Où en est l’application des 35 heures dans la fonction publique territoriale ?
L’enjeu est de taille. Si tous les agents territoriaux effectuaient réellement les 35 heures -soit 1 607 heures par an-, cela équivaudrait à 50 000 agents à temps plein par an. Aujourd’hui, le temps de travail moyen dans les collectivités est de 1 553,7 heures annuelles.
En réalité, les 35 heures n’ont jamais été réellement appliquées dans les collectivités. Les exécutifs avaient une dérogation pour conserver les régimes de temps de travail inférieur dont ils bénéficiaient depuis la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Ainsi, les agents publics locaux cumulent-ils près de 40 motifs de congés dérogatoires dont les jours du maire, des jours de congés pour déménagement ou encore des jours pour « rentrée scolaire ».
Depuis la loi de 2019 sur la transformation de la fonction publique, les collectivités locales sont sommées d’appliquer (enfin) les 35 heures. Après chaque élection, les exécutifs locaux ont un an pour négocier avec les partenaires sociaux une nouvelle délibération sur le temps de travail de leurs agents. Au plus tard, l’accord doit être effectif pour les communes le 1er janvier 2022 et pour les départements et les régions le 1er janvier 2023.
Selon l’Association nationale des DRH des territoires, fin 2019, 43% des collectivités respectent déjà les 1 607 heures. Ainsi, à Marseille où la question du sous-travail (jusqu’à 900 heures annuelles dans certains services) a-t-elle été pointée du doigt à de nombreuses reprises par la Chambre régionale des comptes (une enquête judiciaire sur le sujet est actuellement en cours), le temps de travail des agents a déjà été relevé à 1 607 heures. Même chose à Lyon : après avoir été épinglée par la Chambre régionale des comptes pour un temps de travail moyen de 1 571 heures, la ville a adopté une délibération fixant la durée annuelle légale de travail à 1607 heures depuis décembre 2015. Beaucoup de petites et moyennes communes sont déjà passées aux 1607 heures : Gières, Millau, Neuilly-Plaisance, Nort-sur-Erdre, Landser et Couëron, Châtellerault, Orléans....
Les syndicats des agents poussent à contourner la règle légale
Les syndicats demandent des « sujétions » pour pénibilité, des décharges pour contourner la loi. La CGT demande même l’abrogation pure et simple du texte. Alors certaines les communes procrastinent. A Paris, où les mouvements de grèves se multiplient, 8 jours de congés seraient en jeu. L’adjoint aux ressources humaines de la ville de Paris a déjà demandé un report de la loi (refusé par le ministère). Il propose même de « modifier le cycle de travail pour générer des RTT supplémentaires » alors que les agents de la ville de Paris comptent déjà 33 jours de congés et 22 jours de RTT... A Toulouse, où les grèves se poursuivent également, une dizaine de jours de congés sont en jeu. A Rennes, où 3,5 jours de congés sont en sursis, les syndicats demandent une prime compensatoire de 300 à 350 euros pour les agents.
Nantes a signé un accord qui semble vouloir ménager la chèvre et le chou : un temps de travail à 1 607 heures avec 2 « jours de fractionnement » qui peut faire tomber le temps de travail effectif de certains agents à 1 547 heures annuelles. Certaines villes, dans le Val-de-Marne, par exemple à Bonneuil-sur-Marne, ont décrété qu’ils ne chercheraient pas à appliquer les 1 607 heures et qu’ils étaient prêts à aller jusqu’au tribunal administratif.
Ce seraient alors les préfets qui reprendraient la main en supprimant automatiquement les jours de congés des régimes dérogatoires au 1er janvier 2022. Un sujet à suivre de très près en 2022 et 2023. D’autant plus après l’expérience malheureuse de 2012 et de la suppression du jour de carence dans le secteur public par le Gouvernement Hollande dès son arrivée au pouvoir…