Il faut libérer les fonctionnaires de leur statut trop rigide
On va progressivement entrer dans une zone - on y est déjà d'ailleurs - où la justification d'avoir un emploi à vie garanti sur des missions qui ne le justifient plus sera de moins en moins défendable. » Ce sont les propos d'Emmanuel Macron.
Ces dernières années ont montré à quel point la rigidité de notre statut public n'est un atout ni pour la gestion de nos services publics ni pour les agents eux-mêmes. Il suffit de consulter les bilans sociaux de nos communes, de nos départements, de nos régions, de nos hôpitaux pour constater que nos agents sont largement plus absents que leurs homologues du privé et que, au sein du public, les titulaires le sont plus que les contractuels. La Direction générale des collectivités locales dénombre sur l'ensemble des agents locaux 23,8 jours d'absence par an et par agent pour les titulaires et… 9,9 jours pour les contractuels.
Quand on voit, avec le dernier rapport de la Cour des comptes, que les agents des collectivités sont à moins de 35 heures par semaine et n'atteignent pas les 1.607 heures annuelles mais, en moyenne, 1.567 heures, comment dire encore que le statut serait le gage de meilleurs services publics ? Quand on lit dans le dernier rapport de la Cour des comptes : « Les agents qui travaillent dans le secteur public bénéficient de 38 jours de congés par an en moyenne, contre 31 pour le secteur privé. Au sein du secteur public, la FPE devance les FPT (36) et FPH (35) avec 41 jours de congés et de RTT », comment ne pas penser que le surcoût de production de nos services publics et le dérapage de la masse salariale publique des dernières années viennent aussi du statut ? Quand notre pays dépense 27,7 % de sa richesse nationale à produire ses services publics, les pays de l'Union européenne ne dépensent que 24,9 %.
Le statut public est tellement rigide qu'il incite à embaucher des vacataires et des intérimaires pour introduire un minimum de souplesse. Les 13 plans de titularisation n'y ont rien fait : depuis 2002, le nombre de non-titulaires dans la fonction publique a augmenté de 2 %. L'Etat, en tant qu'employeur, est d'ailleurs prêt à s'accorder beaucoup plus de flexibilité qu'il ne le tolère pour les entreprises : ainsi, les CDD des contractuels du public peuvent durer jusqu'à six ans (un contrat de trois ans renouvelable une fois), contre vingt-quatre mois au maximum dans le privé.
En France, le sujet du statut public est tabou, et pourtant on sait tous ce qu'il faudrait faire : réserver le statut aux agents de souveraineté nationale (défense, justice, police, diplomatie), ceux qui, au demeurant, n'ont pas le droit de grève. Il n'y a aucune raison valable pour qu'on ne puisse pas débattre de ce sujet : dans la grande majorité des pays européens, ce débat a été abordé il y a bien longtemps. En Suède, 99 % des agents sont contractuels, au Royaume-Uni 92 %, en Allemagne 60 %. La France est le dernier pays à n'avoir pas eu le courage de réformer son statut public. Les pays qui ont réformé n'ont pas de plus mauvais services publics pour autant.
Et, d'ailleurs, l'abandon du statut de fonctionnaire, ce serait aussi l'abandon des promotions et des salaires largement à l'ancienneté, de la tyrannie des diplômes d'entrée et de la rigidité des corps. Des méthodes qui empêchent les plus compétents d'être reconnus comme ils le méritent et tous d'être encouragés à fournir un meilleur service.
On a trop confondu mission de service public et statut public.
Ce n'est pas parce qu'un jardinier, un informaticien ou une infirmière sont titulaires de la fonction publique qu'ils sont plus impliqués dans leur mission de service public. Qui pourrait dire aujourd'hui qu'un professeur d'une école privée est moins bon qu'un professeur sous statut ? Les syndicats veulent conserver le statut public parce qu'ils en ont fait leur raison d'être, mais qu'en pensent les Français ? Sur ce sujet, pour réformer, il faudra un référendum avec une question directe aux citoyens de ce pays, au-delà des idéologies.
Cette tribune a été publiée, le vendredi 25 septembre, dans Les Echos. |