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Instabilité, crise de la dette, fuite des talents et des capitaux… Ce cocktail explosif qu’il est urgent d’éviter

Le jour d’après. On y est. On tente de se refaire le film : pourquoi dissoudre dans la situation désastreuse actuelle de nos comptes publics ? Pourquoi sauter sans filet ? Et, alors même que le premier ministre, Gabriel Attal, travaillait activement à un budget 2025 qui fasse enfin les économies dont la France a besoin ? Un refus d’obstacle de la présidence de la République devant les 30 milliards d’euros de baisses de dépenses à faire voter à l’automne prochain ? Le président avait promis de ne pas augmenter les impôts, mais cette promesse ne l’engage plus si un gouvernement non macroniste le décide… Ce sujet a peut-être été beaucoup plus important qu’on ne le croit dans les événements des derniers jours, voire déterminant.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le lundi 15 juillet 2024.

Si la France avait eu une bien meilleure santé budgétaire et si le déficit 2024 n’était pas déjà pour l’État à 113 milliards d’euros à fin mai 2024, le président aurait-il décidé de dissoudre après les européennes ? Il est probable que non. D’autant plus que se profile la date fatidique du 20 septembre, jour où la France devra montrer patte blanche auprès de la Commission européenne pour convaincre de la crédibilité de sa trajectoire en matière de finances publiques sur les sept années à venir.

À la veille de la dissolution, la France était déjà fragile : sa dette publique a bondi de 840 milliards d’euros entre 2017 et 2023. De 98 % de la richesse nationale à 110 %. Une augmentation bien plus importante que dans les pays comparables. Cela saute aux yeux si l’on compare les performances de la France avec celles de nos voisins européens. Si la France s’était endettée à l’aune de ce qu’ont fait en moyenne les pays européens, notre pays aurait au compteur 400 milliards d’euros de dette publique en moins à l’heure qu’il est et acquitterait 8 milliards de moins de charges d’intérêt par an.

Certains pays ont même réussi, sur cette période et malgré la crise Covid et ses suites, à baisser leur dette. L’exemple le plus spectaculaire est celui des Pays-Bas, dont la dette a baissé de 10 points quand celle de la France augmentait de 12 points. Depuis 2017, un tiers maximum de la nouvelle dette provient de la crise. Le reste de la dette, soit plus de 550 milliards d’euros, est inhérent à la dérive de nos déficits publics aggravés à l’occasion du « quoi qu’il en coûte ». La charge annuelle de la dette a déjà augmenté de 28 % entre 2017 et 2023. Elle pourrait dépasser les 80 milliards en 2027.

Qui peut croire que Jean-Luc Mélenchon, ses acolytes et leur programme à 220 milliards de dépenses de plus par an seraient crédibles pour redresser la situation économique de la France ? Personne. C’est même les premiers à aller chercher si l’on veut faire flamber les taux sur la dette nationale et se retrouver épinglés par les agences de notation, puis tutorés par le FMI. Si nous voulons éviter la banqueroute, nous avons besoin aujourd’hui de faire des choix forts sur le long terme. Des choix pile aux antipodes d’un retour à la retraite à 60 ans ou d’allocations portées au niveau du smic et de la gratuité tous azimuts.

De qui se moque-t-on quand on laisse croire que toutes ces mesures seraient même envisageables une seconde ? Taxer à plus de 70 % les revenus de nos concitoyens qui déclarent plus de 500.000 euros par an ? Taxer à 100 % les successions à plus de 12 millions d’euros ? C’est sans doute d’une constitutionnalité très douteuse ! C’est oublier la jurisprudence Hollande, et sa fameuse taxe à 75 % retoquée par le Conseil constitutionnel pour seuil confiscatoire au-delà de 70 %. Les Français concernés, souvent des entrepreneurs, se laisseraient plumer sans rien dire ? Ben voyons !

Pas à un paradoxe près, les mêmes qui conspuent les marchés seraient prêts à emprunter 500 milliards d’euros par an à des investisseurs pour financer leurs lubies économiques ? À mettre encore plus la dette française entre les mains de non-résidents ? À moins qu’ils ne comptent, comme Sandrine Rousseau, capter toute simplement l’assurance-vie des Français pour renflouer les caisses publiques ? Là encore, le Conseil constitutionnel aurait à redire. D’où le doute sur les milliards de recettes anticipées et brandies par le NFP comme gage de crédibilité. Leurs recettes auraient vite fait de s’évaporer ou de se délocaliser. Idem pour un gouvernement centre gauche revenant avec l’ISF en bandoulière et la suppression du prélèvement unique sur le capital.

La France ne peut pas se permettre un dérapage brutal de notre économie. La fuite vers l’étranger des entrepreneurs et des capitaux pourrait faire très, très mal à la France. Le cocktail à venir est désormais très dangereux : fuite des capitaux et de ceux qui paient les impôts et crise des finances publiques. Une augmentation incontrôlable des taux sur la dette peut arriver. Cela n’arrive pas qu’aux autres. C’est ce qui est arrivé en Grèce, en Irlande ou au Portugal. La crise de la dette en France paraissait un risque relatif… La dissolution, l’incertitude et l’instabilité qui en résultent, pourraient nous y emmener plus rapidement.

Qu’il s’agisse d’une cohabitation, d’une grande coalition, d’un pacte législatif ou même d’un gouvernement technique, il faudra mettre à plat nos comptes publics. Baisser les dépenses nous-mêmes avant que le FMI et/ou une troïka ne nous l’imposent brutalement. Si nous n’agissons pas nous-mêmes, la potion est connue : baisse des salaires publics entre 20 et 30 % et réduction drastique des effectifs publics, comme en Grèce, augmentation du temps de travail sans hausse de salaire et baisse de 20 % de l’équivalent du RSA, comme au Portugal… Dépêchons-nous, le sablier est en route et chaque minute qui passe sans nouveau gouvernement, dans le poison de l’incertitude, joue pour le déclassement.