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Non, la fonction publique n'attire pas plus de candidats

Ce mercredi, l’Insee publiait plusieurs rapports thématiques sur le « Portrait de la France » en 2015. Le rapport « Souhaiter entrer dans la fonction publique de l’État : quel rôle des déterminants économiques » a fait l’objet d’une dépêche AFP titrée « Face au chômage, la fonction publique d’État attire nombre de candidats » soulignant un « intérêt accru pour la Fonction publique d’État » avec notamment 240.000 personnes ayant passé le concours externe pour l’un des 23.000 postes offerts. Sauf que la lecture du rapport nous donne une analyse radicalement opposée : depuis le début des années 2010, le nombre de candidats aux concours de la fonction publique s’amoindrit d’année en année.

L’attrait pour la fonction publique, quelle évolution ?

  • La fonction publique attire-t-elle « nombre de candidats » ?

Après un maximum atteint aux alentours de 1998 (près de 650.000 candidats) et un dernier pic vers 2002 (près de 580.000 candidats), le nombre de candidats aux concours externes de la fonction publique d’Etat diminue d’année en année jusqu’à atteindre 240.000 candidats en 2012, année qui affiche également la « sélectivité » la plus basse depuis 1990[1]. Une tendance commune à toutes les catégories... à l'exception des enseignants où le nombre de candidats a augmenté de +10.000 en 2011 et 2012.

Evolution du nombre de candidats présents et de la sélectivité des concours externes de la fonction publique de l’Etat entre 1995 et 2012

  • La fonction publique attire-t-elle les profils très qualifiés ?

La dépêche AFP souligne également que « le nombre de candidats susceptibles d’intégrer les postes les plus qualifiés (Bac+3) a été multiplié par trois depuis 1980 ». Une façon assez alambiquée de dire que les candidats sont de plus en plus diplômés, ce qui est une tendance que l’on retrouve également dans le privé et certainement le fait de la politique du 100% au baccalauréat et du 80% dans l’enseignement supérieur. Mais pour la fonction publique, il faut tout de même noter que cette tendance est à la baisse depuis les années 2000 pour les catégories A (de 95 à 93% des candidats sont Bac+3), pour les enseignants (de 96 à 94% des candidats sont Bac+3) et pour les catégories B (de 72 à 63% des candidats sont Bac+3). Pour les postes à pourvoir dans la catégorie C, l’augmentation est de 13 à 21% de candidats avec un Bac+3.

  • La fonction publique, un rempart contre le chômage ?

Dernier élément de la dépêche AFP qui interroge sur le prisme de lecture : l’attrait pour la fonction publique serait lié au niveau du taux de chômage ? Encore une fois, une réponse un peu plus nuancée est donnée dans le rapport de l’Insee.

Ce lien entre taux de chômage et une augmentation de nombre de candidats aux concours externe de la fonction publique est vrai lors que la montée du chômage au milieu dans années 90 : pour toutes les catégories de fonctionnaires, le nombre de candidats a augmenté. Mais cette logique est beaucoup moins vraie lors de la montée du chômage à partir de 2005 : le nombre de candidats à un poste de catégorie A reste stable alors que celui à un poste d’enseignants s’effondre complètement. Même tendance pour le nombre de candidats à un poste de catégorie B et C (voir schéma ci-dessous où les courbes se croisent).

Malgré tous ces éléments, la dépêche AFP va pourtant jusqu’à conclure « qu’au-delà des motivations personnelle […], le statut de fonctionnaire reste synonyme de sécurité du point de vue de l’emploi et du salaire, généralement plus élevé à l’embauche que dans le privé ». Et pourtant, la baisse régulière du nombre de candidats aux concours externes de la fonction publique, malgré l’argument d’un salaire supérieur dans le public par rapport au privé (et ce, malgré le gel du point d’indice) est probablement l’un des signes les plus marquants du désintérêt progressif des Français pour un recrutement dans la fonction publique. Ainsi, en 2011, dans la fonction publique d’Etat :

  • 2 290 euros pour les catégories A, soit 1 % de moins que cadre dans le privé,
  • 1 830 euros pour les catégories B (hors gardiens de la paix), 2 % de plus que dans le privé,
  • 1 860 euros pour les catégories C (y compris gardiens de la paix), soit 21 % de plus que dans le privé.

C’est probablement la preuve que les freins sont plus profonds comme la mobilité très réduire, l’absence de valorisation de la performance (avec des progressions de carrières et de salaires plus liés à l’ancienneté) ou encore un statut et des carrières très rigides. Mais pas question de croire non plus que l’alternative est forcément l’entreprise, surtout à l’heure du développement de l’économie collaborative : une étude, commandée par BNP Paribas et The Boston Project et publiée cette semaine également, montrait que la génération Z (soit les moins de 20 ans) étaient surtout attirés par l’entreprenariat. 40% d’entre eux seraient partant pour « créer une boite » et plus de 50% souhaitaient être leur propre patron plutôt que de devenir salarié.


[1] La sélectivité est définie comme le rapport entre le nombre de candidats présents aux épreuves des concours et le nombre de postes offerts. Cet indicateur rend compte de la tension sur le recrutement par concours dans la fonction publique d’Etat