L’électricité n’est pas une commodité comme les autres

Il est tentant de considérer l’électricité comme une autre commodité énergétique. Il n’en est rien et ses caractéristiques propres rendant particulièrement exigeante la sécurité de notre approvisionnement électrique.
Avec les technologies prouvées, l’électricité ne se stocke ni en grandes quantités ni pour une durée de plusieurs semaines.
Pour stocker la consommation d’un seul jour d’hiver soit 1,5 TWh, il faudrait 30 millions de batteries d’une voiture électrique moyenne ou encore 750 .000 sites de stockage comme le plus grand site français en construction à Nantes.
Même s’il est possible que le prix de revient des batteries baisse, malgré la hausse probable de leurs matières premières et si la densité énergétique continuera à progresser, la compensation par stockage de plusieurs jours de vent faible et de faible ensoleillement, comme il est fréquent en hiver, est utopique dès lors que les ENRi (éolien et solaire) représentent une part importante de la production.
Le stockage ne peut-être à horizon prévisible qu’un moyen de lissage ,certes utile, mais marginal, de l’intermittence et de la non-pilotabilité des ENRi et des écarts entre production et consommation, qui en résultent.
A fortiori, il ne peut y avoir de « stocks stratégiques » comme pour le pétrole ni de « réserve pour l’hiver » comme pour le gaz.
À la différence de toutes les autres commodités énergétiques, il y a un très petit nombre de fournisseurs possibles.
Il y a de nombreux fournisseurs de gaz, de GNL, de pétrole, de charbon. L’expérience de la guerre en Ukraine a montré qu’on pouvait très rapidement remplacer massivement des fournisseurs de gaz et de pétrole par d’autres, certes avec des surcoûts, parfois seulement temporaires, mais en évitant la paralysie du pays.
Au contraire notre électricité ne peut provenir que d’un petit nombre de pays avec lesquels nous sommes reliés par des lignes à haute tension et à fort débit, soit pratiquement les pays de l’UE, la Grande-Bretagne et la Norvège.
Quel que soit le prix que nous y mettrions, nous ne pouvons importer de l’électricité du Qatar ou des USA !
La dépendance, structurelle ou occasionnelle, mais fréquente, d’importations d’électricité ferait peser un risque gravissime sur la sécurité de notre approvisionnement et sur le fonctionnement de l’ensemble de notre pays.
Ce risque irait en outre en croissant :
- d’une part parce que l’électrification accélérée due à la volonté de décarboner notre énergie (l’électricité devrait passer de 27 à 54% de notre consommation totale d’énergie d’ici 2050) rend la sécurité d’approvisionnement (et le coût) de notre électricité absolument essentielle.
- d’autre part parce que les augmentations de capacité de nos fournisseurs possibles, nécessaires à leur propre électrification, se feront quasi exclusivement avec des ENRi, par nature intermittentes, fortement variables et non pilotables
De manière imprévisible ils connaitront simultanément des épisodes d’excédents de production par rapport à leurs besoins ou de déficits importants. L’incertitude sur la fiabilité de leurs systèmes électriques rend impossible de compter sur eux pour nos besoins futurs.
Enfin personne ne consomme ni ne fournit des kWh, mais des « kWh un jour donné à une heure/minute données »
Un kilowattheure livré à 02h une nuit d’été ne peut compenser un kilowattheure non livré à 08h un matin d’hiver.
Ainsi il ne suffit pas des comparés des besoins prévus à une capacité de production disponible à l’échelle d’une année, ni même d’un mois ou d’une journée.
La sécurité d’approvisionnement ne peut être testée qu’avec des modèles sophistiqués fondés sur des historiques de consommation au pas horaire ou inférieur.
Ce sont de tels modèles que fait tourner RTE ; c’est ainsi qu’il a dû faire l’hypothèse que la France disposerait à tout moment de 39GW de capacité de production importable (soit l’équivalent de 60% de notre capacité nucléaire) pour assurer notre approvisionnement dans chacun des scénarios de Futurs Énergétiques 2050, document largement repris par le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Energie.
Belle souveraineté….
Conclusion :
En résumé, l’électricité n’est pas du tout une commodité énergétique comme les autres. Souveraineté, sécurité d’approvisionnement et équilibre à tout instant entre production et demande sont des objectifs beaucoup plus exigeants que pour toute autre source d’énergie.