« La dame de fer », Margaret Thatcher
Ni « Intouchables », ni « The Artist », ni « La vérité si je mens ». Qu'est-ce qui a bien pu pousser 238.257 Français à payer 10 euros pour voir, la semaine de sa sortie, une vieille dame se remémorer les grands moments de sa vie ? Peut-être la proximité de l'élection présidentielle en France.
Une famille d'épiciers dans le monde d'une petite ville anglaise d'avant la guerre de 1939 (elle est née en 1925). La dureté de cette époque, même pour cette petite bourgeoisie. La guerre et les bombardements. Une participation régulière au travail de l'épicerie de ses parents. Des études brillantes puisqu'elle est admise à l'université d'Oxford à la sortie de l'équivalent du lycée. Un père impliqué dans la vie locale dans ce qui ressemble à l'union des commerçants de la ville, et qui plaide pour le travail, le mérite et la responsabilité.
Battue puis élue
Pour une femme, jeune, d'origine modeste, même diplômée d'Oxford, militer dans le parti conservateur était un défi formidable. Ce parti était tenu par des messieurs, de la haute bourgeoisie, plutôt âgés et en place depuis des décennies. Et très prudents. Au point que, partisans de toujours dépenser plus (politique keynésienne), il était parfois difficile de distinguer leurs propositions politiques de celles de leurs adversaires travaillistes. Mais Margaret Thatcher finit par être élue au Parlement où elle détonne.
Le Royaume-Uni dans les années 1970
Le film passe malheureusement sous silence l'état de décrépitude du Royaume-Uni à cette époque. Pour des Français en voyage outre-Manche, la saleté et le mauvais entretien des villes (même Londres), l'absence de confort des logements et la médiocrité des services publics et privés étaient frappants. Une impression générale de pays du tiers-monde et de laisser-aller. Et les Français voyaient leurs voisins britanniques (notamment les meilleurs, découragés par le niveau des impôts) venir chercher du travail en France [1]. Finalement, le Royaume-Uni avait dû faire appel à l'aide du FMI.
Premier Ministre en 1979
Le film évoque la plupart des grandes étapes de l'action de Margaret Thatcher : fermeture des mines de charbon non rentables, privatisations, baisse des dépenses publiques, Irlande du Nord, baisse du taux de l'impôt sur le revenu (le taux le plus élevé était de 83%), mesures en faveur des entreprises, règlementation des actions syndicales (fin du « closed shop »), vente des logements sociaux à leurs locataires, guerre des Malouines, lutte contre l'IRA, « poll tax » qui lui fit perdre le pouvoir. Dans toutes ces réformes, son propre parti n'a souvent soutenu ses décisions qu'à regret. Margaret Thatcher n'aura été au pouvoir que 11 ans.
La situation de la France de 2012 n'est pas aussi mauvaise que celle du Royaume-Uni de 1975, mais les similitudes sont nombreuses, et les réformes à mettre en œuvre aussi. Oui, c'est certainement en pensant à notre prochaine élection présidentielle que 142.817 Français de plus sont allés voir ce film dès sa seconde semaine de projection.
[1] Il est frappant que le flux d'immigration se soit maintenant inversé : les Britanniques viennent en France pour leurs vacances et leur retraite, et les Français partent à Londres pour travailler. On estime leur nombre à 300.000, principalement de 25 à 45 ans, faisant de Londres la 6ème ville « française »