La suppression de 36 comités Théodule ne suffira pas contre la "gabegie"
Revoilà les comités Théodule. Entre 2019 et 2023, ces instances sont passées de 394 entités à 313, soit une baisse de 81 quand l’objectif fixé par circulaire du 5 juin 2019 en fixait 75. Depuis, seulement 4 comités ont été supprimés et Gabriel Attal souhaite relancer le mouvement : « Je vous annonce une nouvelle règle toute simple : tous les organes, tous les organismes, tous les comités ou autres qui ne se sont pas réunis ces douze derniers mois seront supprimés par règle générale. ». Si l’on prend l’année 2023 comme référence, cela représenterait 36 entités... mais cela pour une économie nulle ! D'ailleurs même en supprimant tous les comités Théodule, l'économie ne serait que de 0,002% de l'ensemble des dépenses publiques. Loin d'éviter "la gabegie"...
L’objectif de baisse de 75 entités décidée par Edouard Philippe a été atteint dès 2021 puis largement dépassé
S’agissant de la réduction nette (flux des suppressions moins flux des créations) des instances consultatives placées auprès des ministères, impulsée en 2019, celle-ci a été pleinement réalisée dès 2021 puis poursuivie au-delà bien qu’avec un tempo beaucoup plus lent.
En effet, le nombre des instances consultatives s’élevait à 394 en 2019 pour se réduire drastiquement dès 2020 de 54 entités nettes dès 2020 puis de 23 autres en 2021 matérialisant déjà l’atteinte et le dépassement de l’objectif initial de -75 entités fixé par la circulaire du Premier ministre du 5 juin 2019.
Comme on le voit sur le graphique qui présente également en échelle de droite les coûts associés des réunions, le nombre de ces entités généralement sans personnalité morale n’a aucune influence sur le coût budgétaire. En effet ceux-ci sont directement issus du nombre des participants et de la fréquence des réunions. Les coûts comitologiques augmentent donc entre 2019 et 2022 (derniers chiffres renseignés par l’annexe budgétaire dédiée du PLF 2024) de près de 16,4% quand le nombre des instances consultatives baissait lui de 20,3%. Désormais en 2022, les coûts de ces instances représentent un budget global certes modeste (30 millions d’euros environ) mais en augmentation (+4,22 millions d’euros depuis 2019).
Une nouvelle règle de suppression en cas d’absence de réunion sur un an
Le Nouveau Premier ministre estime désormais qu’il faut mettre en place ce qui s’apparente à un « effet couperet ». L’absence de réunion pendant un an signifierait (à quelques exceptions près sans doute), la suppression des instances inactives pendant ce délai. Si cette règle était appliquée rigoureusement en prenant pour base de référence la dernière année connue soit 2023, cela représenterait la suppression de 36 instances[1], soit, une baisse globale de -11,5%, permettant d’atteindre un effectif actif de 277 entités.
La circulaire encadrant ce processus n’est pas encore parue, mais elle pourrait néanmoins enclencher un cycle vertueux non dénué d’effets pervers :
- Cycle vertueux, dans la mesure où sur la base d’une revue annuelle d’activité, les organismes inactifs se verraient sanctionnés par la suppression (ou à tout le moins la fusion, lorsque leur proximité avec une entité voisine active le permet) ; hors instances critiques ou de sécurité (nucléaire etc.) ;
- Effet pervers, parce que ce coup de semonce pourrait être interprété par les ministères comme un aiguillon les poussant à la réunion, même inutile afin de ne pas disparaître.
Il devrait donc s’accompagner d’une véritable stratégie permettant des regroupements utiles et la suppression d’instances peu productives ou relevant d’un effet de mode (on a connu la vague des comités de terminologie, on voit aujourd’hui fleurir les comités à but historique : dans l’enseignement national, dans le domaine du sport et de la vie associative etc.). Même si les volumes budgétaires sont picrocolin, il est à souhaiter que l’approche retenue dépasse le niveau de la pure communication gouvernementale sur la « simplification ».
Conclusion
En réalité cette « mise sous tension » pour être vertueuse devrait se conjuguer avec un objectif similaire à celui de la circulaire de 2019 visant la suppression des organismes employant moins de 100 ETP. La simplification évitera peut-être la gabegie, mais surtout apportera une simplification du paysage consultatif bienvenu indépendamment de tout effet budgétaire (totalement marginal face aux enjeux actuels de rétablissement nos finances publiques).
A cet égard nous renouvelons notre constat d’indigence du « jaune budgétaire » dédié annexé au projet de loi de finances de l’année : il ne fournit aucun décompte des effectifs support assurant le fonctionnement de ces instances (secrétariat, tenue des réunions) ni des coûts de fonctionnement afférents par nature (rédaction des minutes et des verbatim, des comptes rendus de décisions, de rédaction des avis etc.). Enfin, ces données sont livrées brutes et sans consolidation ni synthèse, ce qui en rend le maniement par les parlementaires et les citoyens particulièrement malaisé.
[1] Voir par exemple, https://www.lefigaro.fr/conjoncture/comites-theodule-dans-le-viseur-de-gabriel-attal-1-sur-10-ne-se-reunit-pas-20240202