Comités Théodule et autorités administratives indépendantes
L'administration recense presque 700 « comités Théodule ». La multiplication récente des Autorités administratives indépendantes (AAI) semble rendre inutiles une bonne partie d'entre eux. A l'image des Anglais, une vaste réforme est indispensable pour supprimer, regrouper et rationaliser ces comités.
Parmi les mauvaises habitudes de l'Etat français figure la création d'innombrables comités dits Théodule : institués pour résoudre des problèmes politiques ou recaser des hauts fonctionnaires, le budget des 700 comités [1] est estimé à plus de 25 millions d'euros. Plusieurs solutions peuvent être avancées face à la multiplication de ces entités. La première consisterait à supprimer ou fusionner certains d'entre eux afin d'éviter les redondances entre plusieurs comités. Par exemple le député Mallié dénonce le doublon entre le Conseil d'analyse de la société (37.000€ de budget en 2009) et le Crédoc (centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie bénéficiant d'une subvention de 844.552 euros [2] en 2010) : une fusion ou la suppression d'un des deux pourrait être envisagée. Autre exemple, le ministère de l'Intérieur pourrait se demander si le comité des finances locales (549.557 euros de budget en 2009 pour 5 réunions) et l'observatoire des finances locales (57.000 euros pour une réunion) ne peuvent pas être fusionnés. Mais au-delà de ces cas particuliers, c'est à chaque ministère de faire le point sur les comités dépendant de lui et à se demander quelle est la valeur ajoutée de chacun.
Le développement récent de la nouvelle catégorie juridique des Autorités Administratives Indépendantes (AAI) est également source de dépenses publiques. Les économies dégagées par la RGPP semblent annulées par la naissance d'une administration parallèle : en effet, un récent rapport parlementaire révèle que la multiplication récente des AAI représente aujourd'hui 430 millions d'euros, sans prendre en compte la Commission bancaire, et plus de 3.000 emplois. Avant de créer une AAI, le législateur devrait préalablement supprimer ou fondre dans la nouvelle entité les comités touchant les mêmes sujets. Par exemple, avant la création de la Halde, on aurait dû faire le constat suivant : une ribambelle de comités existent. Parmi les comités, on recense le comité interministériel de lutte contre les discriminations, l'observatoire des discriminations, l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, le Haut conseil à l'intégration (39.950 € de frais de fonctionnement en 2008, 61.000 en 2009). Il faut de plus prendre en compte dans l'effort financier de l'Etat les nombreuses associations subventionnées intervenant sur le même thème comme l'AFMD - Association Française des Managers de la Diversité (50.000 euros de subvention), la FACE - Fondation Agir Contre l'Exclusion (30.000 euros de subvention) et la médiatique SOS Racisme (200.000 euros de subvention).
Dans la même logique ne pourrait-on pas intégrer au sein de la Commission de la régulation de l'énergie (CRE) le Conseil National de l'énergie (300.000 euros de budget pour 12 réunions) ? Même interrogation à propos du Médiateur de l'énergie. Que dire du Comité consultatif du secteur financier (201.000 euros de budget pour 33 réunions) et de l'Autorité des marchés financiers ? Autre exemple de doublon suite à la création d'une AAI : l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avant la création de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)…
Le législateur semble s'être saisi du problème en enquêtant sur la multiplication des AAI. Les propositions de rationalisation des rapporteurs semblent aller dans le bon sens. Les auteurs de ce rapport, Christian Vanneste et René Dosière, l'affirment : « À l'issue de ce travail, notre conviction est faite : il convient de mettre [les AAI] sous la protection du Parlement qu'il s'agisse de la nomination de leurs responsables en amont (par une majorité qualifiée du Parlement) et d'un contrôle annuel en aval. Force est de constater, en le regrettant, que notre assemblée n'a pas été en mesure, jusqu'alors, d'assurer pleinement son rôle légitimement prééminent dans un régime démocratique. » Un tel contrôle devrait être également élargi sur les comités. Ceux-ci sont créés par le pouvoir réglementaire ; ils échappent en apparence au pouvoir législatif mais rien n'empêche au Comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale de se pencher sur ces comités. Au-delà d'un seuil significatif de subventions publiques, le CEC aurait également une légitimité pour contrôler les associations bénéficiant de l'argent du contribuable. Un tel contrôle limiterait la création de ces comités. Actuellement, rien n'indique une volonté de ralentir la cadence : en témoignent la suppression au compte-gouttes de ces comités, le récent « Comité national de soutien à la parentalité » institué par Nadine Morano et la naissance prochaine de « l'observatoire du racisme en France » voulu par le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux. Le gouvernement ne semble pas prêt à imiter les Anglais dont l'objectif est de supprimer 192 Quangos (« quasi non gouvernemental organisations »), d'en fusionner 118, et d'en réformer substantiellement 171 ce qui dégagerait 513 millions de £ dès la première année.
Extrait du rapport Vanneste/Dosière sur les Autorités administratives indépendantesRecommandation n° 6 : Regrouper certaines AAI pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement.– regrouper au sein du Défenseur des droits, prévu par la Constitution, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ; – regrouper la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour créer un « Contrôleur général de la sécurité » ;– intégrer le « Contrôleur général de la sécurité » dans le Défenseur des droits à l'issue du mandat de l'actuel Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) prévu en juin 2014 ;– intégrer à terme la Commission nationale du débat public (CNDP) dans le Défenseur des droits, selon les modalités décrites dans la recommandation n° 9 ;– regrouper la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) pour créer une autorité unique en charge du traitement des données ;– regrouper dans le cadre de la convergence numérique le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), en lien avec le Forum de l'Internet ; pour ne pas entraver les travaux en cours, cette fusion pourrait intervenir après le 30 novembre 2011, date du passage de la télévision hertzienne au numérique ;– regrouper les deux AAI intervenant dans le domaine de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et le Médiateur national de l'énergie ;– regrouper à terme au sein de l'Autorité de la concurrence les autorités de régulation économique sectorielles (CRE, Autorité de régulation des activités ferroviaires…) actuellement chargées d'assurer la transition entre un monopole d'État et un marché concurrentiel ; procéder tous les cinq ans à un réexamen de la justification de ces autorités sectorielles ;– procéder au regroupement géographique des autorités intervenant dans des domaines proches ou connexes ; mutualiser les moyens logistiques des AAI de petite taille (immobilier, gestion des ressources humaines, gestion comptable, informatique, salles de réunion, marchés publics, achats, logistique, transports…).
[1] Voir le jaune 2011 et la liste des commissions.
[2] Voir le rapport de l'Assemblée nationale sur le PLF 2010.