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Italie : la réforme du marché du travail bientôt adoptée ?

Le gouvernement italien devrait, comme il l'a annoncé depuis plusieurs mois, faire aboutir dans les prochains jours sa réforme du marché du travail. Bénéficiant de 67% d'opinions favorables dans son pays, Mario Monti menait cette semaine, avec Elsa Fornero sa ministre du travail, les négociations avec les partenaires sociaux et l'opposition sur les trois points clés du projet : la réorganisation des contrats de travail, la rénovation des amortisseurs sociaux et la révision du droit de licenciement.

La réorganisation des contrats

L'Italie compte à ce jour 46 types de contrats de travail différents, la réforme devrait réduire ce nombre à huit. Les contrats à durée déterminée devraient supporter un taux de cotisation sociale à l'Aspi (cf. infra), de 2,7% contre 1,3% pour contrats à durée indéterminée afin d'inciter les entreprises à recourir à celui-ci plutôt qu'à celui-là. Le contrat d'apprentissage sera par ailleurs encouragé. Pendant toute sa durée (trois ans généralement), l'entreprise ne paiera pas de charges ou très peu selon sa taille.

La rénovation des amortisseurs sociaux

Le deuxième aspect de la réforme concerne l'assurance en cas de chômage. L'Aspi, pour assicurazione soziale per l'impiego (assurance sociale pour l'emploi), devrait permettre aux chômeurs de toucher une somme d'environ 1.119 euros, réduit de 15% au bout des six premiers mois [1] par mois pendant 8 à 12 mois, prolongé à 18 mois pour les plus de 55 ans. En France, le système d'indemnisation est particulièrement complexe, plus généreux et moins incitatif au retour à l'emploi que le nouveau modèle italien. La durée d'indemnisation est en effet chez nous, de 4 à 24 mois pour les moins de 50 ans (selon le nombre de jours d'activité dans les derniers mois) et jusqu'à 36,5 mois pour les plus de 50 ans, et son montant représente 40,4 à 57,4% du salaire mensuel moyen du dernier poste occupé. Le nouveau système entrerait en vigueur à partir de 2017, le gouvernement souhaitait 2015 mais les syndicats ont obtenu un retardement. Le texte offre aussi la possibilité de créer au sein des entreprises, sur la base d'un accord syndicat d'entreprise, un fonds de solidarité pour les travailleurs âgés. Il est question enfin que les chômeurs ne puissent refuser une offre d'emploi, à moins de perdre leurs indemnités.

La révision du droit de licenciement

L'article 18 », qu'est-ce que c'est ?

Il est extrait de la loi 300 du 20 mai 1970 sur le statut des travailleurs, sur la tutelle de la liberté et de la dignité des travailleurs, de la liberté syndicale et de l'activité syndicale dans les lieux de travail. Il autorise un juge du travail à prononcer la réintégration d'un salarié qui aurait été licencié pour motif justifié objectif (économique) [2] ou subjectif (faute professionnelle), si il juge que le motif invoqué est « nul » ou « inefficace ». Avant d'être réintégré, le licencié recevra une compensation égale au salaire qu'il aurait dû percevoir depuis la date de son licenciement. Le licencié qui a obtenu du juge sa réintégration, n'est pas obligé de l'accepter, il peut demander à la place une indemnité égale à 15 mois de salaire. Cette loi s'applique aux entreprises de plus de 15 salariés, ou 5 pour le secteur agricole.

C'est l'aspect le plus brûlant des discussions. La réforme prévoit dorénavant que, dans le cas où le juge conclut que le motif invoqué par l'employeur ne serait pas réel, alors l'employeur devra verser une indemnité égale à 15 à 27 mois de salaire selon la taille de l'entreprise, l'ancienneté du licencié et les initiatives qu'il a prises pour retrouver un emploi, il n'aura pas à le réintégrer. Seul le licenciement pour lequel le plaignant aura invoqué un motif discriminatoire pourra encore donner lieu à une réintégration. Ce dispositif pourrait en outre être étendu aux entreprises de moins de 15 salariés.

Par rapport à la règle française sur les licenciements économiques, la loi italienne est sur un point plus stricte en ce sens que la réintégration n'est pas normalement possible en France, sauf pour les salariés protégés. On attend cependant, avec une certaine anxiété, de savoir si la Cour de cassation ne va pas renverser sa jurisprudence à l'occasion de l'affaire Vivéo, ce qui imposerait à l'employeur de réintégrer le personnel licencié dans le cas d'un licenciement économique qui viendrait à être jugé « sans motif réel et sérieux » des mois ou des années plus tard. Ce sont les Cours d'appel de Reims et de Paris qui ont imposé la réintégration en proposant donc un revirement de la jurisprudence actuelle. Réponse mi-avril sur cette question de réintégration.

Quel que soit ce dernier aspect des choses, la différence très importante entre la France et l'Italie restera que l'Italie n'exerce, comme tous les autres pays européens, qu'un contrôle « léger » sur le motif du licenciement (voir encadré), le juge se bornant en substance à vérifier la réalité du motif invoqué. En France au contraire, on sait que le motif valable du licenciement économique est maintenant restreint au maximum au cas où l'entreprise est en grand péril, et encore faut-il exclure le cas où cette entreprise fait partie d'un groupe qui n'est par ailleurs pas menacé. Il est donc impossible à une entreprise française de se réorganiser afin d'accroître sa performance.

[1] Pour les chômeurs de plus de 55 ans une nouvelle réduction de 15% a lieu après le douzième mois.

[2] Un licenciement est considéré comme économique quand il est prononcé pour « des raisons inhérentes à l'activité productive, à l'organisation du travail et au fonctionnement régulier » de l'entreprise selon la loi n.604 du 15 juillet 1966.