SAFER : Préempter pour vivre
Avec leurs 1.200 salariés, l'ensemble des 27 SAFER doivent tous les mois se procurer plus de 5 millions d'euros, rien que pour payer leurs salaires. Une somme importante pour l'équivalent de cette grosse PME. Heureusement pour elles, pour augmenter leurs revenus, les SAFER disposent d'une méthode très différente de celles des autres entreprises : la possibilité de recruter des clients de force.
Pour survivre sur le marché concurrentiel des transactions des terres et entreprises agricoles, les SAFER disposent d'un monopole, de trois gourdins, d'une subvention et d'une niche. Le monopole consiste en un privilège unique : les SAFER doivent être obligatoirement informées de toutes les transactions qui se déroulent sur leur territoire. Les trois gourdins, ce sont le droit de préemption, celui d'attribuer les propriétés à la personne de leur choix et celui de faire baisser le prix sur lequel l'acheteur et le vendeur se sont déjà mis d'accord. Leur subvention d'État est de 8 millions d'euros par an. Leur niche fiscale, c'est l'exonération des droits d'enregistrement ou de mutation de 4,8% du prix de la transaction. En 2010 les SAFER sont intervenues sur 75.000 hectares d'une valeur de 790 millions d'euros. Sur ces transactions, les SAFER ont bénéficié d'une niche fiscale d'environ 38 millions d'euros.
En 2010, pour de multiples raisons, le marché des propriétés agricoles s'est contracté. On aurait pu croire que cela poserait un problème aux SAFER, mais leur solution a été simple : « Dans ce contexte, les SAFER continuent d'augmenter leur taux de prise de marché en surface : 27% en 2010. » Source : rapport annuel de la Fédération Nationale des SAFER. Traduction : quand le marché baisse, les SAFER compensent en intervenant plus fréquemment.
2010 | Évolution 2010/ 2009 | |
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Nombre de notifications de vente par les notaires | 204.700 | +1,5 % |
Nombre de biens acquis par une SAFER | 8.900 | |
Surface acquise en hectares par une SAFER | 75.000 | + 5.000 |
Valeur des biens acquis par une SAFER en millions d'euros | 790 | + 13 % |
Préemptions | 1.220 |
Une intervention à double détente : de gré ou de force
Comme la Fédération Nationale des SAFER (FNSAFER) le souligne régulièrement, le nombre de leurs préemptions est relativement minime. Les SAFER ne l'utilisent qu'en désespoir de cause, sachant que ce passage en force suscite le plus de contestations. Elles préfèrent travailler en amont en essayant de convaincre les vendeurs de leur confier leurs affaires, et les acheteurs de ne pas traiter directement avec les vendeurs. Pour l'emporter, les SAFER mettent logiquement en avant cette méthode comme garantie pour éviter toute… préemption et baisse du prix par la SAFER pour les vendeurs, et la quasi promesse pour l'acheteur de lui attribuer le bien désiré.
Les Safer prêtes à tout
Une Safer avait demandé l'annulation de la vente d'un verger de 1.530 mètres carrés. Selon elle, la vente était nulle car elle ne lui avait pas été préalablement notifiée pour qu'elle puisse exercer son droit de préemption. D'après la Safer, il s'agissait bien d'une parcelle agricole puisqu'elle supportait une activité à caractère végétal ou animal, que son propriétaire ait été ou non agriculteur.Mais les juges ont répondu que de tels terrains, détenus par des non agriculteurs, échappaient aux pouvoirs des Safer. Destinés à la consommation personnelle de ses propriétaires, non agriculteurs, ces parcelles ne sont pas liées à une activité agricole, a expliqué la Cour de cassation. (Cass. Civ 3, 28.9.2011, N° 1102).
Lire aussi la note de l'iFRAP : Les SAFER s'attaquent aux lopins de terre et aux jardins.
Préempter pour vivre, ou vivre pour préempter ?
Mais l'augmentation du taux d'intervention des SAFER (le « taux de prise de marché » selon la terminologie des SAFER) pose une question de fond :
En s'interposant entre le vendeur et l'acheteur (pour préemption ou comme simple intermédiaire), l'action des SAFER est-elle indispensable ou simplement utile, ou l'objectif des SAFER est-il de plus en plus souvent de faire des affaires pour équilibrer leurs budgets, pouvoir payer leurs 1.200 salariés et leurs autres dépenses ? Le comble étant le cas où une SAFER revend la propriété … à l'acheteur avec lequel le vendeur s'était mis d'accord initialement, en ayant simplement prélevé sa commission au passage et privé la Collectivité locale ou l'État des droits de mutation.
Le doute est permis. C'est inquiétant puisqu'en plus des perturbations que crée l'intrusion des SAFER sur le marché des propriétés agricoles, leur niche fiscale prive la collectivité de dizaines de millions d'euros de droits de mutation. Il est urgent de mettre en place un encadrement strict de l'activité des SAFER.
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