, qu'entend-il au juste par l' « usage commercial » du patrimoine culturel, qu'il paraît mépriser de toute sa hauteur ? De l'autre côté de la rue Royale, les immeubles correspondants de la Place sont occupés par l'hôtel Crillon et l'Automobile Club. Cela est-il choquant ?
Les immeubles chargés d'histoire et de prestige, propriété de l'Etat, n'ont que deux vocations possibles. La première, c'est d'être rendus au public, c'est ce qui a été fait pour le Louvre, vidé de ses occupants du Ministère des Finances partis à Bercy, et justement rendu à sa vocation de musée. La seconde, c'est d'être cédés au secteur privé comme le mouvement s'en répand actuellement, bien entendu sous toutes les servitudes nécessaires touchant au classement des immeubles.
Ou bien l'Hôtel de la Marine est transformé en musée, ou pour tout autre usage permettant d'en rendre l'accès au public, ou bien il doit être cédé. Au moins, l'hôtel Crillon est-il un lieu public, et même si l'Automobile Club est privé, ses nombreux membres et leurs invités peuvent-ils jouir de cette adresse de prestige. Mieux valent de tels « usages commerciaux » que l'occupation par l'administration, n'en déplaise à la Cour des comptes ou à l'association des amis de l'Hôtel de la Marine ! Et le même commentaire s'applique à bien d'autres lieux, comme le Ministère de la Justice, voisin de l'Hôtel Ritz place Vendôme. Hôtel qui, comme le Crillon, rapporte plus en recettes de tourisme, impôts et taxes, que n'importe quelle autre utilisation.
Paris, première ville touristique du monde, dit-on, manque d'hôtels, c'est bien connu. Alors faisons de l'Hôtel de la Marine un hôtel pour touristes ! Mais de grâce, pas un nouvel et cher abri pour agents publics.