Moi, parlementaire, une semaine dans les pas d'un dirigeant
Denis Terrien, président de l'association Entreprise et Progrès qui réunit des entrepreneurs et dirigeants d'entreprise, répond aux questions de la Fondation iFRAP sur le programme de son association qui organise des stages en entreprise pour les parlementaires.
Il débute sa carrière au sein du cabinet Mc Kinsey à Londres, puis rejoint le Groupe Pepsico-Pizza Hut et le distributeur GIB. En 1999, il fonde amazon.fr. En 2001, il est nommé président-directeur général de Sanford Europe-Newell Rubbermaid. Depuis 2009, Denis Terrien est le Président du groupe 3SI. Il est diplômé de la Harvard Business School, d’Oxford University et de l’ENSEEIHT. Son parcours atteste d’une expérience d’entrepreneur et de dirigeant aussi bien en France qu’à l’étranger. Il a participé à l’écriture de plusieurs livres dont « Enquête sur les libérateurs d’énergie ». En octobre 2011, il est élu Président d'Entreprise et Progrès, où il entend prôner les valeurs de l'association patronale. |
Fondation iFRAP : Votre association Entreprise et Progrès propose un programe "Moi, parlementaire, une semaine dans les pas d'un dirigeant", de quoi s'agit-il ?
Les dirigeants et parlementaires, acteurs complémentaires de la croissance et de l'emploi, n'ont que peu l'occasion de se rencontrer et d'échanger sur leurs défis respectifs. Par cette main tendue aux parlementaires, l'objectif est d'associer le parlementaire, qui crée les conditions de l’emploi, au quotidien du dirigeant d'entreprise, celui qui crée l’emploi. Nous pensons que cette immersion permettra au parlementaire de mieux comprendre comment les décisions se prennent, au niveau de l’entreprise, pour investir ou pas, ou pour recruter ou pas, et donc de mieux légiférer. Pour 2015, Entreprise et Progrès (E&P) et le Centre des Jeunes Dirigeants d'entreprise (CJD) travaillent de concert pour permettre à un maximum de parlementaires de passer une semaine complète en entreprise sur l’ensemble du territoire.
Notre souhait : qu'un échange mutuel, concret et approfondi ait lieu entre élus et chefs d'entreprises.
Notre rêve : la réciprocité : le dirigeant invité "dans les pas d'un parlementaire".
La Fondation iFRAP : Quels retours avez-vous eus de la première saison ?
Retours extrêmement positifs tant des parlementaires et des dirigeants que de la société civile qui comprend la nécessité d'une telle démarche.
25 députés en immersion en 2014, c'est la rampe de lancement qui nous a permis de confirmer le concept. Nous allons poursuivre cette initiative dans les années à venir. Tous les députés ont estimé qu'une semaine permet de saisir certains enjeux tels que les relations sociales, la multiplicité des décisionnaires… Ces éléments sont impossibles à percevoir en une visite de 2 heures, qui est le temps qu’un parlementaire passe généralement quand il visite des entreprises de sa circonscription. Il faut passer de la connaissance de ce qu’est une entreprise à l’expérience du vécu quotidien.
Cette expérience a aussi permis aux dirigeants d’entreprise de mieux comprendre les enjeux et le temps parlementaires.
La Fondation iFRAP : Peut-on vraiment réconcilier en profondeur les élus avec l'entreprise ? Avez-vous des expériences étrangères en modèles et quels ont été leurs résultats ?
A notre connaissance, cette initiative est unique. Sans doute parce que les situations sont différentes d’un pays à l’autre : en effet, dans de nombreux pays, le monde économique est bien représenté parmi ses élus. Selon un rapport de l'IREF, en Grande-Bretagne, 25,1% des élus "Members of Parliament" sont chefs d'entreprise et 13,5% sont cadres dans le privé. Aux États-unis, la profession la plus répandue chez les membres de la Chambre des représentants est celle d'entrepreneur. En Suède, seuls 33% des élus de l'Assemblée sont issus du secteur public alors qu'en France nous sommes près de 50%.
Les conséquences de cette situation française ne sont pas à chercher très loin : comparons, par exemple, les complexités administratives que les sociétés françaises doivent affronter par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays. Ou bien comparons le code du travail français qui a autant de pages que la totalité des pages des codes du travail de tous les pays de l’OCDE réunis. Enfin, comparons le taux de croissance de ces pays avec le taux de croissance de la France.
Par ce regard sur l'international, nous constatons qu'il est possible de rapprocher les élus de l'entreprise. Pour cela, il faut modifier le regard entre ces deux mondes mais aussi les modalités de présentation des candidats aux élections françaises, quelles qu'elles soient.
La Fondation iFRAP : Combien d'élus pensez-vous "former" ainsi à terme ?
Nous espérons convaincre l’ensemble des parlementaires non-issus du secteur privé de participer à cette expérience pour qu’ils aient une connaissance pratique du monde de l'entreprise. Cela équivaut à peu près à 700 immersions. Nous pensons que cet objectif est atteignable en 5 ans.