Réformes des retraites : Suède 4, France 0
La Suède a mis quinze ans pour réformer son système de retraite. En France, vingt-deux ans se sont écoulés depuis le rapport Rocard de 1991. Quatre réformes de nos systèmes de retraite ont été votées et appliquées en 1993, 2003, 2007, 2010. Même la cinquième en cours de discussion ne remplira encore aucun des quatre objectifs atteints par la Suède en 1999.
1. Un système en équilibre financier
Le système suédois, une forme de retraites par points, garantit son équilibre automatique, une fois décidé la part de la richesse nationale que les citoyens veulent consacrer aux retraites.
Le déficit récurrent et important des régimes de retraite français est le problème le moins contestable de notre système. D'autant plus que les taux de cotisation retraite et les prélèvements obligatoires français sont déjà beaucoup plus élevés que ceux des autres pays. La non-réforme française en préparation ne garantira pas l'équilibre financier des retraites ni à court ni à long terme.
2. Un système simple, économe et compréhensible
Le système suédois est le même pour tous les habitants de ce pays. Chaque année les actifs et les retraités reçoivent tous le même "Orange report" faisant le point sur le système global de retraite et une page faisant le point sur leur propre retraite.
Le système français va conserver sa trentaine de régimes différents fonctionnant selon des principes hétéroclites. Les actifs et retraités continueront à adhérer à quatre ou cinq régimes en moyenne, multipliant les coûts de gestion et rendant le système incompréhensible.
3. Un système équitable
Le système suédois étant le même pour tous garantit l'équité entre catégories sans contestation.
Les régimes français fonctionnant sur des règles différentes alimentent la suspicion entre Français. Souvent justifiée, par exemple la retraite de réversion qui est automatique pour les fonctionnaires et autres régimes spéciaux, alors qu'elle est sous condition de ressource sévère pour la retraite Sécurité Sociale. La nouvelle réforme ne corrige en rien ces inégalités.
4. Un système de financement de l'économie
Le système suédois a mis en place un régime complémentaire obligatoire par capitalisation pour environ 10% des cotisations. Plusieurs caisses homologuées gèrent ces fonds qui financent en même temps l'économie suédoise.
En France, l'absence de fonds de pension a conduit à la mise en place de fonds publics comme la BPI. Un système qui revient à remplacer les apports de la diversité par le monopole étatique d'un seul organisme, en plus inévitablement soumis à l'influence d'intérêts politiciens.
Conclusion
A l'occasion de la réforme de 2010, le Parlement s'était engagé à travailler en 2013 sur une réforme globale et structurelle du système. La CFDT en avait fait une condition de son soutien. Des experts (aussi bien Thomas Piketty que la Fondation iFRAP) l'avaient fortement soutenu. En ne changeant rien dans la structure du système de retraite français, la mini réforme de 2013 protège les intérêts de la clientèle électorale de la majorité (fonctions publiques, SNCF/EDF/RATP/Banque de France ….), ceux des parlementaires, ceux des gestionnaires des caisses de retraite (CNAV, CDC, Caisse Fonction publique, Caisses SNCF/RATP/EDF/GDF, ARRCO/AGIRC, IRCANTEC, MSA …) et des syndicats de salariés et patronaux.
Les gouvernements français n'ont pas eu le courage des gouvernements suédois. Faudra-t-il attendre une crise similaire à celle des pays du sud de l'Europe pour les contraindre ? Si nous devions en arriver là, les Français seraient fondés à s'indigner contre la lâcheté de leurs responsables politiques et syndicaux.