6 mois pour débloquer la France
Tout juste élu, Emmanuel Macron doit frapper fort, vite et efficacement, s’il veut faire sauter les verrous qui plombent la France. Pour cela, il souhaite réformer le code du travail par ordonnances cet été. Dès la première année, les marqueurs les plus forts du quinquennat doivent être mis en place : une vraie baisse des dépenses et de la fiscalité, une vraie réforme du code du travail plus favorable à l'emploi et avec plus de flexibilité, s'engager à une réforme des retraites durable en remontant l'âge de départ, une réforme des règles de l’Assurance chômage et du financement des syndicats, etc.
Jusqu'à présent, après les 100 jours, les gouvernements sont toujours pris dans le tourbillon de l'actualité et en 5 ans, les gouvernements successifs voient à peine les fruits de leurs réformes. Il faut donc changer la donne et accélérer la cadence des réformes. Pour cela, la Fondation iFRAP a imaginé le calendrier des 6 premiers mois du quinquennat pour redynamiser la France.
Juin 2017 : agir vite au niveau du Parlement
Emmanuel Macron souhaite "appliquer par défaut la procédure accélérée devant le Parlement". Une bonne idée mais qui demande quand même du temps : 8 semaines environ pour obtenir le vote des lois d'habilitations qui permettront au gouvernement de réformer par ordonnances. Déjà, les 100 premiers jours du quinquennat seront passés. Il faut donc aller le plus vite possible et pour cela, le nouveau Président devra demander l'ouverture d'une session extraordinaire du Parlement : cela reviendra à suspendre les vacances parlementaires en aout 2017.
Concernant la question de la répartition des députés dans les commissions, la question devra être réglée en moins de 15 jours afin que la nouvelle Assemblée nationale soit opérationnel dès mi-juillet. La cadence sera intense : absentéisme interdit ! Pour s’assurer de la motivation de nos députés tous justes élus, il faudrait (beaucoup plus) lier leur indemnisation à leur présence en commissions et dans l’hémicycle : une journée d’absence pourrait être égale à 2 journées en moins d’indemnisation.
Juillet 2017 : une loi de finances rectificative comme un grand soir fiscal
Pour le président nouvellement élu, c'est le premier grand projet du quinquennat, celui qui donnera le ton : les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale rectificatives de juillet 2017, définiront la nouvelle stratégie pluriannuelle des finances publiques qui sera notifiée aux autorités européennes. En tout état de cause, ce document sera l'exercice majeur pour cadrer les baisses des prélèvements obligatoires du quinquennat.
La première mesure à prendre est l'abandon du projet du prélèvement à la source, une «usine à gaz» qui viendrait étouffer, dans une nouvelle couche de complexité inutile, nos entreprises.
Il faudra aussi supprimer l’ISF et l’exit tax dès 2017, revenir au prélèvement forfaitaire libératoire, renforcer les mesures favorisant l’investissement au capital des entreprises et mettre en place un plafonnement global à 60%.
D’autre part, notre impôt sur le revenu se caractérise par une grande complexité et une très forte concentration sur la minorité de foyers qui y sont soumis (45%). Il faut donc préparer une réforme de l’impôt sur le revenu pour l'appuyer sur une assiette clarifiée et sur un nombre plus important de contributeurs, notamment en s’assurant qu’un euro perçu au titre de la solidarité soit imposé comme un euro issu du travail (avec comme idée, qu'à terme, notre système de redistribution et de solidarité passe dans une logique de crédit d'impôt pour les foyers concernés).
En prennant ces mesures, le nouveau gouvernement enverra des signaux forts aux Français et aux investisseurs.
Nous recommandons donc de graver dans le marbre d'une loi de finances rectificative 2017, les premières mesures de ce choc fiscal. Attendre le projet de budget 2018 pour réformer, c'est prendre le risque de manquer encore une fois l'occasion d'assainir les finances publiques françaises. Souvenons-nous lorsqu'un Premier ministre nous promettait une remise à plat fiscale en 2013 : nous l'attendons toujours.
[Pour lire notre étude complète sur la loi de finances rectificative, cliquez ici, et le texte à voter, cliquez ici]
Lutter contre l'inflation normative Emmanuel Macron s'est positionné pour lutter contre l'inflation normative lorsqu'il déclarait : "je veux qu'on n'ajoute plus de nouvelles règles avant d'avoir passé en revue celles qui existent et n'ont pas d'utilité." Il souhaite aussi limiter le nombre de mois pendant lequel on légifère et consacrer plus de temps parlementaire à l’évaluation de l’action du gouvernement. Deux propositions conjointes et qu'il faut graver dans le marbre dès les premiers jours de la nouvelle législative. Nous proposons que dès juillet, soit adopter le principe de "A chaque loi votée, deux lois supprimées" pour réduire notre stock normatif, il faudra aussi mettre en place les outils pour évaluer ce stock, le contrôler et faire la transparence sur le sujet. En parralèle, il faudra mettre en place les outils pour que le Parlement audite chaque projet de loi, de normes, de décrets pour en évaluer l'impact. Ces rapports devront être publiés. [Voir notre proposition complète, en cliquant ici] |
Aout 2017 : une dizaine de décrets et d'ordonnances pour faire sauter les blocages
Fin aout, la nouvelle Assemblée doit avoir bouclé les lois d'habilitation qui permettront au gouvernement de réformer par ordonnances. Le délai d'effectivité des ordonnances sera définit dans ces lois : nous proposons un délai d'effecvitié de 2 ans pour laisser le temps au Parlement de valider ces textes tout en maintenant un rythme soutenu de réformes en parralèle.
Réformer vite, oui. Mais sur quel point de blocage ? Pour la Fondation iFRAP, une dizaine de mesures sont à prendre immédiatement. La majorité concerne le code du travail, oui, mais pas seulement :
1. Revoir la définition du licenciement économique [voir le texte ici] et des obligations de reclassement [voir le texte ici] ;
2. Supprimer la référence à toute durée légale du temps de travail dans le privé [voir le texte ici] et la fixer à 1 786 heures annuelles pour le public [voir le texte ici] ;
3. Revoir la règlementation des contrats de travail à durée déterminée [voir le texte ici] et à temps partiel [voir le texte ici] pour assouplir les conditions de renouvellement du CDD ;
4. Revoir la règlementation de l’Assurance chômage pour durcir les règles et les contrôles [voir le texte ici] ;
5. Préparer le transfert de compétence vers les régions, notamment en leur donnant la responsabilité de Pôle Emploi leur permettant de mettre en place une vraie politique économique locale ;
6. Modifier le décompte des seuils d’effectifs salariés pour remonter les obligations à 100 salariés [voir le texte ici] ;
Mais aussi :
7. Revoir l’âge de la retraite à 65 ans en vue de préparer la fusion des régimes de retraites ;
8. Revoir la réglementation de l’obligation de construction de logements sociaux pour redynamiser le secteur immobilier privé ;
9. Faire de la commune, l’échelon responsable de tous les établissements scolaires et donner plus d’autonomie de gestion aux établissements scolaires.
On peut aussi envisager une ordonnance pour détricoter les objectifs de baisse de la consommation d’énergie de la loi de transition énergétique et de diminution de la part du nucléaire.
On pourrait aussi citer l’abrogation du monopole dont jouissent les syndicats pour la présentation des candidats au premier tour des élections aux institutions représentatives du personnel, l’ouverture à l’employeur de la faculté de recourir au référendum d’entreprise pour l’adoption de mesures ayant obtenu l’accord d’au moins 30% des syndicats représentés, ainsi que la généralisation de la possibilité pour les accords d’entreprise de supplanter les accords de branche, sans que ces derniers puissent l’interdire. Ces deux derniers points font partie du programme du nouveau président mais la méthode est encore à éclaircir.
La problématique de la Loi Larcher La loi du 31 janvier 2007, dite loi Larcher, prévoit que tout projet gouvernemental impliquant des réformes dans les domaines des relations du travail, de l’emploi ou de la formation professionnelle, doit d’abord comporter une phase de concertation avec les partenaires sociaux (organisations syndicales de salariés et d’employeurs interprofessionnelles reconnues représentatives au niveau national) dans le but de permettre l’ouverture d’une négociation. Le gouvernement a l’initiative en adressant aux partenaires sociaux une « documentation d’orientation » exposant son diagnostic, ses objectifs et les modalités envisagées pour une éventuelle négociation. Les partenaires sociaux doivent faire savoir aux pouvoirs publics s’ils veulent négocier et quels sont les délais qu’ils estiment nécessaires. Les projets législatifs éventuellement issus de ces négociations doivent ensuite être soumis pour avis à la Commission nationale de la négociation collective. Or les principaux points de blocages sont justement du domaine des relations de travail et de l’emploi. Il faut donc préciser dans quels cas la procédure prévue par la loi Larcher devrait s'appliquer – sauf à supposer, soit que le gouvernement déclare l’urgence sur le texte, soit qu’il décide de passer purement et simplement outre à l’application de la loi, la loi Larcher n’ayant pas valeur constitutionnelle, et aussi à distinguer suivant que le texte à modifier est de nature législative (nécessitant une ordonnance) ou règlementaire (nécessitant un décret, voire un arrêté). |
Septembre 2017 : 1 référendum sur le financement du syndicalisme pour plus de transparence
Prendre l’avis des citoyens, voilà une idée qui ne plaît guère en France. Sondage de popularité, complexité des enjeux, toutes les excuses sont bonnes pour ne pas poser la question aux Français.
En 2017, il n’y aura pas le choix, car les corporatismes ont déjà prévenu qu’ils seront en embuscade pour s’opposer aux réformes. Avant même la passation de pouvoir, Emmanuel Macron est en train de voir se lever un « front social » et une manifestation « En Marx » contre le programme que les Français viennent d’élire, à l’appel de Sud, de la CGT et de l’Unef. Il faudra donc tout le poids des Français pour faire avancer les mesures les plus délicates au nom de l’intérêt supérieur de la nation : idéalement, un référendum devrait être proposé aux Français chaque année pour que cette pratique entre dans nos mœurs politiques. Cela obligerait nos élus à faire des efforts d’explication, de transparence et de détail des projets. Cela permettrait aussi de revêtir d’une légitimité populaire la décision politique face aux corporatismes, souvent trop peu représentatifs.
Pour cela, le premier référendum à poser aux Français et ce, dès septembre 2017, sera sur le financement des syndicats : « Etes-vous pour un financement des syndicats de salariés et du patronat uniquement via un chèque syndical pour les premiers et des adhésions pour les seconds ? » devra être la question posée.
La réforme qui suivra ? Une clarification du mode de financement des syndicats en supprimant tous les financements publics : on remplacera ces subventions par un chèque syndical qui serait un chèque individuel, attribué à chaque salarié et financé à 50% par l’entreprise ou par l’employeur public, et à 50% par le salarié lui-même. Ce chèque remplacerait à terme toutes les subventions et mises à disposition de locaux et de personnels et il serait d’un montant de 50 euros.
Octobre-décembre 2017 : Préparer le budget 2018
La préparation du projet de loi de finances 2018 sera le moment de confirmer la baisse des dépenses publiques et de la fiscalité : nous proposons une baisse de presque 18 milliards d'euros des dépenses, et de 6,5 milliards d'euros d'allègements fiscaux dès la première année.
Ensuite, il faudra créer une loi de finances unique (LFU) en trois branches : Etat, social et local. Aujourd'hui, la présentation du budget de l'année ne concerne que le budget de l'Etat, soit un tiers de nos dépenses publiques totales. Ensuite les dépenses de la Sécurité sociale sont traitées séparément dans une loi de financement de la Sécurité sociale et celles des collectivités locales sont éparpillées dans une multitude de documents non centralisés. Bercy possède toutefois toutes les informations pour créer un document unique des budgets publics.
Ensuite, supprimer une centaine de taxes et impôts et interdire les taxes rapportants moins de 100 millions d'euros. Enfin (et surtout), mettre en place un véritable frein à l'endettement dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) [voir notre étude complète, en cliquant ici]. Ainsi les dépenses ne pourront plus excéder les recettes sur un cycle complet, soit de 2017 à 2022.
Le PLF 2018 sera aussi le moment
- de prévoir les dotations nécessaires aux collectivités dans le cadre du transfert de compétences : comme la gestion des établissements scolaires par les communes et la gestion de Pôle Emploi au niveau régional ;
- de prévoir une loi de programmation militaire pour renforcer nos armées (en hommes et en matériels) et acter l'augmentation des moyens. En parralèle, il faudra passer une loi de programmation pénitentiaire pour valider la construction de 15 000 nouvelles places de prison (comme proposé par l'actuelle majorité) et prévoir en plus, la construction de 6 000 places supplémentaires.
Seulement un début
Ce rythme de réformes permettra d'entamer l'année 2018 sur des bases plus saines et aura démontré le sérieux de la nouvelle majorité dans sa capacité à faire passer les réformes nécessaires. Il est urgent de devenir collectivement exigeants. Par leur choix, les Français ont montré leur aspiration à se désengluer, à retrouver le chemin de la réussite. Mais ce n'est qu'un début.
Dès 2018, il faudra alors instaurer la liberté de choix de l'Assurance maladie au premier euro et ouvrir l'accès aux données du système de santé.
Il faudra mettre en place un système de retraite unique et par points avec alignement des régimes, suppression des régimes spéciaux et fusion des caisses. Préparer une loi de fusion des communes pour prendre la suite de la loi sur le regroupement des communes qui prend fin en décembre 2018, et il faudra penser à mettre en place un système de bonus/malus sur la gestion locale. Mais aussi, lancement d'un Acte VI de la décentralisation des compétences (transfert des compétences des départements et des intercommunalités notamment, ainsi que transfert de la politique éducative au niveau régional) et préparer un 2nd référendum en septembre 2018 pour la mise en place d’une allocation sociale unique.
Tout reste à faire pour éviter d'aller dans le mur, le nouveau président, le futur gouvernement et la future majorité parlementaire devront faire le job et RÉFORMER ce pays, et c'est à la société civile, à vous, à nous, de faire pression pour faire basculer le front anti-réforme qui gouverne la France depuis plusieurs décennies.