Le Royaume-Uni : un modèle pour la France ?
Les candidats appelent tous de leurs voeux de nouvelles mesures pour relancer l'emploi et lutter contre le chômage. Pourtant, leurs programmes manquent singulièrement de curiosité ou d'audace, quand ils ne sont pas purement et simplement dans le déni. Le livre de Nathalie Droal, Emploi : le Royaume-Uni, un modèle pour la France ? offre une vision claire des mesures que notre voisin d'outre-Manche a mises en oeuvre en faveur de la création d'entreprises et de l'emploi avec succès depuis les années 80. Loin des clichés, l'ouvrage, qui fourmille de statistiques, montre que le dynamisme britannique n'est pas seulement le fruit d'une culture entrepreneuriale mais bel et bien d'une volonté politique d'encourager l'investissement privé vers la création d'entreprises. Des mesures dont doit s'inspirer la France en 2017.
L'ouvrage débute avec une question chère à Bernard Zimmern avec qui collabore Nathalie Droal au sein de l'IRDEME depuis 2012 : en admettant que l'on arrive à réduire les deux à trois millions d'emplois publics que la France compte en surnombre, qu'allons nous faire ? Faut-il se résigner à ce qu'ils viennent s'ajouter au stock de chômeurs ou de retraités ? Et comment sans création massive d'emplois marchands financer les transferts sociaux alors nécessaires ?
Pour répondre à cette question Nathalie Droal a choisi de regarder comment ont fait nos voisins britanniques qui ont obtenu des résultats spectaculaires en diminuant de 800.000 le nombre d'emplois publics et en créant en parallèle 2,5 millions d'emplois privés. Alors que les observateurs sont plus enclins à regarder le modèle allemand supposé plus proche du nôtre, et surtout jugé moins "ultra libéral", cet ouvrage montre les ressorts de l'économie britannique mais surtout que le pays est loin de la caricature que l'on en livre souvent.
La première partie est consacrée à une comparaison de l'emploi entre la France et le Royaume-Uni très complète d'un point de vue statistique et surtout très éclairante : alors que les deux pays comptaient environ 17 millions d'emplois marchands à population comparable en 1980, la France stagne depuis 2006 autour des 20 millions tandis que le Royaume-Uni a franchi la barre des 25 millions. Une différence que l'on retrouve dans le nombre total d'heures travaillées : 40 milliards d'heures au Royaume-Uni et 28,7 milliards chez nous à population comparable, des chiffres qui battent en brèche l'image des petits boulots. D'ailleurs le Royaume-Uni a été le pays qui a créé le plus d'emplois qualifiés de l'Union européenne entre 2006 et 2013, soit 2,2 millions contre 5,1 millions pour l'ensemble de l'Union. Cette situation très performante a des retombées sociales importantes, à titre individuel, mais aussi collectivement puisque 5 à 6 millions d'emplois privés de plus (à population comparable) cela signifie qu'il y a 30% de contributeurs de plus pour financer le modèle social.
Cette situation favorable sur le front de l'emploi, le Royaume-Uni la doit d'abord au dynamisme de ses entreprises et au premier rang, de ses start-up : les entreprises employeuses qui naissent en France sont seulement 25 000 et créent de l'ordre de 70 000 emplois quand le Royaume-Uni crée environ 300 000 entreprises employeuses par an qui contribuent à plus de 700 000 emplois salariés, dix fois plus qu'en France. Ce retard à la naissance des entreprises se répercute sur toutes les tailles d'entreprises : deux fois moins d'ETI, trois fois moins d'entreprises de plus 5.000 salariés, ...
Comme le rappelle Nathalie Droal "les entreprises nouvelles sont donc essentielles pour le dynamisme d'une économie : il est nécessaire qu'elles émergent pour créer des emplois et compenser les pertes des entreprises existantes". D'ailleurs ce point est parfaitement illustré par un certain nombre de recherches citées mettant en avant "que le processus de créations et de fermetures d'entreprises, de même que la réallocation des ressources des entreprises en déclin vers celles en expansion, contribuent pour une grande part à la hausse de la productivité et de la production (OCDE, 2009)" ou encore "l'importance de l'entrepreneuriat pour la création d'emplois et la croissance de la productivité est établie (Kauffmann Foundation, 2013)". Des conclusions qui devraient amener l'INSEE à multiplier les recherches dans ce domaine... ce qu'il ne fait pourtant pas, les statistiques françaises en la matière étant vraiment frustes.
Mais s'il est établi que la création d'entreprises est déterminante à la création d'emplois, la situation particulièrement favorable du Royaume-Uni s'explique par les financements par les business angels qui réunissent de l'ordre de 1 milliard de livres (chiffres 2011-2012), là où la France ne serait qu'à 400 millions d'euros et encore... Même avec une hypothèse optimiste la France compterait moitié moins de business angels et moitié moins de financements réunis par eux. Un retard catastrophique du point de vue du financement et de l'accompagnement de nos jeunes entreprises avec un enchaînement dramatique sur toute la démographie des entreprises.
Parce que les responsables politiques britanniques ont bien compris que tout investisseur fait un arbitrage entre plusieurs types d'investissements en comparant le risque et la rentabilité, la politique économique mise en oeuvre depuis plusieurs années a consisté à orienter cet arbitrage en fonction des buts poursuivis. L'Entreprise Investment Scheme et le Seed Entreprise Investment Scheme mis en place dans le cadre du Pact for Growth de 2011 en sont la démonstration : ils apportent un avantage substantiel à l'investisseur en l'encourageant à investir spécifiquement dans les start-up qui se situent dans ce qu'on appelle la "vallée de la mort", c'est-à-dire avant de rentrer dans le spectre des investisseurs professionnels comme les capitaux-risqueurs. L'objectif du Pact for Growth était de faire du Royaume-Uni l'un des "meilleurs endroits pour créer, financer et faire grandir une entreprise". De ce point de vue, les résultats sont intéressants : déduction à l'entrée de 20 puis de 30% du montant de l'investissement de l'impôt sur le revenu, plafond d'investissement relevé à 1 million de livres, exemption de taxation des plus-values après trois années de détention... on est loin des dispositifs Madelin ou ISF-PME.
Le livre complète le panorama des dispostifs pro-business du Royaume-Uni par une analyse du droit du travail et de la simplification administrative mis en oeuvre qui sont aussi l'illustration de l'attention que portent les reponsables politiques aux propositions issues de la société civile et en particulier des think tanks très nombreux outre-Manche. Par comparaison Nathalie Droal montre le maquis de dispositifs publics qui se sont mis en place en France pour aider à la création d'entreprises, tant au niveau de l'Etat que des collectivités locales avec un manque manifeste d'évaluation. On peut dire de même de la politique en faveur de l'apprentissage.
A l'issue de ce livre, on comprend que le Royaume-Uni a, avant tout, cherché à mettre en oeuvre des solutions simples, lisibles, et concrètes, sans chercher constamment à reprendre ce qui est donné, et à punir celui qui s'enrichit. Nathalie Droal rappelle que c'est la perspective d'enrichissement qui pousse les entreprises à créer, innover, embaucher et les investisseurs à prendre des risques. Nier cela, vouloir une économie sans entreprises, sans entrepreneurs, et sans investisseurs, est illusoire. Un message bienvenu à l'adresse de nos candidats.
Emploi : Le Royaume-Uni, un modèle pour la France ? de Nathalie Droal.
Nathalie Droal collabore au sein de l'Irdeme fondé en 2012 par Bernard Zimmern président d'honneur de la Fondation iFRAP.
Préface d'Olivier Cadic.
Edition L'Harmattan, 145 pages, 16,50 €