Mesures d'austérité pour des plans de rigueur en Europe
Dans toute l'Europe, les plans de rigueur sont affichés avec, dans la plupart des pays, des objectifs concrets. Les mesures d'austérité et les coupes budgétaires ou les recettes supplémentaires sont mises en face. Seule la France table sur une croissance lui permettant de remplir les caisses et d'éviter de réduire drastiquement les dépenses de personnels tout en pratiquant des économies budgétaires modérées.
Les agences de notation relèvent pourtant avec justesse que la France table sur un taux de croissance surévalué et que le haut niveau de taxation actuel rend difficiles de futures hausses d'impôts. Or la stratégie française semble relativement isolée par rapport à celles développées par nos principaux voisins européens… En effet la France est le seul pays dont l'effort porté sur les dépenses ne représente que 45% du plan de rigueur lui-même, les pouvoirs publics misant sur un effet recette à hauteur de 55% de celui-ci. On notera que dans le même temps les pouvoirs publics affirment qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts !
Tour d'Europe des mesures des différents plans de rigueur.
Allemagne : plan de rigueur de 86 milliards d'euros sur 4 ans : basé essentiellement sur les dépenses
2010 Déficit : – 6% du PIB soit 146 milliards d'€ ; objectif équilibre à partir de 2014
Côté dépenses :
Salaires des ministres non réévalués depuis 2002 et gelés en 2011
Gel des salaires des fonctionnaires.
15.000 emplois disparaîtront dans la fonction publique d'ici à 2014
Suppression de 40.000 soldats à l'étude
Coupes dans les aides sociales (baisse de l'indemnisation des chômeurs de longue durée)
Côté recettes :
Etablissement d'une nouvelle taxe sur les opérateurs des réacteurs nucléaires
Taxe spéciale sur les billets d'avion au départ de l'Allemagne
Taxe spéciale envisagée sur les banques (1,2 milliard d'€/an)
Distribution accrue de dividendes pour l'Etat fédéral actionnaire de la Deutsche Bank
Grande-Bretagne : budget d'urgence de 84 milliards de livres de dépenses en moins en 5 ans : la part belle est faite aux coupes budgétaires
186 milliards d'euros de déficit / 11,2% du PIB pour arriver à 1,1% du PIB en 2015
Côté dépenses :
Diminution de 5% des salaires des ministres
Voiture de fonction personnelle avec chauffeur attribuée jusque-là aux principaux ministres doit être supprimée. Plus largement des économies dans les frais de déplacements des ministères (2 milliards £) vont être entamées.
Coupes dans les allocations sociales (gel des allocations sociales à l'enfance, aides aux logements et aides aux personnes handicapées)
Mesures attendues pour la fonction publique (notamment réduction drastique des opérateurs de l'Etat (les quangos) et leurs emplois gelés.
Réduction de 25% des dépenses des ministères à l'exception des missions « sanctuarisées » : Santé, Eduction, Défense [1]
Côté recettes :
Une hausse de la TVA attendue de 17,5%, à 20% (recettes escomptées : 13 milliards de livres par an)
Relèvement de la taxe sur les plus-values de capitaux (de 18 à 28%, plus modérée qu'escomptée)
Taxe bancaire de 2 milliards £ [2] mais qui devrait compenser une hausse du barème de l'IR pour en exclure les revenus les plus modestes (880 000 contribuables) qui passerait à 7 475 £/an.
Augmentation du barème des cotisations employeurs (Employer national insurance) de 21£/semaine.
Réforme attendue de l'impôt sur le revenu avec un taux marginal à 50%
Baisse de l'IS à 24% en quatre ans (-1%/an)
Les taxes supplémentaires ne représentent que 23% du plan de rigueur alors que la diminution des dépenses représente 77%. Les hausses de taxes sont rendues possibles par un taux de prélèvements obligatoires bas de 38,4% du PIB en 2008 (France : 42,8% du PIB). Ce qui laisse des marges de manœuvre.
Italie : Un plan de 24 milliards d'euros sur deux années
Déficit : 4,6% du PIB anticipé pour 2010 après 5,3% en 2009, devrait parvenir à atteindre 2,7% en 2012
Côté dépenses :
Gel pendant trois ans des salaires des fonctionnaires
Salaire des ministres réduit de 10% pour la partie dépassant 80.000 euros par an
Le traitement des fonctionnaires qui touchent entre 90 000 et 130 000 € annuels devrait diminuer de 5%
Le parc automobile, mis à la disposition des hommes politiques et institutionnels, réduit de 20%.
Subventions aux partis politiques divisées par deux
Importante diminution des subventions de l'Etat aux collectivités locales
Côté recettes :
Renforcement de la lutte contre l'évasion fiscale
Augmentation de la fiscalité sur les stock-options et sur les bonus des hauts dirigeants d'entreprises privées qui pourrait atteindre près de 10%
Espagne : une manœuvre en deux temps : 50 milliards d'€ en 3 ans renforcé par 15 milliards d'€ supplémentaires en 2 ans
Déficit en 2010 :11 ,2% du PIB vise a atteindre un déficit de 3% du PIB en 2013
Les deux programmes annoncés se répartissent comme suit : 50 milliards d'€ de coupes budgétaires sur 3 ans, répartis en 40 milliards au niveau national et 10 milliards au niveau local. Puis un plan additionnel avec 10 milliards d'€ la première année et 5 milliards d'€ la seconde.
Dans le détail :
Baisse de rémunération de l'ordre de 15% pour les ministres
Baisse des salaires des secrétaires d'Etat de 10%.
Baisse des salaires des fonctionnaires de 5% en moyenne en 2010 puis gel en 2011
Gel des retraites en 2011
Réduction de 600 millions d'€ de l'aide au développement
Prime à la naissance de 2 500 € sera supprimée.
Réduction des investissements publics de 6,042 milliards d'€ d'ici 2011
Réduction des dépenses des collectivités locales (régions et municipalités) de 1,2 milliard d'€
Suppression de la revalorisation automatique des retraites
Gel des embauches dans la fonction publique
Baisse des indemnités de licenciement
Report de l'âge légal de la retraite de 65 à 67 ans
Côté recettes :
Augmentation de la TVA de 2% qui va passer de 16 à 18%
France : un plan encore flou sur les économies possibles (95 à 100 milliards d'€ à trouver en 3 ans, dont 45 milliards de diminutions de dépenses et 55 milliards de recettes supplémentaires)
119 milliards d'euros de déficit / 8% du PIB vise à atteindre un déficit de 3% du PIB en 2013
Côté dépenses :
Gel des dépenses de l'Etat en valeur (hors service des pensions, revalorisation des traitements et intérêts d'emprunts d'Etat)
Gel des transferts aux collectivités en valeur
Non remplacement d'un fonctionnaire de l'Etat sur deux partant en retraite (34 000 fonctionnaires pour un coût net (hors reversement de 50% des économies réalisées) de 500 millions d'€/an)
Baisse des effectifs des opérateurs de l'Etat de 1,5% par an
5% de baisse du train de vie de l'Etat (fournitures, achats, dépenses informatiques etc…) (cabinets ministériels : 10%)
Contrairement à tous les pays, pas question pour l'instant en France de baisse directe des salaires des ministres et des fonctionnaires.
Côté recettes :
La France compte sur 2,5% de croissance pour des recettes supplémentaires. Chiffre considéré comme irréaliste ou « audacieux » selon Christine Lagarde. Ces recettes devraient permettre un effet « élasticité » entre 24 et 30 milliards d'€.
5 milliards d'€ de coupes dans les niches fiscales en deux ans
Taxe sur les banques (produit estimé à plusieurs centaines de millions d'€)
2 milliards d'€ liés à l'annualisation du calcul des allègements de charges des entreprises (possiblement affectés aux retraites, tout comme la fixation d'une tranche d'imposition supérieure à l'IR à 42,5% hors bouclier)
Autres prélèvements en cours d'arbitrage…
Au Royaume-Uni, le parti conservateur sitôt arrivé au pouvoir a décidé la création de l'OBR, l'Office for Budget Responsability en mai 2010. Cet organisme, qui germait déjà sous une forme officieuse depuis décembre 2009 vise à apporter une appréciation impartiale et non biaisée des politiques économiques et des mesures budgétaires adoptées par le gouvernement britannique en dehors des statistiques officielles fournies par l'administration.
L'OBR est en particulier chargé de formuler des prévisions sur les mesures budgétaires et économiques adoptées. C'est ainsi qu'il a rendu un récent rapport sur le Pré-budget 2010-2011, rapport sur lequel se fonde le plan d'austérité britannique. Concrètement, c'est sur la base de ce rapport et des scenarii qu'il envisageait que le gouvernement s'est prononcé pour un projet de réforme anticipant une hypothèse de croissance plus pessimiste que celle envisagée par l'OBR par mesure de prudence [3].
L'OBR rendra un deuxième rapport sur ce même budget à l'automne (20 octobre). Composé d'un nombre restreint d'économistes et d'experts en finances publiques issus de l'administration et du privé, cet organisme est dirigé par un triumvirat formant le BRC (Budget Responsibility Committee). Les commissaires exercent leur activité de conduite des travaux d'évaluation et de prospective à tour de rôle (les membres sont actuellement Sir Alan Budd, Geoffrey Dicks et Graham Parker).
L'ensemble des données statistiques du ministère des finances (Trésor) leur est entièrement accessible. Tous trois ont exercé des fonctions au sein des secteurs public et privé. Afin de renforcer leur indépendance aucun membre du BRC ne perçoit pendant son mandat à la tête de l'OBR de rémunération sur financements publics. Ainsi Alan Budd vient de voir ses autres revenus suspendus durant sa présidence de l'OBR, tandis que Geoffrey Dicks a pris une année sabbatique et que Graham Parker est actuellement à la retraite).
[1] Précédemment une première vague de 6,2 milliards de livres de réduction de dépenses avait été annoncée dès mai sauf pour les ministères de la Défense, de la Santé et de l'Aide au développement.
[2] Techniquement cette taxe devrait rapporter 1,15 milliard £ en 2011, 2,32 milliards en 2012 pour se stabiliser à 2,4 milliards en 2014.
[3] Voir le Financial Times, 22 juin 2010, Osborne presents ‘unavoidable' Budget, « The chancellor issued lower growth forecasts than laid out in the Office for Budget Responsibility's report last week, reflecting the impact in the short term of cutting the deficit more quickly. »