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France / Allemagne - la solidarité européenne à rude épreuve

Fourmi contre cigales

Christine Lagarde fait passer par le Financial Times un message tonitruant à l'adresse de l'Allemagne, accusée de ne pas jouer collectif en pratiquant une politique budgétaire et sociale stricte pour favoriser la compétitivité de ses entreprises et ses exportations.

Ce que ne font pas ses partenaires européens, et particulièrement la France, engagée dans une politique de soutien à la demande interne et au pouvoir d'achat. Dans la période actuelle de crise, où le commerce mondial est diminué, la place hégémonique prise par l'Allemagne sur le marché mondial bloque la faculté d'exporter des autres pays européens, ce qui ne les aide pas à utiliser le moteur des exportations pour redresser leur situation, à l'égard en particulier du pacte de stabilité. C'est, bien entendu, la position de l'Europe à l'égard de la Grèce qui est l'occasion de cette discussion, l'Allemagne refusant toute aide et préconisant la constitution d'un fonds monétaire européen, qui n'a pas les faveurs de la France. Mais cela va bien au-delà du cas de la Grèce.

La fourmi allemande a-t-elle raison ? Christine Lagarde n'a pas tort de relever l'attitude non collective de l'Allemagne. Mais le reproche est-il justifié par le seul fait que la fourmi est quasiment seule de son espèce, en face de pays qui doivent être sauvés parce qu'ils se sont comportés comme des cigales ?

Ce qui est certain, c'est que l'Allemagne est engagée depuis les réformes du gouvernement Schröder de 2003 dans une politique d'austérité à laquelle le pays doit son redressement spectaculaire, et qu'il est hors de question, comme l'a précisé la chancelière, qu'elle y renonce. Ce qui est aussi certain, c'est que les déficits publics des pays européens constituent la menace la plus importante qui pèse sur les prochaines années. La vertu allemande est à ce propos complètement opportune, quelles que soient les conséquences désagréables pour le pouvoir d'achat des Allemands. Mais ceux-ci sont persuadés qu'il s'agit d'un moindre mal, et on ne peut pas leur donner tort.

On ne peut donc pas compter sur une inflexion de leur part, et Angela Merkel vient de se prononcer en faveur d'une modification des règles communautaires afin de permettre d'exclure de la zone euro un pays qui se révélerait incapable de respecter le pacte de stabilité. C'est clair et brutal. Le message allemand est aussi adressé à l'Europe et à la France : Qu'elle commence à balayer devant sa porte, et à mettre de l'ordre dans ses finances publiques. A ce sujet on n'a guère entendu notre ministre de finances, et les commentateurs internationaux témoins de sa sortie ne se sont pas fait faute de le lui rappeler. La bergère a mérité la réponse que lui a faite le berger.

Quant aux commentateurs allemands, ils ont ajouté une touche pour souligner les divergences opposant les deux pays au plan des institutions. Ils ont accusé la France d'être bien mal placée pour donner des leçons, elle qui intervient constamment pour "déformer la concurrence". Ce n'est pas l'Etat allemand, disent-ils, qui intervient non plus dans la politique salariale (cela lui est interdit par la Constitution), et c'est IG Metall, le principal syndicat allemand, qui a pris la décision de ne pas demander d'augmentation des salaires afin de sauvegarder la compétitivité. Belle preuve de consensus, et belle leçon donnée aux syndicats et à l'Etat français.