Transition énergétique : le palmarès des mesures prises
Pour mettre en œuvre la transition énergétique en France, de nombreuses mesures ont déjà été prises ou annoncées. Le minimum serait qu’elles ne conduisent pas, comme actuellement en Allemagne, à une augmentation de la production de gaz à effet de serre, mais aussi qu'elles concourent effectivement à atteindre l’objectif de réduction. Et il serait très souhaitable que leur rapport efficacité-coût soit le meilleur possible, en termes financier comme en termes de contraintes pour les Français. Ce n’est pas le cas.
Six critères de qualité
Atteindre les objectifs de la transition énergétique à la française, comme diviser par deux notre consommation d’énergie d’ici 2050, va demander des efforts considérables au cours des 35 prochaines années. Pour être supportables par la population et l’économie, seules les méthodes les plus intelligentes devraient logiquement être appliquées, sélectionnées selon six critères :
- Réduction ou augmentation de production de CO₂ ?
Méthode efficace : isolation des logements.
Méthode contre-productive : réduction de la part du nucléaire.
- Rentabilité (quel coût pour quelle réduction de CO₂)
Méthode efficace : augmenter la part du gaz dans les transports.
Méthode trop coûteuse : éolien marin.
- Sensibilité des secteurs ciblés
Méthode efficace : taxation sur des bases très larges
Méthode pénalisante : prix élevé du CO₂ pour l'industrie
- Coût d’administration (pertes en ligne)
Méthode efficace : taxe sur les carburants.
Méthode inefficace : certificats d’économie d’énergie.
- Niveau de contrainte qualitative sur les Français
Méthode efficace : taxe sur les carburants.
Méthode pénalisante : fixation de la température des logements à 19 degrés, ampoules fluocompactes.
- Conséquences (externalités) négatives indirectes
Méthode efficace : isolation des logements.
Méthode préjudiciable : agro-carburants.
Analyse des mesures décidées
Toutes les mesures prévues par le plan de transition énergétique entraînent des surcoûts ou des contraintes pour les Français, mais sont de natures très différentes, plus ou moins incitatives, efficaces, vertueuses, rentables pour l’État ou strictement punitives.
- La taxe de deux puis quatre centimes sur le prix des carburants est incitative et rentable pour l’État. Elle tend à réduire la consommation de pétrole en pénalisant les consommateurs mais le coût de sa collecte est pratiquement nul, et elle ne crée aucune gêne non financière ;
- Les règlementations concernant les bâtiments et les véhicules sont vertueuses avec des résultats utiles mais de coûts élevés ;
- Cibler certains secteurs spécifiques a souvent des conséunces insupportables pour les utilisateurs. C'est la cas de la taxe éolien et solaire (CSPE) sur l'électricité qui devient insupportable au point que les élus voudraient la réduire en l'étendant aux autres énergies. Des exceptions ont aussi dû être accordées pour ramener le prix de l'électricité à un niveau acceptable pour les indudtries electro-intensives. Un prix du CO₂ croissant de 10 à 100 euros la tonne aurait un impact massif sur certaines de nos industries, conduisant à leurs délocalisations dans des pays moins exigeants (La fixation d’un prix du CO₂ n’est pas à l’agenda de la COP21, et un prix mondial unique n'est pas envisagé dans un avenir prévisible) ;
- Les certificats d’économie d’énergie tendent à réduire la consommation de gaz, d’électricité et de pétrole. Ils sont incitatifs mais au prix d’une lourde administration et d’actions de promotions/publicités largement inefficaces ;
- L’eco-taxe carbone qui devait être collectée grâce aux portiques routiers tendait aussi à réduire la consommation de pétrole. Mais entraînant des frais de gestion considérables (un tiers des sommes collectées), et nécessitant d’équiper tous les camions français et étrangers circulant en France, elle est largement punitive ;
- Le coût de production des agro-carburants de première génération est de trois à quatre fois supérieur au prix des carburants issus du pétrole, sans espoir d’amélioration spectaculaire des rendements. Il n’est pas prévu que les recherches sur les agro-carburants de seconde et troisième génération aboutissent à des produits compétitifs avant des décennies. En mobilisant des terres agricoles de qualité, la production d’agri-carburant a de fortes externalités négatives. Ces productions faites pour soutenir l’agriculture ne rapportent rien à l’État et sont largement punitives ;
- Le coût brut de l’électricité d’origine solaire ou éolienne est en France de deux à cinq fois supérieur au prix actuel du marché. Leur production étant aléatoire et intermittente sans solution de stockage efficace en France dans un avenir prévisible, leur coût net est encore multiplié par deux. Leur surcoût incite à réduire la consommation d'électricité. Mais ces surcoûts correspondant à des coûts réels de production inefficace, l’État (contrairement à la taxe carbone) n'en tire aucun revenu qu'il pourrait réinvestir dans des actions utiles, de recherche sur l'énergie par exemple : des actions largement punitives ;
- Après avoir trop enciouragé le diesel, sa diabolisation alors qu'il réduit la coonsommation de carburant de 10 à 20%, et donc celle de CO₂ est punitive ;
- L’interdiction des recherches sur le gaz de schiste moins générateur de CO₂ que le pétrole et le charbon est strictement punitive ;
- La réduction de la part de production nucléaire est doublement punitive (plus de CO₂, électricité plus chère).
Conclusion
L'utilisation préférentielle de méthodes soit contre-productives (baisse du nucléaire, interdiction des gaz de schiste) soit les plus coûteuses (éolien marin, solaire) montre que les décideurs ne sont pas concentrés sur l'objectif de réduction du gaz à effet de serre mais poursuivent aussi d'autres buts. Il est pourtant connu qu'en visant deux cibles avec la même flèche, on n'en atteint aucune.
Lire aussi : REGARDS SUR LA POLITIQUE ALLEMANDE DE L’ENERGIE dans SON CONTEXTE EUROPEEN - Pierre Audigier