Que fait le FMI en Grèce ?
La Grèce a emprunté 110 milliards d'euros pour les 3 années à venir, dont 80 milliards d'euros en provenance des pays de la zone euro et 30 milliards d'euros du FMI (Fonds Monétaire International) en promettant un plan d'austérité. Dominique Strauss Kahn, directeur du FMI, a récemment dit au sujet des Grecs [1] : "La réalité, c'est que ces gens-là, ils sont dans la merde. Et y sont gravement. Ils ont beaucoup bricolé, ils savent très bien qu'ils ne paient pas d'impôts, que c'est un sport national de ne pas payer d'impôts en Grèce, que ça truande un maximum." Une phrase qui a provoqué un tollé en Grèce où les efforts demandés par le FMI sont considérables…
Sous la pression de l'UE, l'État grec a pris de nombreuses mesures pour calmer les marchés et réduire les coûts d'emprunt. Les mesures d'austérité prises dès le mois de mars 2010 sont les suivantes :
Suppression des cadeaux de Noël et de Pâques pour les fonctionnaires et les employés des entreprises publiques et réduction de 15% des primes pour les fonctionnaires.
Diminution des salaires de 7% à 8% en moyenne dans l'ensemble du secteur public, par le biais d'une réduction des primes, du 13ème et 14ème mois de salaire, et le gel des retraites (ou même réduction pour les retraités PPC (Public Power Corporation) et OTE (Organisation hellénique des télécommunications)).
Mise en place d'un taux d'imposition de 45% pour les revenus de plus de 100.000 euros.
Augmentation des impôts indirects (TVA passée de 19% à 23% et introduction de taxes spéciales sur les combustibles, l'alcool et le tabac), imposition d'une taxe spéciale et augmentation de 11% à 13% du taux inférieur de la TVA (ceci concerne les biens de grande consommation quotidienne, l'électricité, l'eau, etc.) En revanche, réduction des impôts sur les sociétés.
Afin d'avoir une meilleure image des chiffres donnés, il faut noter que 6 retraités sur 10 reçoivent une pension de moins de 600 euros par mois, 50% des employés dans le secteur privé gagnent moins de 1090 euros par mois (données IKA – Institut d'Assurances sociales) quand le salaire mensuel moyen des fonctionnaires ne dépasse pas les 1.350 euros. Selon les estimations d'ADEDY (la Confédération des Syndicats des Fonctionnaires publics) en 2010 la réduction des primes des fonctionnaires sera de l'ordre de 150 à 800 euros par mois, c'est-à-dire de 30% de leur salaire. Le pourcentage de propriétaires en Grèce est, certes, de 77% [2] mais la parité de pouvoir d'achat en Grèce est de 0,94 et en France de 1,16 [3] (où 58% sont des propriétaires) ! Le directeur scientifique de l'Institut du Travail GSEE/ADEDY, Savas Robolis, observe qu'ils ont épuisé les possibilités de nouvelles réductions de salaire, en soulignant que l'inflation en Grèce est à 2,6% et de seulement 0,9% dans la zone euro. Selon Monsieur Robolis, cela aurait des effets négatifs sur la reprise de l'économie grecque et la sortie de crise, car il y aurait une réduction supplémentaire de la demande et de la consommation.
Au mois d'avril 2010, le gouvernement a annoncé le recours du pays au mécanisme de sauvetage de l'UE et du FMI. En mai 2010, de nombreuses mesures ont été prises pour une durée de trois ans :
Des nouvelles mesures bouleversent le droit du travail au point qu'à court terme, les contrats de travail individualisés, non régis par les conventions collectives, risquent de devenir dominants sur le marché.
Gel des salaires publics pendant trois ans.
Prélèvement spécial sur les entreprises pendant trois ans.
Nouveau système de sécurité sociale, où les pensions doivent être réduites puis gelées dans le secteur public. Abrogation des 13ème et 14ème mois de pension pour les retraités qui sont âgés de moins de 60 ans, quel que soit le montant de leur pension. Imposition d'un plafond des dépenses consacrées aux retraites, dépenses qui ne doivent plus dépasser l'équivalent de 2,5% du PNB.
Assouplissement des conditions de licenciement et réduction des indemnisations.
Augmentation du taux de TVA pour des centaines de produits (dont alimentaires) qui passent du taux réduit au taux maximum.
Juillet 2010 :
Réforme des retraites : vote de la nouvelle loi concernant la sécurité sociale, c'est-à-dire réduction des pensions de retraite et report de l'âge de la retraite dans le secteur public à 65 ans. L'âge légal de départ à la retraite est augmenté, le nombre d'annuités pour avoir droit à une retraite pleine est reporté de 37 ans à 40 ans en 2015 et son montant calculé sur le salaire moyen de la totalité des années travaillées et non plus sur le dernier salaire.
Nouvelle convention collective nationale du travail, qui ne prévoit aucune augmentation des salaires des agents publics et de certaines entreprises privées pour l'année 2010, et une augmentation de 1,5% le 1er Juillet 2011 et de 1,7% le 1er Juillet 2012.
Août 2010 :
Le gouvernement a commencé de traiter la problématique de la privatisation des sociétés publiques et la vente d'actions.
Septembre 2010 :
Ouverture à la concurrence les professions fermées (environ 350 professions concernées, comme les chauffeurs de camions et de taxis par exemple).
Octobre 2010 :
Projet de loi pour des changements radicaux dans l'OSE (la société publique correspondant à la SNCF en France), qui servira d'exemple aux changements dans d'autres services publics, afin de combler leur déficit.
Diminution des effectifs (2.350 employés concernés, sur un total de 6.300) et suppression des rémunérations supplémentaires, comme les heures supplémentaires et les heures travaillées loin de leur domicile (mobilité). Modification des conventions de travail, en remplacement du Règlement général du personnel. Ouverture de l'entreprise au privé.
Novembre 2010 :
Visite du FMI en Grèce, qui remarque que le programme d'assainissement budgétaire progresse bien en général, mais qu'il faudra d'autres changements structurels dans la santé et les services publics, ainsi que dans la perception des recettes fiscales.
Décembre 2010 :
Vote du projet de loi, qui prévoit, entre autres, des changements dans les relations industrielles et des réductions de salaire dans les entreprises publiques.
Mis à part le secteur privé, changements importants dans plus de 100 entreprises du secteur public, celles dont les pertes sont les plus importantes et auxquelles on a demandé de réduire les salaires de leurs employés (jusqu'à 25% des salaires !).
Jusqu'à la fin de l'année 2011, selon le FMI, pour atteindre les objectifs de la saison 2012-2014, il faut encore prendre les mesures suivantes :
Élargissement de l'assiette fiscale pour les entreprises en réduisant les taux d'amortissements et d'exonérations fiscales ainsi que l'application de règles plus strictes sur les prix intra-groupe (fin Juin).
Limitation des allégements et des exonérations fiscales pour les particuliers et « rationalisation » de l'imposition du capital, avec tout ce que cela implique (Juin).
Révision de la tarification des services publics (en Juin et jusqu'à la fin de l'année pour les organisations, sauf pour le gouvernement central)
Réduction des primes pour les ménages vivant au-dessus du seuil de pauvreté, mais sans avoir communiqué ce seuil (concernera le budget de 2012).
Coupes budgétaires concernant les augmentations et promotions au sein du secteur public, baisse des contrats en CDD, et 8 heures de travail pour tous les employés (jusqu'à Juin).
Diminution des dépenses militaires de 3,6% à 1% du PIB (sans précision de la période).
Côté recettes fiscales, les mesures sont les suivantes :
Contrôle strict des 1.200 contribuables ayant les revenus les plus élevés, de ceux jouissant de grandes fortunes et des travailleurs indépendants.
Évaluation des contrôleurs gouvernementaux sur leur capacité à atteindre les objectifs de recettes fiscales supplémentaires.
Il y a un mois que le FMI et le personnel financier du gouvernement grec ont annoncé que l'objectif numéro 1 de la privatisation était que les recettes totales augmentent de 50 milliards d'euros sur la période 2011-2015, dont 15 milliards d'ici à 2012. Selon le FMI, ces dernières mesures sont nécessaires pour lutter contre les retards qui peuvent survenir pendant les restructurations, et permettre ainsi au pays d'aller vers l'ouverture à la concurrence :
Privatisation des sociétés publiques et vente d'actions. Cela concerne la vente du paquet majoritaire ou minoritaire d'actions (comme les banques, OTE, PPC, OPAP, DEPA, Hellenic Petroleum, EYDAP, EYATH, TRAINOSE, TT) avec des accords stratégiques considérant même le transfert du management (comme dans le cas de l'OTE). Privatisation des ports, des aéroports, des chemins de fer, de la distribution de l'eau et de l'électricité, du secteur financier et du foncier appartenant à l'Etat.
Concession de cinq des plus grands ports de la Grèce (Thessalonique, Patras, Igoumenitsa, Volos et Alexandroupolis) au secteur privé. La création de sociétés où l'utilisation de ressources publiques (comme le spectre des fréquences pour la fourniture des licences de téléphone mobile) sont des « options supplémentaires » d'ores et déjà envisagées.
Titrisation des futures recettes des loteries d'État.
Vente des bâtiments publics. Gain espéré : 50 milliards d'euros.
Lire la suite de cette note sur la situation économique de la Grèce.
[1] Le 13 mars 2011 Canal+.
[3] http://appsso.eurostat.ec.europa.eu…