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Taxes sur l'immobilier : la France championne

Dans sa dernière étude, la Fondation IFRAP fait le constat que dans le secteur de l’immobilier, tous les voyants sont passés au rouge. À des prix très élevés depuis déjà plusieurs années se sont ajoutées la hausse des taux d’intérêt et celle de l’inflation, qui a impacté les coûts de construction et diminué le pouvoir d’achat des ménages. Et même si la baisse des prix de l’immobilier a commencé à s’amorcer, la baisse du prix d’achat représente au maximum 30 000 euros (10 %) pour un bien à 300 000 euros, tandis que le coût de l’emprunt sur vingt ans a lui augmenté de l’ordre de 103 000 euros, avec la hausse des taux en deux ans.

Cette tribune a été publiée dans les pages du JDD, le lundi 20 mai 2024.

Résultat, le marché de la construction neuve est à l’arrêt : de février 2023 à janvier 2024, 369 300 logements ont été autorisés à la construction, soit 113 000 de moins que lors des douze mois précédents (- 23,4 %). Il s’agit du plus faible total depuis les années 2000. L’immobilier ancien aussi est touché, avec une chute de 22 % du nombre de transactions en 2023 sur un an. Après Vinci Immobilier, Nexity, premier promoteur immobilier français, a annoncé un plan social. La Fédération française du bâtiment anticipe une perte de 150 000 emplois dans le secteur du bâtiment. Et de nombreux autres secteurs sont touchés par ricochet.

Les 17 500 notaires de France ont constaté une baisse de leur activité de 20 à 30 % (l’immobilier en représente 57 %). L’activité des diagnostiqueurs DPE a connu une baisse en 2023 en raison de la diminution du nombre de transactions, et de nombreuses agences immobilières sont elles-mêmes en difficulté, tout comme les aménageurs de cuisines, les piscinistes, les vendeurs de meubles, les déménageurs ou encore les architectes.

Une fois ce noir constat dressé, pour la Fondation IFRAP, si on veut relancer le secteur et notamment la production de logements neufs, il faut s’attaquer à la fiscalité qui pèse sur l’immobilier. En effet, elle est, en France, parmi les plus lourdes au monde. En tout, la fiscalité sur le logement représente 91 milliards d’euros par an, soit 7,6 % des prélèvements obligatoires et 3,5 % du PIB. C’est le double de ce que l’on constate ailleurs dans la zone euro. L’immobilier est en effet taxé à toutes les étapes du cycle de vie d’un logement : l’acquisition, la rénovation, la détention, la location et enfin la cession. Les impôts sur les transactions sont plus lourds en France qu’ailleurs. De même que l’imposition des revenus locatifs, à 51 %. Seuls quatre pays de l’OCDE (Autriche, Japon, Corée, Danemark) présentent un niveau de taux plus élevé. Enfin, la France est le pays qui impose le plus les donations et successions.

La fiscalité du logement est par ailleurs concentrée sur les propriétaires, et particulièrement les bailleurs. Mais cette fiscalité est difficile à remettre en cause parce que les différentes administrations intéressées à son rendement ne sont pas prêtes à renoncer à des recettes souvent cruciales. Ainsi, la moitié des recettes fiscales des communes provient de la fiscalité du logement, malgré la suppression de la taxe d’habitation !

Parmi les principales ressources des collectivités territoriales figurent les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), appelés « frais de notaire ». Ces recettes sont essentielles, car ce sont elles qui financent les dépenses sociales des départements, en particulier le RSA. Pourtant, il s’agit par définition d’une ressource fiscale soumise à des retournements cycliques (selon l’état du marché), alors que les dépenses, elles, sont fixes. On voit bien le problème que fait peser sur les finances des collectivités la baisse, estimée à 23 % en 2023, de ces droits de mutation, du fait de la baisse du nombre de transactions.

Ce que propose la Fondation IFRAP, c’est de diviser par deux les DMTO, en parallèle de la recentralisation du RSA, actuellement en expérimentation dans les DOM, ainsi qu’en Ariège et en Seine-Saint-Denis. Soit une baisse de la fiscalité de huit milliards d’euros. Et de supprimer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, tant que leurs propriétaires n’ont pas le droit de voter aux élections locales à la fois sur le lieu de leur résidence principale et secondaire.

Autre proposition, la suppression totale de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui a rapporté 2,4 milliards d’euros en 2023, mais dont les modalités de calcul sont très complexes. Pour la Fondation, cela serait une incitation pour les particuliers, notamment les ménages multipropriétaires bailleurs, à investir dans l’offre de logement. À défaut d’une suppression totale, la Fondation IFRAP demande a minima d’exclure totalement la résidence principale du calcul de l’IFI, ainsi que les biens mis en location, hors biens saisonniers. Pour remettre des biens sur le marché, et donc recréer de l’offre, la Fondation suggère aussi de limiter l’impôt sur la plus-value immobilière à dix années de détention, ce qui éviterait que les propriétaires cherchent à conserver leurs biens le plus longtemps possible pour éviter la taxation.

Enfin, dernière mesure, revoir l’imposition des revenus locatifs, car il existe aujourd’hui plusieurs régimes distincts et complexes, en proposant par exemple une imposition forfaitaire de 30 %, prélèvements sociaux inclus, déduction faite des déficits fonciers éventuels.

Pour réellement relancer le secteur de la construction, en plus de ces mesures fiscales, la Fondation IFRAP estime qu’il faudra également alléger les normes qui pèsent sur le secteur et sortir des principales réglementations nationales qui figent la construction, notamment le plan zéro artificialisation nette (ZAN). Mais aussi supprimer l’encadrement des loyers et revoir le système des aides au logement, en concentrant l’effort public sur les aides personnelles, intégrées dans une allocation unique.

Toutes ces propositions, assure la Fondation IFRAP, ont pour objet de réhabiliter l’investissement immobilier à la fois à des fins de propriété, ce qui constitue un capital de précaution face à la faiblesse programmée des retraites, et de développement du parc locatif privé. Elles permettraient de baisser la fiscalité sur le logement de 23 milliards d’euros et nous rapprocheraient alors de la moyenne européenne.