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"Mietspiegel" ou miroir des loyers : de quoi s'agit-il ?

Dossier chaud de l'actualité, le logement a été l'un des premiers chantiers du gouvernement Ayrault avec la décision récente de bloquer les loyers à la relocation. L'argument est toujours le même : comment les loyers à Paris peuvent-ils être à 24 euros par mètre carré quand ils sont à Munich – ville parmi les plus chères d'Allemagne – à un peu moins de 10 euros ? Grâce au Mietspiegel : explications.

L'objectif du Mietspiegel [1]

L'objectif de cet observatoire des loyers est de refléter (d'où le terme de "miroir") le niveau des loyers pratiqués dans différents quartiers en différenciant les logements sur la base de critères de qualité (surface, ancienneté, niveau d'équipement, performance écologique), mais, également, en prenant en compte des critères de qualité environnementale liés à la situation géographique du logement considéré . Il existe 4 catégories de situations géographiques : simple, moyenne, bonne et excellente.

Cet observatoire édite et rend public tous les 2 ans son analyse sous la forme d'un rapport et d'une carte qui spécifie avec des couleurs les différentes qualités environnementales existantes dans chacun des secteurs de la ville (quasiment rue par rue), ces deux documents servant in fine de base aux bailleurs et locataires pour fixer le montant et/ou l'augmentation des loyers (selon le type de bail conclu). Le dernier en vigueur est le Mietspiegel 2011 qui prend en compte la situation constatée et/ou estimée en janvier 2010 en prenant (seulement) en compte les baux renouvelés ou modifiés sur la période 2006-2009. Le loyer moyen pour la ville de Munich est de 9,79 €/m².

Méthodologie

Sachant que seules les grandes villes peuvent disposer d'un tel instrument de régulation, compte-tenu de son coût élevé ; en l'occurrence, le service du logement de la ville de Munich, ne disposant pas de moyens d'analyse statistique, a passé commande auprès la société privée TNS Infratest GmbH qui a sélectionné tout d'abord 12.000 logements, puis retenu et analysé de manière détaillée environ 3.000 logements locatifs jugés comme représentatifs du marché locatif résidentiel munichois. Le loyer moyen de 9,79 €/m² provient directement des statistiques tirées de l'étude de ces 3.000 logements qui sont à environ 60% des nouvelles locations (principalement logements anciens, mais aussi logements neufs) et à environ 40% des baux en cours.

Mietspiegel qualifié

D'un point de vue juridique, il existe le Mietspiegel simple et le Mietspiegel qualifié. Ce dernier a la particularité d'être reconnu par les différents acteurs présents dans toute la chaîne de l'activité de location d'un logement (administrations, bailleurs, investisseurs, locataires, syndicats de locataires…) et a valeur de référence devant les tribunaux en réglementant, voire en limitant la hausse des loyers. Celui de Munich est un Mietspiegel qualifié (décidé par décision du conseil municipal).

Périmètre et règle d'application

Il existe 4 cas d'augmentation des loyers dans la législation allemande (encadrés par le Code civil) :

- 1- Le bail prévoit une augmentation en fonction de l'inflation ;

- 2- L'augmentation du loyer est due aux travaux de modernisation/rénovation. La limite est fixée à 11% du coût des travaux dans la limite du loyer annuel ;

- 3- Concrètement, le Mietspiegel trouve son application lorsqu'il s'agit d'augmenter le loyer de baux en cours. Par exemple, le bailleur qui a le droit d'augmenter le loyer tous les 15 mois tout en n'excédant pas 20% sur 3 ans, doit rester sous la barre fixée par le Mietspiegel. Le propriétaire doit justifier son augmentation par référence à trois appartements du voisinage. Le locataire a deux mois de préavis s'il accepte ; s'il refuse, le propriétaire doit alors saisir le tribunal qui statuera dans les 6 mois ;

- 4- En ce qui concerne les nouveaux baux (logements qui reçoivent un nouveau locataire ou logements neufs en première location), il est possible de fixer un loyer supérieur au Mietspiegel jusqu'à 20% maximum, mais dans ce cas les augmentations futures ne sont plus possibles. Le Mietspiegel trouve son application uniquement pour les logements à financement libre. Il ne s'applique pas aux logements sociaux, résidences étudiantes, logements situés en situation géographique "simple", logements meublés, maisons individuelles, logements sous-loués, logements avec colocataires.

Il en découle chaque année un nombre astronomique de différends entre bailleurs et locataires. À titre indicatif, les bailleurs allemands envoient chaque année 2 millions de lettres aux locataires leur indiquant une augmentation de loyer. La législation en vigueur liée au Mietspiegel permet à certains avocats spécialisés de bien gagner leur vie !

Critères de qualité du logement

Plusieurs critères sont pris en considération :

- architectural (présence de balcons et terrasses, étage dans l'immeuble, grandeur et équipement de la salle de bains, grandeur et équipement de la cuisine), revêtements de sol (parquet, moquette, carrelage…), hauteur sous plafond, ascenseur, interphone

- technique : type de chauffage, performance écologique, présence de cheminées, piscines ou équipements particuliers.

Concernant la durée du bail

La majorité des baux allemands sont à durée indéterminée. Il existe bien des baux à durée déterminée lorsque le propriétaire souhaite récupérer le bien pour un membre de sa famille ou lorsqu'il souhaite effectuer des travaux mais ceux-ci sont assez rares (10%). S'agissant des baux à durée indéterminée, le préavis est de 3 mois mais monte à 6 mois après 5 années d'occupation, 9 mois après 8 ans, du côté du propriétaire. Côté locataire, le préavis reste toujours de 3 mois.

Le propriétaire peut cependant mettre fin à un contrat durée indéterminée, notamment si le locataire ne paye pas son loyer ou si le propriétaire souhaite le récupérer pour un membre de sa famille et l'ignorait à la conclusion du bail.

Le propriétaire peut néanmoins devoir aller au tribunal pour faire valider la rupture du bail. Normalement la durée d'une telle action peut s'étendre sur 6 mois, voire un an s'il s'agit d'attribuer le bien à un membre de sa famille mais que le locataire a de bonnes raisons de rester dans les lieux, à savoir son âge ou sa condition de santé qui l'empêche de rechercher un nouvel appartement. Il faut parfois compter deux mois supplémentaires pour faire exécuter la décision par huissier.

Qu'en est-il en France ?

Le loyer ne peut progresser plus vite que l'IRL (en vigueur depuis 2008) et si une clause a été prévue à ce sujet au bail. Il existe trois situations où le loyer peut augmenter plus vite que l'indice IRL : la première, lorsqu'il y a une sous-évaluation manifeste par rapport aux prix du voisinage. En ce cas, l'augmentation doit être étalée sur 3 ou 6 ans selon les cas. Seconde exception, la réalisation de travaux sur les parties privatives ou communes pour une somme au moins égale à une année de loyer. Dans ce cas le montant du loyer peut être réévalué jusqu'à l'équivalent de 15% du coût TTC des travaux réalisés. Enfin, en cas de changement de locataire. Selon l'Observatoire Clameur, en cas de relocation, les loyers progressent de 4,5% en moyenne depuis 1998 (8,1% pour IDF) et l'on constate au niveau régional que l'importance du réajustement est en relation inverse avec le taux de mobilité résidentielle. En outre, le différentiel de loyer entre deux locataires va dépendre de la nature des travaux réalisés à cette occasion. Au final, on se retrouve avec des écarts qui peuvent être importants :

- Dans le cas d'une mobilité résidentielle faible, c'est le cas de Paris avec 30,1% des locataires qui restent plus de 5 ans, et une proportion élevée de relocations après travaux (26,8%) : la variation du loyer entre deux locataires est de +8,3%.

- Une mobilité résidentielle forte, c'est le cas de Lille avec 6,5% des locataires qui restent plus de 5 ans, et donc une proportion faible de relocations après travaux (13,2%) : la variation du loyer entre deux locataires de +0,9%.

Conséquence attendue du blocage des loyers à la relocation : que cela dissuade les propriétaires d'effectuer des travaux : "le risque est une dégradation du parc locatif privé" affirme Michel Mouillart, économiste, spécialiste de l'immobilier. Les représentants d'associations de locataires s'en défendent, affirmant que c'est une obligation pour les propriétaires.

Mais s'y ajoute les difficultés à récupérer un logement en cas d'impayés : "Au total, il faut compter au moins deux ans pour pouvoir se séparer d'un locataire, et à condition de s'occuper soi-même du problème de façon suivie et compétente" affirme Mourad Ghazli, propriétaire bailleur, auteur de Propriétaires, Locataires, même combat. "Et les choses qui étaient déjà difficiles se sont considérablement compliquées (…) Mais pendant les deux ou trois années, le propriétaire qui ne perçoit plus de revenus doit continuer à régler les taxes foncières et les charges de copropriété du locataire et du propriétaire." On est loin des 6 mois à 1 an que l'on observe sur le marché allemand.

[1] Source des informations : Concept Bau Munich