2021 ou l'année du « rebond » sans la croissance
Nous ne sommes que le lundi 18 janvier 2021. Et tous les chiffres des budgets de l'Etat et de la Sécu pour cette année sont déjà faux. Soyons honnêtes, la croissance ne sera ni de 8 % comme initialement prévu pour le grand rebond ni de 6 % comme prévu désormais par Bercy avec le petit rebond. La Banque de France prévoit, de son côté, 5 % de croissance. Mais personne ne sait si nous les atteindrons vraiment. 5 % ? Ce n'est pas loin de la croissance allemande alors que les Allemands auront enregistré pour 2020 avec - 5 % une récession environ deux fois moins forte que la nôtre, qui frôle les - 10 %.
Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 18 janvier 2021. |
Ce qui s'annonce pour nous cette année est préoccupant. Avec une croissance de 5 %, le déficit de la France dépasserait les 210 milliards, et la dette serait à 124 % du PIB. Avec une croissance à 4 %, le déficit dépasserait les 220 milliards, et la dette serait proche des 126 %… Réveillons-nous ! La croissance peut être aussi seulement de 3 %. Alors, ce serait bien évidemment encore plus grave pour nos finances publiques. L'effet sur les recettes et sur les dépenses d'une croissance plus faible s'annonce colossal, mais reste inchiffrable à ce stade. Qui croit encore que l'on va récupérer le niveau de PIB 2019 en 2022 ? Personne.
Ajuster ses finances publiques
Avec les contraintes sanitaires nouvelles, le moteur de l'économie française et la croissance potentielle risquent de caler. Nos dirigeants semblent découvrir aujourd'hui que l'Allemagne a su ajuster ses finances publiques, dès la sortie de crise de 2008, et a ainsi su se constituer une capacité de relance puissante. Et les résultats sont là. Les Allemands mettent aujourd'hui le paquet sur la baisse des impôts : 60 milliards de baisses, dont 40 milliards pour les entreprises et 20 milliards pour les ménages. En face, la France met un petit 20 milliards tout mouillé en tentant de nous faire compter deux fois la baisse des taxes de production pour les entreprises.
Cela dit, il y a fort à parier que les baisses d'impôt allemandes soient conjoncturelles et non structurelles, contrairement à la France. Mais le niveau de notre fiscalité sur les entreprises (18 % du PIB en 2018) reste pour le moment nettement supérieur à celle pesant sur les entreprises allemandes (9 % du PIB). Il y avait donc urgence à agir de manière pérenne sur les impôts de production. Il faudrait d'ailleurs faire beaucoup plus. Reste que les Français ne bénéficieront pas comme leurs voisins allemands de mesures de baisses de TVA. Nous n'en avons tout simplement pas les moyens.
Chômage partiel massif
Côté dépenses, les nouvelles annonces de Bercy, avec 4 milliards d'euros de dépenses en plus par mois, vont encore creuser le déficit. Payer les frais fixes des entreprises qui sont contraintes à la fermeture administrative est une bonne chose, l'Allemagne le fait aussi pour 25 milliards d'euros. Mais il faut s'interroger sur notre choix d'avoir eu recours à un chômage partiel massif en mars, avril et mai 2020 qui nous a coûté deux fois plus cher qu'en Allemagne.
A ce stade, après avoir plus freiné notre économie en 2020, il devient évident que nous devons la freiner le moins possible en 2021. Une seule certitude : la bataille de la compétitivité pour nos entreprises va être en sortie de crise encore plus intense, et nous aurons encore un écart important avec l'Allemagne, qui risque de se creuser en notre défaveur.
Il est dorénavant essentiel, si nous voulons y voir plus clair, d'élucider la trajectoire de nos finances publiques pour 2021. A minima, une loi de finances rectificative pour 2021 s'impose déjà. Il est plus que temps, également, qu'une loi de programmation des finances publiques 2021-2025, qui nous fait cruellement défaut depuis plusieurs mois, soit enfin publiée par le gouvernement.