Agences publiques : l'exemple des Pays-Bas

Aux Pays-Bas, il existe trois types d’agences de l’État que l’on peut classer comme suit : les Agentschappen – littéralement les « agences », qui font officiellement partie d’un ministère, mais « effectuent des tâches de manière indépendante » et disposent de leur propre comptabilité. On pourrait les assimiler en France à des services à compétence nationale (30 agences en 2023). S’y ajoutent les ZBO's (Zelfstandige bestuursorganen), que l’on peut qualifier d’autorités administratives indépendantes, mais qui s’assimilent plutôt financièrement à nos opérateurs : « les ZBO's ne font pas partie d’un ministère (…) [disposent] souvent de leur propre personnalité juridique et sont plus distants de ces derniers. Les ZBO's exercent leur autorité publique de manière indépendante, mais collaborent avec les ministères ». On en dénombre 77 en 2023. Mais il existe également les RWT (Rechtsvorm met een Wettelijke Taak) : des entités juridiques avec une mission légale. Ces entités, où l’on retrouve des musées, des fondations publiques, etc., disposent d’un statut juridique à part leur permettant d’exercer des activités commerciales, et sont au nombre de 135 en 2023. On ne dispose toutefois pas d’une consolidation de leurs comptes séparée des ZBO's au sein des comptes des ministères. Le suivi des « agences » aux Pays-Bas semble assez désordonné et leur nombre, bien que réduit par rapport à la France, montre beaucoup d’instabilité, que ce soit dans la progression des effectifs ou dans leurs budgets (effets de périmètre). Cependant, leur nombre, beaucoup plus réduit qu’en France ou au Royaume-Uni (107 en 2023), bien qu’avec un poids comparable à celui de notre voisin anglais (10,4 % du PIB et 16,5 % des emplois non locaux), montre une meilleure rationalisation des tâches qu’en France, où l’émiettement semble plus important.
Le poids des « agences ministérielles » est en baisse depuis 10 ans malgré la hausse de leurs effectifs :
Les Agentschappen s’apparentent à des services à compétence nationale au sens de l’organisation administrative française. Ils font partie intégrante des ministères aux côtés des autres services. Au nombre de 30 agences en 2023, elles emploient près de 60 283 agents.

Comme on peut le voir entre 2011 et 2023, le nombre d’agences a été réduit de 30,2 %, tandis que les effectifs exprimés en ETP (équivalents temps plein) ont augmenté de 8,8 %. Les augmentations sont cependant plus vives encore si l’on prend pour origine le point bas des effectifs de 2013 (48 369 ETP). La progression est alors de près de 24,6 % entre 2013 et 2023, soit en 10 ans.
Entre 2011 et 2023, les dépenses de ces entités sont passées de 10,7 milliards d’euros à 13 milliards d’euros (+21,5 % en valeur), tandis que leurs recettes ont augmenté de +42 %, passant de 10,7 Md€ à 15,2 Md€. Leur contribution au solde public est positive, avec un bénéfice affiché de +2,25 Md€.

En revanche, en volume, le poids des « agences » ministérielles n’a cessé de se réduire, passant de 1,6 % du PIB en recettes et dépenses, à seulement 1,2 % en dépenses et à 1,4 % en recettes. Leur coût est donc bien maîtrisé.
Source : Rijkfinancien (ministère des Finances) et Ameco database (avril 2025)
Les « autorités administratives autonomes » ou opérateurs (ZBO) :
S’agissant des ZBO's, leur nombre a augmenté, passant de 60 à près de 77 entre 2014 et 2023, soit une augmentation de +28,3 % sur la période. Par ailleurs, le volume de leurs effectifs progresse également fortement, si l’on excepte 2018, où un effet de périmètre avait inclus certains effectifs de la police nationale hollandaise en leur sein. Exprimés en ETP, les effectifs des ZBO's doublent quasiment sur la période, avec +31 796 ETP (+85,4 %). Le ratio ZBO's/ETP passe ainsi de 620,6 ETP/ZBO à 896,5 ETP/ZBO's.

Ce que révèlent les documents budgétaires, c’est que le périmètre des ZBO, contrairement aux «agences ministérielles», n’est pas du tout stabilisé, comme c’est le cas en France au sein des « opérateurs ». On assiste ainsi à des entrées et des sorties quasiment chaque année, et dans des proportions importantes. Les flux entrants et sortants tentent cependant de se stabiliser progressivement entre 2014 et 2023. Il en résulte toutefois qu’il est difficile de suivre les évolutions des effectifs entité par entité dans la durée.
Source : Rijkfinancien (ministère des Finances), open data set, 2024.
On peut toutefois tenter de regrouper par ministère les ZBO et ainsi donner un ordre de grandeur des évolutions des effectifs. Sur un périmètre comparable entre 2021 et 2023 (donc légèrement plus étroit que celui mentionné plus haut), les variations sont les suivantes :

Les « opérateurs » qui voient leurs effectifs croître le plus sont ceux associés au ministère des Sports et de la Vie associative (+24,6 %), suivis par celui de la Justice et de la Sécurité (+18,4 %), des Affaires économiques (+13,1 %) et des Infrastructures et de l'Eau (digues et polders ; +11,3 %).
S’agissant maintenant de leurs finances, il apparaît que les effets de périmètre rétroagissent sur leur volume budgétaire :
Source : Rijkfinancien (ministère des Finances),
En 2023, les recettes issues des financements publics ont représenté 100,9 Mds€. Si l’on ajoute leurs recettes propres, on atteint 104,2 Md€. Les dépenses totales s’élèvent à 97,8 Md€, d’où un solde des ZBO's de +6,4 Md€. Cependant, les budgets ont beaucoup varié, avec une aberration de périmètre en 2019 que nous avons corrigée, sans conséquence pour la suite. En % du PIB, les dépenses des ZBO's représentent ainsi 9,2 % du PIB.
Quel volume des agences en Hollande (Agentschappen et ZBO’s) dans le PIB :
Si maintenant on associe l’ensemble des budgets des différentes entités intra et extra-ministérielles, hors entreprises publiques ou incorporées comme telles (RWT), pour lesquelles les volumes financiers ne sont pas connus, les effectifs employés représentaient 16,5 % de l’emploi public (ETP) non local (hors communes et régions) en 2021 (dernière année où l’ensemble des éléments est connu[3]). Un volume quasi constant depuis 3 ans.

Par ailleurs, s’agissant des dépenses de ces « agences », cela représenterait 10,4 % du PIB en 2023 contre 15,4 % du PIB en 2022. Il faut noter que parmi les ZBO's, on comptabilise les opérateurs du ministère des Affaires sociales et de l’Emploi (SZW), qui gèrent directement les prestations sociales, telles que la SVB ou Banque des assurances sociales en charge du système de retraite par répartition (compartiment AOW), mais aussi les allocations familiales (AKW) et les pensions de réversion (ANW). Par ailleurs, le ministère dispose de la tutelle sur l’UWV (institution de gestion des assurances pour les travailleurs salariés) qui gère les WW (allocations chômage), les ZW (indemnités maladie des salariés sans employeurs) et les WIA (prestations d’incapacité de travail pour les personnes ne pouvant plus travailler à temps plein en raison de problèmes de santé après 2 ans d’arrêt de travail). Le ministère définit les politiques et les deux opérateurs sont des agences d’exécution. Cela explique l’importance des budgets consacrés aux ZBO's. Car une grande partie de la Sécurité sociale s’y trouve (hors capitalisation). Le poids des agences en Hollande est donc comparable à celui du Royaume-Uni, soit plus de deux fois plus important que leurs homologues françaises.
[1] https://www.rijksfinancien.nl/overzicht-datasets
[2] op.cit, note précédente.
[3] Consulter, https://www.kennisvandeoverheid.nl/cijfers-overheidspersoneel/documenten/rapporten/2022/10/01/trends--cijfers-2022, et en particulier, p.4.