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Jours "enfant malade" dans le public : 500 millions d'euros d'économies par an en s'alignant sur le privé

Pour garder un enfant malade de moins de 16 ans, le code du Travail stipule que chaque salarié peut bénéficier de 3 jours de congés exceptionnels non rémunérés, 5 jours pour un enfant de moins d'un an. Certaines conventions collectives peuvent être plus généreuses mais ces jours restent toujours non rémunérés pour les salariés du secteur privé. Dans la fonction publique, le nombre de jour est de 6 par an et les jours sont rémunérés. Si l’on alignait la fonction publique sur le fait de ne pas rémunérer les jours enfants malades comme dans le privé, une économie d’environ 500 millions d’euros par an serait possible.

Les autorisations spéciales d’absence (ASA) permettent à l'agent titulaire ou contractuel, à temps complet ou temps partiel, de s'absenter de son poste de travail sans utiliser ses congés annuels. Elles sont accordées dans des situations précises, telles que le mariage d'un agent, le décès d'un parent proche ou la prise en charge d'un enfant malade. Nous allons nous concentrer sur ce dernier type de motif.

Dans la fonction publique

Dans la fonction publique d’Etat (utilisée comme référence par les deux autres fonctions publiques), le nombre de jours d’autorisation spéciale d’absence pour la garde d’un enfant malade de moins de 16 ans dépend de la situation des 2 parents :

  • Si les 2 parents travaillent dans la fonction publique : Les agents exerçant à temps complet bénéficient de 6 jours par an chacun pour un enfant malade de moins de 16 ans. Et si les autorisations d’absence ne sont pas fractionnées, chaque parent peut bénéficier de 8 jours, soit 16 jours pour les deux parents.
  • Pour les agents qui travaillent à temps partiel, le calcul du nombre de jours d’autorisation d’absence est le suivant : (1 fois le nombre de jours travaillés par semaine à temps plein + 1 jour) x (quotité de travail de l'agent).

Par exemple, pour un agent qui travaille à 50 % dans une administration où le nombre de jours travaillés par semaine à temps plein est de 5 jours, (5 + 1) x 50 % = 3 jours.

  • Si le conjoint de l’agent est en recherche d’emploi, le nombre de jours dont peut bénéficier l’agent est égal à = 2 fois le nombre de jours travaillés par semaine à temps plein + 2 jours (soit 12 jours si l’agent travaille 5 jours par semaine à temps plein).
  • Si le conjoint de l’agent ne bénéficie d’aucune absence rémunérée pour assurer momentanément la garde d’un enfant, alors l’agent a le droit à = 2 fois le nombre de jours travaillés par semaine à temps plein + 2 jours (soit 12 jours si l’agent travaille à temps plein).
  • Si le conjoint a moins de jours d’absence que l’agent, le calcul est le suivant : (nombre de jours travaillés par semaine x 2) + 2 jours - nombre d’autorisations d’absence du conjoint.

Exemple d’un agent qui travaille à temps plein avec un conjoint dans le privé qui bénéficie de 3 jours = 9 jours pour l’agent. 

  • Si le parent vit seul et travaille à temps plein, le nombre de jours d'autorisation d'absence qui peut être accordé par an est égal à 2 fois le nombre de jours travaillés par semaine + 2 jours.

Si l’agent travaille 5 jours par semaine, alors le nombre de jours d’absence est de 12 jours. 

Lorsque les autorisations d'absence ne sont pas fractionnées, leur nombre peut être porté à 15 jours.

  • Si le parent vit seul et travaille à temps partiel, le nombre de jours d'autorisation d'absence qui peut être accordé par an est égal à : (2 fois le nombre de jours travaillés par semaine à temps plein + 2 jours) x la quotité de travail de l’agent.

Par exemple, si l’agent travaille à 50 % dans une administration où le nombre de jours travaillés par semaine à temps plein est de 5 jours : 2 x 5 + 2 x 50 % = 6 jours d’absence. 

Lorsque les autorisations d'absence ne sont pas fractionnées, leur nombre est égal à 15 jours multipliés par la quotité de travail de l’agent.

  • Dans le cas des familles monoparentales : Les agents publics qui exercent seuls la garde de leurs enfants ont droit à 12 jours d’absence pour enfant malade s’ils travaillent à temps plein. Et si les autorisations d’absence ne sont pas fractionnées, cette durée s’allonge à 15 jours par an.

Dans le code du travail 

Il est inscrit dans le code du travail qu’un un salarié peut bénéficier d'un congé exceptionnel non rémunéré  pour garder momentanément  un enfant malade de moins de 16 ans dont il assume la charge. La durée de ce congé est de 3 jours par an. Elle est portée à 5 jours dans les cas suivants :

  • l'enfant est âgé de moins d'un an ;
  • le salarié assume la charge de 3 enfants ou plus, âgés de moins de 16 ans.

Dans les conventions collectives considérées comme « généreuses »

Les conventions collectives du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, de la pharmacie, du commerce de gros et des sociétés d’assurances offrent le même nombre de jours de congés exceptionnels que le code du travail, soit  :

  • 3 jours si l’enfant à moins de 16 ans ;
  • 5 jours si l’enfant à moins d’un an ; 
  • 5 jours si le salarié assume la charge de 3 enfants ou plus, âgés de moins de 16 ans. 

La convention collective de la métallurgie accorde aux salariés le même congé exceptionnel mais les salariés avec un an d'ancienneté percevront la moitié de leur rémunération dans la limite de 4 jours par an.

De même, la convention des transports routiers permet aux salariés du secteur d’être rémunéré les deux premiers jours du congé pour garde d’enfant malade.

Et la convention collective du personnel au sol des entreprises du transport aérien, qui est la plus généreuse sur le sujet des congés exceptionnels pour garde d’enfant malade propose le règlement suivant : 

  • Pour un enfant de moins de 16 ans : 4 jours rémunérés ; et 6 jours rémunérés dès le deuxième enfant ;
  • 4 jours rémunérés + 5 jours non rémunérés pour un enfant de moins d’un an ;

Rappel : sauf indication contraire écrite, les jours de congés exceptionnels pour garde d’enfant malade dans le privé ne sont pas rémunérés.

La proposition de la Fondation : supprimer la rémunération des ASA pour garde d’enfant malade dans la fonction publique

Les congés exceptionnels accordés pour motif de garde d’enfant malade ne sont pas rémunérés dans le privé, sauf exceptions dans quelques conventions collectives (partiellement et avec de nombreuses conditions). Tandis que dans la fonction publique, l’agent reçoit l’entièreté de son salaire durant la période d’absence. 

Sur la base de ce constat, nous proposons de supprimer la rémunération pour les jours d’ASA pris au motif de garde d’enfant malade. Cette mesure permettrait d’aligner les ASA pour garde d’enfant malade sur celles du privé (qui ne sont pas rémunérées) et économiser ainsi entre 412 et 515 millions selon nos estimations. 

Le chiffrage du coût total de la rémunération des ASA pour garde d’enfant se décline en deux scénarii : le premier dans lequel la part des ASA pour garde d’enfant malade dans le total des ASA prises est de 40% et le deuxième dans lequel cette part est de 50%.

Suivant ces hypothèses et en partant d’un nombre de jours d’ASA moyen de la FPT de 1,14 (extrait des rapports sociaux avant Covid dans la FPT*), nous obtenons un coût total annuel pour les trois fonctions publiques de : 

  • 515 millions dans le scénario de 50%
  • 412 millions dans le scénario de 40%

*nous appliquons la moyenne de la FPT à la FPE et la FPH.


Annexe 1 : méthodologie de l’estimation 

L’effectif de la FPT est de 1,94 millions d’agents. La moyenne d’ASA effective par agent est évaluée à 1,14 (rapports sociaux). Si on estime que la part des ASA pour garde d’enfant malade dans le total des ASA est de : 

  • 50%, alors la moyenne d’ASA pour garde d’enfant effective par agent est de 0,57. On cherche à estimer le coût total donc on multiplie ce chiffre par le nombre d’agents de la fonction publique et on obtient 1 105 800 jours d’ASA pour garde d’enfant dans la FPT. 

On cherche ensuite l’équivalent temps plein : on divise le nombre de jours total d’ASA pour garde d’enfant par 226 (nombre de jours travaillés) pour obtenir 4 892,9.

Sachant que le salaire brut mensuel en équivalent temps plein d’un agent de la FPT est de 2 513 euros (soit 30 156 euros annuel), alors le coût estimé des ASA pour garde d’enfant dans ce scénario est de 147 550 906 euros.

  • 40%, on reprend la même procédure en partant cette fois de 0,456 comme moyenne d’ASA pour garde d’enfant dans la FPT. 

La suite du calcul est la même. 

Le coût estimé des ASA pour garde d’enfant dans ce scénario est de 118 040 725 euros.

La même méthode de calcul est utilisée pour la FPE et la FPH.

On obtient alors 2 scénarii de coût total des ASA pour garde d’enfant malade :

  • Dans l’hypothèse que 50% des ASA effectives sont des ASA pour garde d’enfant malade : le coût total estimé est de 514 861 933 euros. 
  • Dans l’hypothèse que 40% des ASA effectives sont des ASA pour garde d’enfant malade : le coût total estimé est de 411 889 546 euros.

La même méthodologie est utilisée pour ce scénario.


Annexe 2 : d’autres problèmes récurrents relevés par la chambre sur les ASA accordées par  les communes

Un problème fréquemment mentionné dans les rapports est l'absence de clarification précise dans la loi, ce qui permet aux communes de décider du nombre d'ASA autorisés pour chaque motif. Ainsi, les communes accordent presque systématiquement plus de jours que ce qui est fixé dans la fonction publique d’Etat, ce qui contraire au principe de parité et doit être régularisé. 

Le système d’ASA des communes est aussi plus généreux sur d’autres aspects :

  • certaines communes permettent aux agents ayant reçu la médaille d’honneur du travail (fondée sur des critères d’ancienneté) de bénéficier de plus de 10 jours de congés supplémentaires rémunérés.
  • De même, plusieurs rapports soulignent que « des agents municipaux peuvent bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence sous la forme du congé préretraite. Pour bénéficier de cette absence, l’agent doit avoir exercé au moins 5 ans au sein du service public. La durée du congé est fixée à 1 mois pour les agents faisant état de 5 à 10 ans de service public. La durée est étendue à 2 mois entre 10 et 20 ans de service et à 3 mois au-delà de 20 ans de service. » Et le rapport conclut : « l’octroi d’une autorisation d’absence de plusieurs mois au titre du départ à la retraite est irrégulier et devra être régularisé ».

Ces 2 dispositifs sont spécifiques à certaines communes, et aucune autorisation comparable n’est prévue pour les agents de la fonction publique d’Etat. 

Dans le même type, le rapport de la chambre des comptes évoque des exceptions assez étonnantes, notamment dans la commune de Champigny sur Marne où « une journée est accordée aux femmes (journée fête des mères), ce qui contrevient au principe d’égalité de traitement entre les agents. L’application de ce seul critère discriminant coûte un peu plus de 137 000 € à la commune chaque année ».


Annexe 3 : exemples tirés des rapports régionaux de la Cour des Comptes

Voici quelques exemples des jours d’ASA pris dans certaines communes, publiés dans les rapports régionaux de la Cour des comptes.

La moyenne de la part des gardes d’enfant sur cette période est de 55,2% de l’ensemble des ASA prises dans la commune de Joinville-le-Pont.

De même, la Chambre des comptes souligne pour la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois qu’en 2019, le nombre d’ASA accordées pour motif de garde d’enfant malade était de 364,5 sur 536 ASA au total, soit 68%.