Vente de l'aéroport de Toulouse : une décision industrielle
L'État et son bras armé, l'agence des participations de l'État, sont régulièrement critiqués pour la gestion statique de leur portefeuille de centaines d'entreprises. Mais leur décision de vendre une partie du capital des entreprises qui gèrent les aéroports de province soulève de telles protestations, qu'ils risquent de retourner à leur rôle de conservateur plus que d'entrepreneur.
Ce projet est ancien, puisque, dès 2005, la loi avait prévu le changement de statut des aéroports de Lyon, Toulouse, Bordeaux et Nice. En 2007/2008, ils ont effectivement abandonné leur statut d'établissement public pour se transformer en sociétés anonymes. Un premier pas vers l'entrée d'investisseurs privés dans leur capital. Mais, en 2009/2010, la proximité des élections régionales interdisait cette évolution contraire aux souhaits des élus locaux. Et en 2011, celle des présidentielles a rapidement fait reculer le gouvernement Fillon face aux mêmes oppositions.
Répartition de l'actionnariat de l'aéroport de Toulouse Source : Le Figaro
Des opinions très diverses
Cette vente ne concerne pas la propriété des installations aéroportuaires (pistes, aérogares, terrains) mais la gestion de l'ensemble. Et, même si la responsabilité des opérations est exercée par le nouvel investisseur, les partenaires publics français (Région, État, Ville) conservent la majorité du capital. Les opposants à la vente se retrouvent dans tous les secteurs de la vie politique, et re-attribuer correctement chacune des six citations (mises ici dans le désordre) aux six personnalités ci-dessous qui les ont en réalité prononcées, est instructif :
1. Marie-Noëlle Lienemann | a) C'est de la haute trahison, ça veut dire que les gens qui nous dirigent ne défendent plus les Français. |
2. Nicolas Dupont-Aignan | b) Une faute de premier plan contre les intérêts de la France, faute encore plus choquante quand on sait que le gouvernement a privilégié le Chinois aux candidats français. |
3. Christian Estrosi | c) Nous, nous avons le droit de vendre des Airbus, d'investir en Chine et les Chinois ne pourraient pas investir chez nous ? Mais dans quel monde sommes-nous ? Il faut assumer que nous vivons dans une économie ouverte. |
4. Marine Le Pen | d) Une mesure à laquelle je suis totalement opposé. Je ne souhaite pas que nous laissions brader notre aéroport ! Je refuse que notre aéroport devienne un hub régional pour compagnies low cost. Je ne veux pas d'un investisseur privé arrogant et méprisant. |
5. Jean-Louis Chauzy | e) L'ouverture du capital des aéroports est un scandale comparable à la privatisation des autoroutes par la droite. C'est un choix "courtermiste" qui revient à spolier l'État. En effet, ce capital public est rémunéré et rapporte chaque année des sommes significatives au budget de l'État. |
6. Manuel Valls | f) C'est une erreur, une faute lourde. Vendre aux Chinois, c'est brader l'intérêt général du pays. |
Réponse : (1,e), (2,a), (3,d), (4,b), (5,f), (6,c)
Gérer un aéroport, c'est un métier
Le principal argument mis en avant pour justifier cette ouverture est l'urgence de réduire le niveau de notre endettement qui s'approche dangereusement des 100% du PIB. Un seuil qui exposerait la France à une crise sinon « à la grecque », du moins « à l'espagnole » en cas de retournement des taux d'intérêt mondiaux. Mais à côté des 1.800 milliards de dettes de l'État français, les 308 millions de l'aéroport de Toulouse représentent peu de chose.
La principale motivation doit être purement industrielle. L'État a déjà beaucoup de mal à diriger des missions qu'il considère comme son cœur de métier et où il est fortement impliqué : hôpitaux, santé, éducation nationale, logement, énergie, transport (SNCF)… Et il a démontré son incapacité à gérer des entreprises du secteur concurrentiel, banques, automobiles, électronique grand public, compagnies aériennes par exemple. Il n'y a aucune raison de penser qu'il est compétent pour gérer des aéroports aussi bien que des entreprises privées spécialisées dans ce métier au niveau français et mondial.
Peut-on faire confiance à ces nouveaux opérateurs ? C'est certainement l'intérêt des nouveaux investisseurs de développer cet aéroport comme le souhaite la région de Toulouse. Laissons-les montrer s'ils en ont la compétence sans leur faire de procès d'intention.
Agence française pour les investissements internationaux (AFII)
Alors que des responsables politiques travaillent à décourager les investisseurs étrangers de s'implanter en France, l'AFII, organisme public, financé par l'État, cherche au contraire à les attirer. Et ces manifestations d'hostilité vis-à-vis des étrangers handicapent les entreprises françaises privées et publiques (ex. Vinci, Aéroport de Paris) qui gèrent des aéroports à l'étranger et veulent en gérer d'autres. Une défiance plus spécialement incompréhensible vis-à-vis des investisseurs chinois alors que la SNCF et d'autres entreprises françaises cherchent à s'installer dans ce grand pays.
Conclusion
Une dose de nationalisme, une dose de xénophobie, une dose de démagogie et une forte dose d'ignorance économique, tous les ingrédients y sont pour endormir notre pays et l'enfoncer dans le chômage et les déficits. Par ailleurs, si nous souhaitons avoir des investisseurs européens prêts à risquer leurs capitaux en France, mieux vaudrait leur envoyer des signaux fiscaux plus accueillants et plus incitatifs. CQFD.