UK : des agences publiques plus chères, mais moins redondantes qu'en France

On parle beaucoup des quelque 1100 agences de l'État ( opérateurs et ODAC). Ces agences de l'État représentent en France une dépense totale d'environ 137 milliards d'euros par an. La Fondation IFRAP a voulu comparer ces données avec les données du Royaume-Uni. Il ressort de cette comparaison que le Royaume-Uni compte 560 agences au sens large (quangos), dont 304 Arm's length Bodies dont le budget est estimé à 391 Md€. Deux fois et demi plus de budget qu'en France. Moins d'opérateurs et plus de dépenses d'opérateurs, mais des ministères et des agences qui ne sont pas en concurrence sur les mêmes missions. Voilà les enseignements de cette première comparaison alors que le Cabinet du Premier ministre Keir Starmer veut encore les réduire. Le gouvernement britannique vient en effet de lancer une mission d'audit exhaustive de l'ensemble des Quangos avec pour objectif de supprimer et de réinternaliser les compétences de près de 300 agences au sein de leurs ministères de tutelle.
Le nombre des ODAC en France représente près de 701 entités au sens de la liste (2022) établie par l’INSEE. Par ailleurs, en appui du débat budgétaire, 434 opérateurs de l’État sont aujourd’hui recensés dans une annexe budgétaire spécifique. Les deux catégories se recoupent partiellement entre elles avec 362 opérateurs qui sont également des ODAC, et donc 72 opérateurs considérés hors champ ODAC ainsi que 339 ODAC ne considérés comme opérateurs. Rappelons qu’en comptabilité nationale seule compte la catégorie ODAC, mais que dans le cadre du début budgétaire en France seule la catégorie des opérateurs est analysée… Qu’en est-il dans les autres pays européens ? Dispose-t-on d’entités analogues qui ne constituent pas une catégorie suivie ni par Eurostat ni par l’OCDE ? Nous fournissons à ce titre quelques éléments statistiques permettant de nous situer par rapport à certains de nos partenaires européens en la matière.
Notre première comparaison se fera avec les ALBs britanniques et plus généralement la catégorie des Quangos. Il apparaît que leurs nombres sont significativement plus faibles qu’en France (-14% à 60% environ) sur ces deux ensembles, mais que les financements qui transitent par eux sont près de 2,8 fois plus importants.
Au Royaume-Uni, la catégorie des Arm’s length public bodies (ALBs), soit 304 entités :
L’organisation administrative au Royaume-Uni est complexe lorsque l’on tente de saisir le nombre des Agences. La répartition est cependant la suivante[1] (2022/2023) :

Le Gouvernement britannique identifie 304 « Arm Length Bodies » car ils constituent des entités autonomes, mais généralement soumises à une tutelle ministérielle précise. Ils comprennent également des autorités administratives ou publiques indépendantes chargées de réguler les politiques publiques[2]. Ils sont constitués de 20 départements ministériels, de 38 Agences exécutives et de 246 entités non publiques (Non Public Bodies)[3]. Les 304 ALBs emploient 390.808 agents (ETP), reçoivent des financements budgétaires en 2022/2023 de 402,3 Md€ (353,3 Md£) et redistribuent près de 268,7 Md€ (236 Md£) pour un total de dépenses de 391,1 Md€ (343,5 Md£). À noter que le NHS (National Health Service) est considéré au Royaume-Uni comme une agence de l’État, et pèse pour près de 181,4 Md€ (159,3 Md£) dans l’ensemble des financements publics de ces entités, soit près de 45,1% de l’ensemble.
La répartition exacte de ces entités est la suivante :

On constatera que les ALB britanniques disposent comme les opérateurs de l’État en France de ressources propres en dehors des financements publics. Ces ressources (tarifaires, commerciales) représentent 2,75% du total de leurs budgets. Les financements sont également très concentrés, puisque les 20 premiers ALB représentent déjà 97% des financements gouvernementaux alloués[4].

À noter que près de 110 ALBs en 2023 ne reçoivent aucun financement public direct du Gouvernement. Ils disposent donc de ressources propres « autres » qui contribuent au financement de leurs activités de service public.
Une évolution dans le temps en deux phases : décroissance puis croissance modérée :
En 2010 le gouvernement de David Cameron lance l’initiative « bonfire of the quangos » pour (quasi-autonomous non-gouvernemental organisations). Cette initiative se traduit par une baisse du nombre de ces entités de 901 en 2010 à 474 en 2015[5]. Notamment au travers de la suppression sèche de 190 d’entre eux, et la fusion de 165 autres dans seulement 70 entités. Attention toutefois, la notion de Quangos est plus large que celle d’ALBs. À la clé, une réduction des dépenses de ces entités de près de 1 milliard de livres/an et une réduction des transferts publics à ces entités cumulées de près de 3 milliards de livres net des coûts de réforme qui ont avoisiné les 506 millions de livres sur 5 ans.
Sources : UK Parliament et ICAEW.
En effet, les ALB sont inclus dans le périmètre des Quangos qui ne constitue pas une catégorie juridiquement définie. Elle regroupe ainsi les départements ministériels, les départements non ministériels, les agences et autres entités publiques, les High Profil groups (entités de haut niveau) et les entreprises publiques. On constate cependant depuis 2015 un mouvement de nouveau à la hausse des structures publiques, le nombre de quangos augmentant de près de 27% en 10 ans[6].

S’agissant de la seule catégorie des ALBs, le NAO dans une note de 2021[7] pointe une réduction en apparence de 463 ALBs à 295 ALBs entre 2016 et 2019, soit une baisse de 36,3%. En réalité, cette baisse « est en grande partie produite par la reclassification d’entités et ne reflète pas une vraie réduction du nombre d’agences au sein du Gouvernement. » Ainsi les contours des ALBs sont-ils mouvants, suivant les classifications utilisées. Ces constats sont bien documentés par les rapports annuels consacrés aux ALBs[8] :
Source : Cabinet Office, 2016-2023, NAO (2021). Calculs, Fondation iFRAP avril 2025.
Cela redonne en quelque sorte une certaine pertinence au périmètre des Quangos dont les contours permettent ainsi de « neutraliser » les changements de périmètres intervenus au sein des ALBs.
Comparaisons avec les opérateurs et ODAC en France :
Si l’on cherche à mettre en regard le nombre d’agences centrales (ODAC/Opérateurs) de l’État en France est leurs homologues britanniques, il faut retenir la norme des ALBs, même si celle-ci n’est pas parfaite. On l’a dit plus haut qu’elle comporte en particulier le NHS, soit l’équivalent du système de santé publique britannique. Du côté français on y trouve les universités, ce qui conduit également à déformer la focale. En retenant l’année 2023. Les comparaisons sont les suivantes :

Le nombre d’agences centrales en France est en moyenne supérieure de 25% à 42% par rapport à son homologue britannique, suivant que l’on retient une comparaison entre les opérateurs et les ALBs ou entre les ODAC et une fraction non gouvernementale des Quangos[9].
S’agissant des financements, les comparaisons disponibles, la comparaison des financements de l’État entre les Opérateurs et les ALBs montre que les « agences britanniques » sont beaucoup plus massives. Elles portent près de 60% des dépenses publiques centrales (455 milliards de livres[10]), soit environ 13,7 points de PIB. En comparaison, les Agences françaises ont un rôle beaucoup plus modeste, ne pesant que 4,33% du PIB net des flux entre administrations (ODAC) et seulement 2,56% du PIB pour les financements de l’État accordés aux opérateurs :

[1]https://www.gov.uk/government/organisations
[2] On doit donc y ajouter nos propres AAI (17) et API (7).
[3]https://co-public-bodies.github.io/ALB_Landscape_Analysis_2022_23/. Ces deux dernières catégories appartenant à la catégorie des Agences et autres entités publiques.
[4] Les 10 plus importants représentent déjà 92,4% des financements gouvernementaux.
[5] Voir https://questions-statements.parliament.uk/written-questions/detail/2023-06-02/187034, ainsi que le rapport du Cabinet Office, Public Bodies 2015, https://assets.publishing.service.gov.uk/media/5a7f97a140f0b623026906a1/Public_Bodies_2015_Web_9_Mar_2016.pdf
[6] https://www.icaew.com/insights/viewpoints-on-the-news/2025/mar-2025/chart-of-the-week-quangos
[7] NAO, Central Oversight of Arm’s-length public bodies, juin 2021, https://www.nao.org.uk/wp-content/uploads/2021/06/Central-oversight-of-Arms-length-bodies.pdf
[8] Voir en particulier Public Bodies 2015 … 2017, Public Bodies 2018-2019, Public Bodies 2020, puis 2023 https://www.gov.uk/government/collections/public-bodies
[9] https://www.instituteforgovernment.org.uk/publication/abolish-public-bodies
[10] Amy Borrett, Peter Foster, The UK’s quango State, Financial Time, 19 mars 2025 https://www.ft.com/content/bc26ba21-3b7e-4dc4-b45f-d520f5d8164f