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La fin du Corps des Conservateurs des hypothèques

Voir l'annonce officielle d'Eric Woerth, Ministre du Budget

Une connaissance incontestable des droits de propriété est un élément essentiel de la démocratie et conditionne le développement économique [1].

Lire la version 2010 sur le
statut des Conservateurs
des hypothèques

Ce constat est partagé par l'ensemble des pays développés, mais les moyens que prend cette sécurisation varient considérablement suivant les cultures juridiques. En France, ainsi que dans les pays qui ont accueilli le code civil (Italie, France, Belgique) à l'issue des guerres napoléoniennes, c'est l'institution du conservateur des hypothèques qui s'est imposée. Cette institution s'opposait à la tenue simple du livre foncier mosellan (aujourd'hui informatisé par le Gilfam) à l'instigation du droit germanique, où la simple reconnaissance judiciaire des biens du système anglo-saxon (qui ne connaît pas non plus les notaires) par l'intermédiaire des sollicitors (les avocats locaux) [2].

La sécurité qu'apportent en France les conservations des hypothèques dans les transactions immobilières est donc essentielle et très peu contestée. Mais le parachutage à leur tête de Hauts Fonctionnaires à la veille de leur départ en retraite relevait d'une pratique anachronique, coûteuse et injuste pour les fonctionnaires qui font toute leur carrière dans les Conservations.

Le concept était de récompenser des hauts fonctionnaires en fin de carrière, par un poste peu prestigieux mais très bien rémunéré. Nommés en général deux ou trois ans avant leur départ, éventuellement dispensés de présence à leur poste, ils profitaient à vie d'une retraite calculée sur leur salaire des 6 derniers mois.

La crise actuelle souligne le ridicule de ce mode de gestion des ressources humaines. Le salaire des Conservateurs étant fonction des transactions immobilières, le Conservateur nommé, par exemple, dans une région comme la Côte d'Azur, pensait avoir touché le gros lot. En réalité, s'il part en retraite au moment où la crise fait baisser de 50% le nombre de transactions et les prix de 10%, ses espoirs seront très déçus. Une véritable loterie puisque son collègue parti au moment du boom immobilier avait vu son salaire et surtout sa retraite augmenter de façon toute aussi injustifiée.

La fin du Corps des Conservateurs des hypothèques créé sous Louis XV d'après d'Eric Woerth, est un petit pas, mais un symbole fort pour la réforme de la fonction publique.

Lire notre dossier sur les conservateurs des hypothèques

[1] On l'a vu en Russie à la fin du régime communiste, puis en Chine jusque dans les années 2000 (il faudra attendre 2007 pour qu'une loi sur le droit de propriété soit présentée au Conseil national populaire), et c'est toujours le cas dans certains pays en voie de développement, quand il y a des doutes sur la sécurisation des droits de propriété, les particuliers et les entreprises hésitent beaucoup à s'engager dans des contrats. C'est ce qu'a très bien su démontrer récemment Hernando de Soto dans un ouvrage désormais célèbre : « Le mystère du capital », Flammarion, Paris, 2007, 302 p., où il expliquait par l'inadaptation du système juridique de la propriété dans les pays du tiers monde, le paradoxe de la réussite du capitalisme dans les pays développés et son relatif échec dans les autres.

[2] Institution reposant également cependant sur un livre foncier, introduit par une loi de 1897 complétée par les lois de 1925 et 1939 conduisant à l'inscription de tous les titres de propriété et tous les droits réels avec description du bien foncier et des charges légales ou conventionnelles sans plus de précision en vertu du principe de « General Boundaries Rule ».