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Les mirages de la départementalisation de Mayotte

A Mayotte, rien ne se passe comme prévu… les cérémonies du jeudi 31 mars ont dû être reportées pour cause de brouille au Conseil général entre la droite et la gauche départementale, au risque de paralyser la naissance juridique du département [1] … tandis que l'allocution de Marie-Luce Penchard (voir encadré ci-dessous), ministre en charge de l'Outre-Mer le dimanche 3 avril pouvait laisser elle aussi perplexe quant à la volonté des pouvoirs publics de faire toute la lumière sur l'importance des efforts financiers à réaliser [2] pour mettre le 101ème département au niveau des départements de plein exercice [3]. Rien de plus difficile toutefois, et ce d'autant que les rapports actuels des pouvoirs publics en cours de réalisation demeurent volontairement confidentiels. Par ailleurs, l'amélioration de l'information financière du public sur la gestion locale reste entière : lors de son allocution dans le cadre de la discussion de la loi du 7 décembre 2010, le 5 octobre 2010 au Sénat, Marie-Luce Penchard reconnaît : « S'agissant de la publication de données financières synthétiques (du département) dans une publication locale, nous sommes d'accord pour la rendre obligatoire. » On peut donc aisément se rendre compte que la transparence financière, tant au niveau des services déconcentrés de l'État que des collectivités locales à Mayotte reste très faible, sans doute la plus faible de France [4]. Cela n'avait pas empêché pour autant la Fondation iFRAP voilà deux ans, de pronostiquer un probable doublement à terme du budget de l'État consacré à l'île, ne serait-ce que pour atteindre un niveau comparable à celui de la Guyane, soit 1,2 milliard d'€.

Extrait de l'allocution de Marie-Luce Penchard le 3 avril 2011

« Face à la volonté populaire, malgré cette détermination quasi consensuelle de la représentation nationale, il arrive que l'on entendre ici ou là d'étonnantes questions. […] La seconde (…), c'est : « la départementalisation, ça va coûter combien » ? Là encore, la question est absurde et n'a pas de sens. » « Je tiens à souligner que cette évolution devra se faire (…) dans un cadre progressif et adapté, pour éviter de créer des bouleversements trop brutaux pour l'économie et la société mahoraise […] il faudra veiller au strict respect de notre calendrier (…) l'enjeu pour nous tous c'est de tenir ce calendrier dès lors que vous aurez (…) installé les structures administratives capables de mettre en œuvre vos nouvelles compétences. » « je sais aussi que la départementalisation s'accompagne d'interrogations, légitimes, sur les financements et, notamment, leur répartition entre le Conseil général et les communes […] Sans entrer dans les détails des réformes envisageables, je crois que nous avons ensemble tout intérêt à clarifier ces relations financières pour se rapprocher du modèle de droit commun. »

1. Les errements gravissimes des collectivités locales à Mayotte :

A Mayotte, l'argent public ne peut pas venir de la collecte de taxes locales, dans la mesure où il n'y en a précisément pas. A part l'existence de droits de douanes complétés d'une taxe sur la consommation de façon à évoluer progressivement vers un système proche de l'octroi de mer (cf. notre dossier sur les DOM/TOM) bien connu des autres DOM, il n'existe pas encore de fiscalité directe locale, puisque jusqu'en 2004 il n'y avait pas de cadastre opérationnel, ni d'État civil, dont la fiabilisation complète devrait intervenir à partir d'avril 2011, la commission ad hoc prononçant 2.000 décisions/mois environ.

Pour cette raison, la quasi-totalité du budget des collectivités territoriales mahoraises et significativement des communes ne disposent que d'une dotation de fonctionnement de la part de l'État, subvention transitant par un fonds intercommunal de péréquation [5]. Cet état de quasi-subvention en matière de ressources, aurait pu être un gage de stabilité de l'équation budgétaire locale, puisqu'à une prévisibilité totale des recettes aurait dû correspondre une non moins totale stabilité des dépenses. Or que constate-t-on ?

Comme l'indique le rapport 2009 de la Chambre territoriale des comptes de Mayotte, 13 communes sur 17 ont été placées sous la tutelle du préfet. La raison… une absence généralisée de sincérité des budgets et de fiabilité des comptes, notamment en ce qui concerne les « restes à réaliser », c'est-à-dire des reports en recette ou en dépenses d'un compte administratif d'une année sur la suivante : généralement, il s'agit d'une « augmentation » artificielle de recettes afin de rétablir l'équilibre factice de la balance des comptes. Une pratique facilitée dans la mesure où « il n'est pas fréquent que l'instruction comptable soit correctement appliquée, en raison du fait qu'il n'y a pas de véritable comptabilité d'engagement, alors qu'elle est obligatoire depuis 2007 à Mayotte » ! Dans ces conditions on est en droit de s'interroger sur le professionnalisme des comptables publics locaux et leur responsabilité professionnelle.

Par ailleurs, les charges de fonctionnement s'envolent ce qui d'après la Chambre territoriale explique que « le « score » des communes de Mayotte est le plus mauvais pour l'importance du déficit en % de recettes de fonctionnement. Aussi, et au plan national, parmi les 22 communes ayant un déficit supérieur à 10% des recettes de fonctionnement, 13 sont des communes de Mayotte. » La raison en est la sur-administration locale. Un constat évident : les personnels qui constituent l'écrasante majorité des dépenses de fonctionnement obligatoires des communes creusent les dépenses trop rapidement, elles représentaient 54% des dépenses de fonctionnement en 2008, elles en représentent 57% en 2009. Or 58% des dépenses de fonctionnement, c'est le plafond admis pour les dépenses de fonctionnement obligatoires (dont les dépenses de personnel forment la plus grande partie) par rapport au total des dépenses de fonctionnement (ce que l'on appelle le coefficient de rigidité), et à Mayotte, ces dépenses représentent 73% de la totalité des charges de fonctionnement, soit 15% au-dessus de la norme admise et se sont accrues de 10 points en 1 an ! Le complément des dépenses de fonctionnement représente quant à lui la participation obligatoire aux syndicats intercommunaux. Six pour l'ensemble de l'archipel, alors qu'il n'y a pourtant que 17 communes…

Ainsi pour les dépenses des collectivités locales, la conjugaison de l'explosion des dépenses de personnel et le développement non rationalisé de l'intercommunalité font office de double peine. Comme l'évoque la Chambre « seule une gestion rigoureuse des dépenses de fonctionnement, notamment de personnel, peut permettre aux communes de rétablir leur situation financière. » Une situation dégradée partagée également par le Conseil général qui présentait un déficit de 72 millions d'€ à restructurer sur 3 ans en 2009, réduit à 35 millions en 2010 grâce au programme d'assainissement mis en place par les pouvoirs publics.

Et attention… en 2012 le département devra se tenir prêt afin d'accueillir le RSA et l'ensemble des prestations sociales prises en charge par les collectivités locales elles-mêmes [6] (rappelons qu'il n'existe pas de centres communaux d'action sociale)… alors que la marche vers l'autonomie financière ne commencera au plus tôt qu'en 2014… c'est donc l'État et le contribuable national qui devront combler la différence.

Il est donc impératif que les collectivités mahoraises maîtrisent leurs dépenses de personnel. En la matière, Marie-Luce Penchard n'a pas hésité à aborder le problème de front en novembre 2010 : « il ne faut pas que la départementalisation aggrave cette situation, même avec l'augmentation des responsabilités des collectivités locales, car « la richesse est créée par les entreprises ». « le développement et l'équilibre de Mayotte reposent sur les entreprises », donc « il faut au contraire que les collectivités locales réduisent leur masse salariale » afin de rediriger les sommes ainsi économisées vers les entreprises et la création d'emplois [7] ».

2. Mayotte, ou l'explosion des dépenses de personnel :

A Mayotte, l'explosion des dépenses de personnel concerne non seulement la fonction publique locale, mais aussi la fonction publique d'État. La raison en est simple, il existe localement une tradition de mise à disposition des personnels d'État au profit des collectivités locales et réciproquement. Ainsi, la confusion la plus grande règne dans la gestion de la fonction publique insulaire, et il sera nécessaire d'effectuer les « désintrications » [8] qui s'imposent à l'heure de la remise à plat des « lois locales » par alignement sur le droit commun. Une tâche d'autant plus difficile qu'aux deux fonctions publiques classiques (locale et d'État) s'ajoute la fonction publique mahoraise. Une fonction publique spécifique créée en 1972 lors de l'indépendance des Comores.

Le résultat en est une gestion complexifiée des personnels et surtout des difficultés statistiques pour évaluer leur surreprésentation au sein de l'emploi local. Grosso modo à Mayotte, un salarié sur deux occupe un emploi dans le secteur public.

- Les fonctionnaires d'État représentent 5 627 ETP majoritairement affectés à l'enseignement scolaire pour 3 681 d'entre eux. Le coût pour l'État en termes de dépenses de personnel (titre 2) en AE (autorisation d'engagement [9]) représente environ 314,68 millions d'€. En progression depuis 3 ans de 11,7% !

Autorisation d'engagementEvolution
Effort financier de l'Etat 2009 2010 2011 2010/2009 2011/2010
Effort financier total 567.776.996 582.753.747 607.480.546 2,6% 4,2%
Effort financier hors titre 2 286.096.453 275.942.885 292.793.638 -3,2% 6,1%
Effort financier titre 2 281.680.543 306.810.862 314.686.908 8,9% 2,6%

- Les fonctionnaires territoriaux eux, ne sont connus qu'au 31 décembre 2007. Les rapprochements entre les deux jeux de données, ne peuvent être effectués qu'à titre d'ordres de grandeur. Ils sont fin 2007, 6.519 [10]. Mais on nous précise d'emblée qu'il faut en retrancher 1.186 qui relèvent en fait des services de l'État (au tout premier chef, des TOS qui n'ont pas encore été transférés aux collectivités locales). Les fonctionnaires territoriaux représentent donc 5.333 agents, dont 78,8% exercent à temps complet (soit 4.204 agents), avec un taux d'administration de 34,9‰ habitants [11]. Cela représente un taux légèrement inférieur à la Guyane qui s'établit à 37‰, mais significativement plus élevé que la moyenne nationale qui s'établit à 22,4 ‰. Mayotte serait donc dans la moyenne des autres DOM ? Pas si sûr : Tout d'abord la répartition du salariat dans la fonction publique locale mahoraise est tout à fait atypique : 42% de celui-ci est employé par le département, 50% pour les communes et 8% pour les intercommunalités. Les services départementaux sont donc pléthoriques… mais aussi très jeunes, puisque 73% des agents permanents ont entre 30 et 49 ans, contre seulement 12% avec 50 ans et plus… ainsi seulement 21% des agents titulaires et non titulaires seront partis à la retraite d'ici 2020, soit 853 agents entre 2008 et 2020. Cela représente un flux sortant moyen de 71 agents/an.

Dans ces conditions comment réduire significativement la masse salariale locale afin de réduire le déséquilibre des finances locales ? Les caractéristiques statutaires devraient permettre une migration plus souple des statuts actuels vers ceux de droit commun :

- Actuellement, les effectifs sont représentés à 40,2% par des agents de la fonction publique mahoraise (2.146 agents), avec des titulaires de la fonction publique territoriale très faibles (4,7%, soit 252 agents), mais surtout, 34,6% de non-titulaires (1.845 agents), et pas moins de 20,4% d'emplois aidés (soit 1.090 agents). Or, à l'échelle nationale les non titulaires sont 24% et les emplois aidés 4%.
- Mais des rigidités apparaissent car les titulaires à temps complet sont majoritaires (plus de 90%), et les non titulaires également (97%), seuls les emplois aidés sont majoritairement à temps non complet à près de 86%.
- Par ailleurs l'emploi des femmes est essentiellement concentré dans l'emploi public à 70% ! Et croît avec la précarité du statut. Ainsi s'il y a seulement 38% de femmes dans la fonction publique mahoraise, il y en a 86% dans les emplois aidés. Tout se passe donc comme si les femmes ne pouvaient trouver de débouché professionnel pérenne qu'au sein de la fonction publique, les pratiques locales les excluant largement du secteur privé, et les confinant majoritairement dans les emplois les plus précaires.

Il existe donc un levier possible de réduction des effectifs de la fonction publique locale : il faut s'attaquer en priorité aux emplois aidés, ce qui suppose malheureusement de supprimer avant tout des emplois occupés par des femmes. Les secteurs impactés seront majoritairement ceux liés aux emplois peu qualifiés (catégorie C) qui forment près de 80% des fonctionnaires en question (3.365 agents) et majoritairement dans les secteurs d'intervention technique (27%) et liés à l'enfance et à la jeunesse (22%), ce qui pourrait se révéler très difficile, d'autant plus dans le cadre de transferts de compétences supplémentaires liés à l'action sociale auprès des collectivités territoriales mahoraises. Tout repose donc sur la faculté de l'économie privée locale à pouvoir absorber le surplus de main-d'œuvre disponible… ce qui suppose la création d'un secteur privé dynamique et gourmand en main-d'œuvre (significativement des activités liées au tertiaire, au tourisme et à l'hôtellerie, low cost et haut de gamme (voir encadré sur « le tourisme, un secteur stratégique »). Un pari difficile lorsque l'on sait que le secteur public représente actuellement 54% de l'emploi total pour 49% du PIB [12].

Le tourisme, un secteur stratégique au point mort aujourd'hui ?

Le problème du tourisme est donc central pour l'île afin de développer rapidement son secteur marchant et singulièrement dans les services. Or pour le moment c'est tout le contraire. Non seulement le Comité du tourisme de Mayotte (CDTM) est frappé d'importantes dissensions internes et de paralysie financière pour son rayonnement international [13], mais encore, il existe des obstacles significatifs au développement harmonieux du tourisme dans l'île :
- D'une part, l'allongement de la piste de l'aéroport afin de permettre l'atterrissage de gros porteurs, n'est pas encore à l'ordre du jour. Cet état de fait est d'autant plus dommageable que la crise aidant, les bateaux de croisières se sont faits beaucoup plus rares en 2009 (5 paquebots contre 40 en 2004 !) [14].
- D'autre part, il n'existe pas de réseau hôtelier performant afin de pouvoir accueillir une clientèle haut de gamme. Les hôtels de bon standing sont inexistants, ceux de standing intermédiaire moins d'une dizaine, et l'absence d'un label national (en préparation) ne facilite pas le choix des tours opérateurs et des agences de voyage.
- Enfin, la main-d'œuvre locale est peu réceptive au tourisme et parle très peu le français. En conséquence, sur les 3.000 offres d'emplois privés locaux en 2009, à peine une centaine concernait l'hôtellerie.

Cette atonie du secteur, couplée à une grande concurrence nationale et internationale : île Maurice, Seychelles, île de la Réunion, ne facilite pas l'ouverture d'un marché touristique profond et diversifié. Pourtant le Comité du tourisme n'est pas sans moyens, avec un budget de 1,87 million d'€ en 2009 dont 377.000 € de budget communication pour l'île. Du reste, alors qu'en 2009 Mayotte n'enregistrait que 50.000 touristes, ils n'étaient que 46% à venir découvrir l'île sans retrouver de la famille sur place et sont à 90% français. La clientèle étrangère reste donc à séduire [15]… difficile dans ces conditions de parvenir à atteindre les objectifs définis par le schéma directeur d'aménagement touristique du Conseil général, qui projette la réception dans l'île de 150.000 touristes en 2020. Comment dans ces conditions parvenir à dynamiser le tissu hôtelier local, sans importer de la main-d'œuvre performante et bien formée de l'étranger ou de la métropole ?

3. La départementalisation, échec programmé ?

Reste à réussir la conversion entre COM et DOM. Là encore les difficultés vont paver le chemin des pouvoirs publics. Or que constate-t-on ? D'une part, que les transferts nets de l'État se sont accélérés depuis les 15 dernières années, pour atteindre en 2005, près de 400 millions d'€/an en 2005, effort qui se montait en 2011 cette fois-ci à 607 millions d'€, soit + 200 millions d'€ en 5 ans. Rien ne dit que le transfert progressif des compétences de l'État au département et aux collectivités locales ne fera pas croître la charge dans ces proportions, ce qui aboutirait à un doublement des fonds alloués en 15 ans. Dès à présent, le contrat de plan État-Mayotte 2008-2013 signé le 28 mars 2008 prévoit un effort financier total de 550,7 millions d'€, dont 336,86 millions pris en charge directement par l'État et 181,6 millions pris en charge théoriquement par le Conseil général et 32 millions par d'autres partenaires dont l'UE (FEDER après reconnaissance de Mayotte comme région ultrapériphérique (RUP)). Dans les deux cas, c'est l'État qui paiera deux fois en raison de la montée en puissance de la fiscalité locale mahoraise à partir justement de 2014. Par ailleurs, la reconnaissance du statut de RUP n'est pas acquise car au sein de l'UE, certains pays ne reconnaissent pas Mayotte comme faisant partie intégrante du territoire national (Pays scandinaves), ce qui supposerait pour contourner cette difficulté, de concevoir des programmes de co-développement avec les Comores (afin notamment de développer les surfaces agricoles de l'île d'Anjouan et de limiter l'exode massif de la population). Mais là encore, rien n'est moins sûr [16]. Par ailleurs, d'autres sources de financement complémentaires ont été évoquées : mise en place du Fonds mahorais de développement économique, social et culturel (FMDESC) doté de 30 millions d'€ supplémentaires (et doté dès 2010 de 10 millions d'€ dont 5 consacrés à l'enseignement scolaire), ainsi que le fonds d'aide à l'équipement communal (qui sera doté en 2011 de 5 millions d'€).

Par ailleurs, la titularisation progressive des fonctionnaires de la fonction publique mahoraise va avoir un coût sans doute non négligeable. En effet, pour le moment leurs traitements sont sensiblement inférieurs à leurs homologues de la fonction publique française. C'est pourquoi dans le cadre de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, complétée par la loi du 21 juillet 2003, le droit à l'intégration était censé intervenir au 31 décembre 2010. Il n'a pas encore eu lieu complètement, loin de là. L'intégration via des « corps passerelle » à titre transitoire, devrait concerner 43% des agents actuellement en poste. Malheureusement, on ne dispose d'aucune projection budgétaire sur ce point or tout laisse à penser que ce coût sera massif. Dans le rapport CEROM de novembre 2010, on évoque même un écrasement des dépenses d'investissement par les dépenses de fonctionnement liées au choc des titularisations : « ce rapport de 1 à 4 entre dépenses publiques d'investissement et de fonctionnement apparaît élevé et peut laisser craindre que l'accroissement des effectifs de la fonction publique et la forte progression des rémunérations ne captent l'essentiel des transferts, ne laissant que peu de marge de manœuvre pour la réalisation d'investissements publics de grande ampleur. » Le risque : que les différents corps administratifs (enseignement, hospitalier, fonction publique mahoraise etc…) ne revendiquent une départementalisation accélérée… à la clé, une accélération de l'alignement des traitements et des primes des fonctionnaires îliens sur ceux des services déconcentrés de l'État ou de leurs collègues de la fonction publique territoriale classique. Mais aussi, une accélération de la consommation des fonds accordés dans le cadre du plan État-Mayotte 2008-2013 et des transferts dans le cadre de la décentralisation qui devront obligatoirement se trouver compensés. Dans ces conditions, toute revalorisation salariale des fonctionnaires au plan national pourrait avoir à Mayotte des incidences locales nocives… alors même que les Mahorais vont découvrir les joies de la fiscalité locale française, avec un décalage temporel fort (montée en puissance à partir de 2014) et sans doute la concession d'exonérations et de dégrèvements massifs (car les foyers mahorais semblent bien peu solvables). Abyssus abyssum invocat !

[1] Heureusement, malgré l'absence de réunion du quorum des 2/3 nécessaire pour procéder à l'élection du Président du Conseil général, la majorité simple présente 11 sièges sur 19, a permis de répondre aux exigences de la loi du 3 août 2009 qui précisait que la création du département ne serait effective qu'à « compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011 ».

[2] Un souci qui, pour tout citoyen, constitue pourtant un droit parfaitement légitime, et qui devient d'ailleurs une nécessité démocratique à l'heure de l'Open Data (données ouvertes) dans le cadre de l'Open Government. Afin d'avoir une meilleure idée de l'ampleur de la remise à niveau à opérer, il peut être judicieux de se procurer le rapport d'activité des services publics de l'État diffusé par la Préfecture. Malheureusement, on est confronté à une fin de non recevoir car le plus récent publié a été réalisé en juin 2009 et portait sur l'exercice 2008. Pourtant il est avéré que le rapport le plus récent produit est le rapport 2009 réalisé en 2010, mais celui-ci n'a pas été mis en ligne, et la demande que nous avons formulée auprès des services préfectoraux est restée sans réponse… Renseignement pris, le préfet accorde à la presse locale un point de situation trimestriel, mais celui-ci ne fait pas l'objet d'une publication régulière… Nous rappellerons ici pour mémoire la teneur de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : « Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

[3] Ce volet va dépendre des résultats des missions : « groupe de travail de haut niveau » (qui devrait également s'occuper du chiffrage des mesures destinées aux Comores), ainsi que le comité local d'évaluation des charges (concernant la mise en place d'une fiscalité locale « adaptée » et l'évaluation des « transferts » de l'État en direction des collectivités territoriales de Mayotte).

[4] Et ce manque de publicité rejaillit inévitablement sur la qualité de la gestion locale.

[5] Se reporter à la question écrite n°16916 du Sénateur M. Soihahadine Ibrahim Ramadani (Mayotte-UMP), J.O Sénat du 27/01/2011, p.187 et la réponse du Ministère chargé de l'Outre-Mer, J.O Sénat du 24/03/2011, p.736.

[6] En ce qui concerne les missions locales pour l'emploi, la ministre de l'Outre-Mer a été particulièrement claire avec le Conseil général : « il convient aussi d'améliorer la prise en charge de l'insertion et de l'orientation des jeunes. Aujourd'hui, c'est l'État qui finance pour l'essentiel la mission locale. Dans le cadre départemental qui est désormais le nôtre à Mayotte, il appartient au Conseil général de contribuer à la montée en puissance de cette structure. »

[7] Malango Actualité, n°287, mardi 30 novembre 2010, Marie-Luce Penchard fait un état des lieux.

[8] En particulier, Étude d'impact, juillet 2010, p.35 et suiv, sur les projets de loi organique et de lois ordinaires relatives au département de Mayotte, n°2010-1486 et -1487 du 7 décembre 2010. Voir http://www.senat.fr/dossier-legisla… et http://www.senat.fr/dossier-legisla… . « Il existe actuellement une imbrication entre les services de l'État et ceux de la collectivité. Des agents de la collectivité travaillent pour l'État et réciproquement. Dans le cadre des transferts de compétences, il s'agit de réorganiser les services déconcentrés de l'État et ceux de la collectivité. » « La réorganisation qui sera réalisée dans les services de la collectivité au moment du transfert de compétences mettra ainsi fin aux systèmes de mises à disposition. »

[9] Au sein du DPT (document de politique transversale) consacré à l'Outre-mer, les présentations statistiques sont très régulièrement modifiées. Ainsi pour le PLF 2011, les crédits de dépenses consolidés ne sont pas exprimés en crédits de paiement comme les autres années, mais uniquement en autorisation d'engagement. Par ailleurs, les dépenses de personnel ne sont pas spécifiquement renseignées, mais uniquement leur nombre exprimé en ETP, ce qui ne permet pas d'ailleurs de les rapprocher des ETPT comptabilisés au sein du Budget général. Heureusement, généralement les autorisations d'engagement représentent toujours le montant des crédits de paiement en ce qui concerne les dépenses de titre 2.

[10] Cf. le rapport, Métiers territoriaux à Mayotte, au 31 décembre 2007, Observatoire national de l'emploi, des métiers et des compétences de la fonction publique territoriale, CNFPT, juillet 2010, mis en ligne en mars 2011.

[11] Par rapprochement entre les données délivrées par l'IEDOM, rapport CEROM n°1 novembre 2010, Mutations et évolutions de l'économie mahoraise à la veille de la départementalisation, 26 p. et Synthèse, n°31 février 2010, Les territoriaux domiens et de Mayotte au service du développement de leur territoire, Observatoire national de l'emploi, des métiers et des compétences de la fonction publique territoriale, CNFPT.

[12] Rapprocher en ce sens, les dernières données disponibles du rapport CEROM n°1 novembre 2010, Mutations et évolutions de l'économie mahoraise à la veille de la départementalisation, 26 p., ainsi que celles de Mayotte Infos, Enquête Emploi 2009, INSEE, Antenne Mayotte, n°48, décembre 2010, p.3.

[13] Voir Malango actualité, jeudi 17 septembre 2009, Le comité du tourisme se désengage de l'organisation du déplacement au salon de Colmar. En substance, Mayotte n'a pu participer au salon international du tourisme des Vosges (SITV), en raison, d'après le communiqué des membres du bureau du comité du tourisme de Mayotte « du non versement de la subvention 2008 du CDTM pour des raisons techniques et l'absence de fonds associatifs [obligeant] le Commissaire aux comptes du CDTM à déclencher une procédure d'alerte avec nécessité de proposer dans les plus brefs délais un plan d'économies à réaliser d'ici fin 2009. »

[14] Se reporter à L'Eco Austral, n°252, avril 2011, p.76-78, Mayotte, une destination encore en quête d'image.

[15] Tendance confirmée en 2010, avec certes une augmentation des touristes de 7%, avec +3.000 visiteurs (52.800), mais si les véritables touristes augmentent légèrement, passant de 46% en 2009 à 49% en 2010, la part des Français par rapport à la clientèle étrangère s'accroît encore, à près de 92% ! Voir INSEE, Mayotte Infos, enquête des flux touristiques 2010, n°51, avril 2011.

[16] Ainsi que l'évoque la ministre auditionnée par le Sénat le mardi 5 octobre 2010 : « Avant de définir les domaines de coopération avec Anjouan, il faut laisser avancer le groupe de travail de haut niveau mis en place à cette fin. Il est vrai que c'est compliqué, puisque les Comoriens n'en veulent pas… il faudra aussi créer des établissements de santé (sic : aux Comores). »