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Focus sur l'Agence française de développement

Pilier de l’aide publique au développement, l’Agence Française de Développement (AFD) gère chaque année des milliards d’euros pour financer des projets à l’étranger. En 2023 12 milliards d'euros ont été dépensés pour aider les pays en développement, dont environ 2 milliards de subventions de l'Etat venant de la mission "Aide publique au développement". L'Agence Française de développement repose sur un modèle de financement mêlant subventions de l'Etat et emprunts sur les marchés. Avec plus de 4000 mille projets, difficile d'avoir une vision globale de la politique menée par l'AFD. Rien que la liste des principaux projets en cours d'exécution au-dessus de 40 millions d'euros prend 31 pages. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé dimanche 23 mars la création d’une commission d’évaluation de l’Aide publique au développement.

Le rôle de l’Agence française de développement  

L’Agence française de développement est un établissement public qui agit dans les secteurs et pays pour lesquels l’Etat lui donne mandat. On peut par exemple citer la transition des économies vers des modèles soutenables[1], l’aide aux pays vulnérables face au changement climatique[2], le développement du système éducatif local[3], ou du système hospitalier[4] Cela représente en tout plus de 4000 projets menés par plus de 4500 collaborateurs, dont 2800 au siège du groupe AFD, à Paris[5]. La totalité des frais de fonctionnement, et notamment les salaires des agents, est financée “grâce aux intérêts des prêts accordés et des commissions perçues pour la mise en œuvre des subventions"[6].

En 2023, l’agence a dépensé 12 milliards d’euros, sous la forme de prêts et de subventions pour développer les objectifs de développement durable de l’ONU dans les pays du Sud.

Les ressources de l’AFD proviennent de deux sources : 

  • 85% sont des emprunts (investisseurs privés, fonds de pension ou Banques Centrales)
  • 15% proviennent de subventions de l’Etat

Autorisations de financement du groupe AFD en millions d’euros[7]

La plus grosse part de l’activité de l’AFD concerne les pays étrangers (8,5 milliards en 2022). Une petite partie des financements est destinée aux territoires d’Outre-mer, environ 9%. La société Proparco finance le secteur privé à hauteur de 2,2 milliards d’euros sur un total de 12 milliards en 2022.

Effort financier de l’Etat mis en œuvre par le groupe AFD en millions d’euros

L’Etat français participe à hauteur de 2,25 milliards d’euros aux ressources de l’AFD en 2022. La plus grosse partie de ce budget, 1,2 Md€, concerne les dons. Ils prennent la forme de subventions faites aux projets et sont réservés aux “contextes les plus fragiles, afin de prévenir les crises et favoriser la stabilité internationale, essentielle pour garantir notre prospérité et notre sécurité.[8]

Les prêts bonifiés constituent le deuxième poste de dépenses étatiques. Il s’agit de prêts qui sont accordés exclusivement aux pays les moins avancés (PMA) dont la liste est établie par l’ONU. La particularité de ces créances est qu’elles sont accordées avec un taux d’intérêt inférieur à celui du marché. La différence est supportée par l’Etat via les "Coûts Etat". Leur montant avoisine les 950 millions d'euros en 2022.

L’Aide programme budgétaire globale et les subventions pour l’Outre-mer disposent de montants moindres, respectivement 60 et 11 millions d’euros en 2022.

L’Etat, actionnaire unique de l’AFD

On l’a vu, l’Etat subventionne l’AFD à hauteur de plus de 2 milliards d’euros par an. En outre, étant le seul actionnaire de l’agence, il touche les dividendes que lui verse l’AFD. Selon l’agence, le dividende versé à l’Etat correspond à 20% du résultat. En 2023, l’AFD a eu un résultat net de 371 millions d’euros[9]. L’Etat a donc touché 74,2 millions d’euros.

Des contrôles contre les détournements

L’un des plus gros dangers qui guette l’argent envoyé dans les pays en développement est le détournement de fonds. Les pays concernés par l’aide sont parfois fortement sujets à la corruption. Or, dans le cas où l’argent distribué par l’AFD serait capté par un groupe malfaisant, tout le monde y perdrait. L’AFD perdrait l’argent et entacherait sa réputation. Les populations locales ne profiteraient pas des améliorations des conditions de vie voulues par l’aide. De plus, comme en témoigne cette note de l’ONUDC, la corruption a des retombées extrêmement perverses sur toute la région touchée. 

Il est donc évident que l’AFD est très vigilante sur ce point précis. Pour ce faire, tout agent du groupe AFD qui aurait eu connaissance d’une activité prohibée est tenu d’en informer sa hiérarchie ainsi que le département de la Conformité[10]

  • Lors de l'instruction des projets, les départements opérationnels réalisent des vérifications (KYC) sur la qualité de la contrepartie, son actionnariat, son bénéficiaire effectif et les caractéristiques de l'opération.
  • A la signature du contrat, des clauses sont signées concernant notamment l’origine des fonds de la contrepartie.
  • Durant l’exécution des projets, l’AFD peut organiser des audits et des contrôles inopinés pour vérifier le bon usage des fonds. Les données sur la contrepartie sont régulièrement mises à jour et les opérations financières inhabituelles, comme les remboursements anticipés ou provenant de pays à risque, font l'objet de vérifications renforcées.

Ainsi, l’Agence française de développement maximise ses chances d’écarter totalement la corruption, le détournement et le blanchiment d’argent de ses activités.

Toutefois, une information essentielle manque à l’appel. Le taux de recouvrement et le taux de défaut des prêts accordés par l’AFD est introuvable. Il serait intéressant de savoir si les emprunts sont bien remboursés.

Comment sont sélectionnés les projets ?

L’AFD fait régulièrement des appels à propositions, soit via un gestionnaire de programmes, soit en direct. Cette sollicitation vise à mettre en concurrence des candidats porteurs de projets dans les multiples domaines d’action de l’agence. Les appels sont lancés en fonction des besoins des pays.

L’AFD développe de nombreux partenariats avec les Organisations de la société civile. Ces OSC sont des acteurs non-étatiques qui ont pour but le bien commun. Il s’agit concrètement des associations, ONG, syndicats et fondations. Le secteur que l’on appelle “Économie Sociale et Solidaire” produit des services non marchands.

Les appels à projets destinés aux OSC sont au nombre de deux par an (un pour les OSC françaises et un pour les OSC locales)[11] et suivent un agenda bien précis :

  • De mi-mars à mi-mai, les organisations peuvent déposer une requête de financement (pour l’année suivante)
  • Entre octobre et mai suivant, les OSC présélectionnées déposent leur projet qui doit être d’un montant supérieur ou égal à 500 000 euros.

Pour les autres projets, la procédure est plus libre[12]. Il faut remplir un formulaire de candidature. Une présélection élimine les candidatures non conformes à l’annonce. Les candidatures sont alors soumises à un jury qui annonce les résultats par email.

Focus sur certains pays : Afrique du Sud, Bolivie et Chine.

  • Afrique du Sud

 

  • Bolivie

 

  • Chine

Depuis l’année 2021, les aides versées à la Chine ne sont plus comptabilisées comme “aide publique au développement” car la chine est une grande puissance[13].

L'Aide publique au développement 

L’AFD fait partie de l'Aide Publique au Développement financée par l'Etat français pour soutenir le développement économique et social des pays en émergeants. L'Aide publique au développement prend la forme de dons dans 88% des cas et de prêts dans 12% des cas[14]. Elle se répartit en deux branches principales : l’aide bilatérale, qui est allouée directement aux pays partenaires et l’aide multilatérale, qui transite par des organisations internationales. L'APD française est gérée par plusieurs acteurs, dont le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie et des Finances, et l'AFD. Pour bien comprendre de quoi est constituée l’Aide publique au développement, nous allons prendre l’exemple de l’année 2023 où elle s’est élevée à 14,2 milliards d’euros. En 2023, l’aide bilatérale française s’élevait à 8,105 milliards d’euros (57%) et l’aide multilatérale, à 6,104 milliards (43%). Environ 2Md €, est accordé à l’Agence française de développement. Le montant de l’aide publique au développement stagne, voire régresse entre 2009 et 2014. Il est en croissance entre l’année 2015 et 2022. On observe un repli de l’ordre d’1 milliard d’euros en 2023. Concernant le montant de l’APD en pourcentage du revenu national brut, la France est largement supérieure à la moyenne du CAD (0,50% contre 0,37% en 2023). Elle n’atteint cependant pas l’objectif de 0,7% du RNB.

Extrait de la discussion sur le projet de loi de finances 2025 sur le sujet de l'aide publique au développement

  • Examen en Commission au Sénat le 27 novembre 2024 à la Commission des affaires étrangères 

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la mission « Aide publique au développement » sur les programmes 110, 209, 370 et 384. - Ce budget 2025 est un budget singulier pour l'aide publique au développement (APD). En effet, les crédits de la mission sont en baisse de 1,3 milliard d'euros, en plus du décret d'annulation de février 2024, qui a déjà effectué une coupe de 742 millions d'euros.

Les crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement », placés sous la responsabilité du ministère de l'économie et des finances, diminuent de 9,6 % en autorisations d'engagement (AE) et de 26,4 % en crédits de paiement (CP). Cette diminution affecte en priorité la capacité de l'Agence française de développement (AFD) à effectuer des prêts bonifiés au profit des États à revenu modeste.(...) 

Par ailleurs, nous avons constamment plaidé auprès du Gouvernement pour que l'aide bénéficie d'abord aux pays les plus pauvres et aux secteurs fondamentaux : la santé, l'agriculture, l'éducation et la formation professionnelle. C'est ici que s'inscrit notre combat contre la transformation de l'aide en un soutien à des pays émergents parfois hostiles à la France, comme la Chine ou la Turquie. Vous constaterez à ce propos que 130 millions d'euros sont consacrés à l'Algérie au sein de ce projet de budget, alors qu'aucun dialogue n'a été amorcé avec le gouvernement algérien, qui a retiré son ambassadeur à Paris et manifesté son hostilité à l'égard de la France. Nous souhaitons également que l'aide soit plus bilatérale et moins multilatérale afin de reprendre le contrôle de nos crédits pour mieux les orienter en fonction de nos priorités.

(...)

M. Roger Karoutchi. - Pour ma part, je m'abstiendrai sur ces crédits.

Je comprends bien tout ce qui est dit, mais il faudrait peut-être remettre sur la table la totalité des aides versées. Lorsque j'étais membre de la commission des finances, j'ai auditionné l'AFD à plusieurs reprises. Je reste aujourd'hui abasourdi par l'absence totale de contrôle. Des rapports de la Cour des comptes et de l'IGF ont été publiés et nous avons demandé une commission d'évaluation sans avoir pu obtenir de retour à ce sujet depuis. Tout le monde se demande si l'argent public est bien utilisé en la matière. Je rappelle tout de même que nous parlons d'un total de 13 à 14 milliards d'euros en 2023.

Je suis très sceptique quant au fonctionnement de l'AFD. J'étais opposé à la construction de 50 000 mètres carré de locaux à Paris-Austerlitz, n'étant pas convaincu qu'il s'agisse d'une excellente idée. Il y a deux mois, j'ai été sidéré de voir l'AFD inaugurer en grande pompe son siège en Guinée, un magnifique ensemble, alors que l'ambassade de France n'est installée que dans un tout petit immeuble. Nombre de nos ambassadeurs se plaignent du pouvoir de l'AFD, qui dépasse ou outrepasse le leur.

Sans remettre en cause l'aide aux pays les plus pauvres, il faudra à un moment donné que la gestion soit centralisée et mieux contrôlée. Il n'est pas possible que nous ne disposions pas d'une commission d'évaluation ou que les rapports de la Cour des comptes et de l'IGF restent lettre morte.

Conclusion

Les vifs débats à propos de l’Agence française de développement auront servi. En effet, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé dimanche 23 mars la création d’une commission d’évaluation de l’Aide publique au développement. Cette commission, instituée par décret, va, selon le ministre, étudier l’aide “projet par projet”. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle ne devienne pas un énième comité Théodule.


[1] Réduire les émissions de soufre de la centrale thermique de Laibin B, dans le Guangxi | AFD - Agence Française de Développement

[2]RESCCUE : préserver les écosystèmes insulaires et les rendre moins vulnérables au changement climatique | AFD - Agence Française de Développement

[3]Soutien au système éducatif public libanais | AFD - Agence Française de Développement

[4]Construction et opérationnalisation de l’hôpital d’Albina | AFD - Agence Française de Développement

[5]rapport-activite-responsabilite-societale-2024 | AFD - Agence Française de Développement

[6]D’où vient l’argent que le groupe AFD investit dans le monde ? | AFD - Agence Française de Développement

[7]Rapport d'activité et de responsabilité sociétale du groupe AFD 2023 | AFD - Agence Française de Développement

[8]5 questions sur l'action du groupe AFD | AFD - Agence Française de Développement

[9]Groupe AFD - Résultats 2023 | AFD - Agence Française de Développement

[10]Politique générale du groupe AFD en matière de prévention et de lutte contre les Pratiques prohibées (2020) | AFD - Agence Française de Développement

[11]Les financements des projets des ONG | AFD - Agence Française de Développement

[12 Appels à projets | AFD - Agence Française de Développement

[13Vrai ou faux. La France verse-t-elle 100 millions d'euros d'aide au développement à la Chine ?

[14]Chiffres clés — Aide Publique au Développement - Données ouvertes & informations

Liste des projets supérieurs à 40 millions d’euros de financement en cours d’exécution par zone géographique et par pays