Europe et Covid : des stratégies sanitaires différentes pour quels résultats économiques ?
Dès le début de la première vague de la pandémie, les stratégies des différents pays n’ont pas été les mêmes. La Suède a par exemple opté pour une stratégie fondée sur la responsabilité individuelle alors que la France optait pour un confinement strict et administré. En ce début d’année il convient sans doute de regarder l’état des différents pays en Europe. En premier lieu la mortalité en 2020 par rapport aux années 2019 et 2018 puis, l’impact économique en termes de PIB et de dette publique.
La mortalité
La première question qui se pose est de savoir si la mortalité en Europe a été très supérieure à celle enregistrée les années précédentes, ici la moyenne des décès hebdomadaires 2019 et 2018
L’avant et le début de la première vague sont assez similaires. La crise de la première vague frappe plus durement l’Italie, l’Espagne, la Belgique et le Royaume-Uni. La sortie de crise est plus rapide en France, en Italie, en Espagne, en Belgique sans doute grâce au confinement strict et aux gestes barrières imposés à la population. Seuls l’Espagne, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, la France, l’Italie, connaissent une surmortalité supérieure à 50% sur plusieurs semaines. Pour les autres le taux est entre 5 et 15%. L’été est calme à part quelques pointes au Portugal et en Belgique. L’automne voit repartir l’épidémie en France, en Espagne, en Italie, mais avec des taux plus faibles autour de 35%. La seconde vague est plus tardive en Suède et en Allemagne, d’où le durcissement des mesures. Ce sont des pays peu touchés par la première vague qui sont le plus affectés : Pologne, Bulgarie, Slovénie, Lituanie, République tchèque, pour lesquels les taux de surmortalité dépassent les 50%.
Confinement ou mesures de restrictions lors de la première vague
On remarque que les pays les plus touchés lors de la première vague sont ceux qui ont mis en place des mesures de confinement strictes alors que les autres ont opté pour des restrictions et des mesures sanitaires sans confinement.
Les mesures de la seconde vague sont elles aussi assez variées par pays.
Les mesures de la seconde vague sont elles aussi assez variées par pays.
France (couvre-feu de 18h à 6h) : les cafés, bars, restaurants et salles de sport restent fermés, ainsi que les cinémas, théâtres et musées. Des protocoles spécifiques sont prévus dans les Ehpad et les lieux de culte. A partir du 1er février, fermeture des commerces non-alimentaires d'une surface supérieure à 20 000 mètres carrés.Allemagne (confinement du 2 novembre au 14 février) : Déplacements limités, commerces non essentiels fermés, bars et restaurants fermés, écoles, établissements secondaires et supérieurs fermés, rassemblements limités à une personne hors du foyer, masque FFP2 obligatoire dans les lieux publics.
Autriche (confinement du 26 décembre au 7 février) : couvre-feu nocturne déjà imposé étendu à la journée, masque obligatoire FFP2 dans les lieux publics, distance de 2 mètres à respecter, tests hebdomadaires pour les travailleurs au contact du public, commerces non essentiels ouverts, restaurants et bars fermés, ouverture des stations de ski et des remontées mécaniques laissée à l'appréciation des autorités locales.
Belgique (confinement depuis le 2 novembre jusqu'au 15 février inclus et couvre-feu de 22h à 6h en Wallonie et région de Bruxelles, 00h à 5h en Flandres) : certains commerces non-essentiels restent ouverts, les hôtels aussi, bars et restaurants fermés, écoles ouvertes, secondaire et supérieur en ligne, un seul contact avec une personne extérieure au foyer autorisé en intérieur, masque obligatoire dans les lieux publics.
Danemark (confinement jusqu'au 7 février) : rassemblements limités à 5 personnes, masque obligatoire dans les lieux publics, fermeture des commerces, bars, restaurants et des établissements scolaires.
Grèce (confinement et couvre-feu de 21h à 5h) (18 à 5h dans certaines régions) : déplacements limités, commerces non essentiels fermés, bars et restaurants fermés, écoles ouvertes, établissements secondaires et supérieurs en distanciel, masque obligatoire dans les lieux publics.
Hongrie (confinement partiel et couvre-feu entre 20h et 5h jusqu'au 1er mars) : déplacements limités, bars et restaurants fermés, commerces ouverts jusqu'à 19h, écoles ouvertes, établissements secondaires et supérieurs en distanciel, rassemblements publics interdits, évènements privés et familiaux limités à 10 personnes, masque obligatoire dans les lieux publics.
Espagne (couvre-feu de 22h à 6h pour l'ensemble du pays) : à l'exclusion des îles Canaries - commerces ouverts, bars et restaurants ouverts, rassemblements limités à six personnes, masque obligatoire dans l'espace public, confinements locaux en fonction des situations épidémiques.
Bulgarie : fort niveau de restrictions jusqu'au 30 avril - fermeture des restaurants et des bars, enseignement en distanciel, petits commerces ouverts avec limitations, masque obligatoire dans les lieux publics, géolocalisation imposée pour les personnes en quarantaine.
Croatie : rassemblements limités à 25 personnes et interdits après 22h, masque obligatoire dans les lieux publics et à l'extérieur lorsqu'il n'est pas possible de respecter une distance d'1,5 mètre, fermeture des salles de sport, des casinos, des clubs culturels et sportifs.
Estonie : bars ouverts à 50 % de leur capacité, limite de 10 personnes par groupe dans les restaurants, les restaurants et bars ferment de minuit à 6h, événements rassemblant jusqu'à 500 visiteurs en plein air ou 400 visiteurs en intérieur, port du masque obligatoire en extérieur. Les lieux sportifs culturels sont fermés dans la région de Tallinn, la capitale.
Finlande : Les rassemblements peuvent, selon les régions, être limités à 10 personnes, et les horaires d'ouverture des bars et restaurants réduits.
Italie : couvre-feu de 22h à 5h, fermeture des services de restauration à 18h, rassemblements limités à 2 personnes. Dans les zones où le virus circule le plus (zones rouge et orange), mesures supplémentaires telles que des restrictions de déplacements et la fermeture de bars et restaurants. Bars et restaurants ainsi que les musées rouverts dans la majeure partie du pays le 1er février, avec levée des restrictions de déplacement entre communes mais pas entre régions.
Pays-Bas (confinement du 4 novembre au 9 février et couvre-feu de 21h à 4h30) : fermeture des commerces non essentiels, des bars et des restaurants, commerces essentiels fermés à 20h, rassemblements limités à 2 en intérieur, masque obligatoire dans les lieux publics.
Pologne (confinement partiel) : commerces ouverts avec des capacités d'accueil restreintes, bars et restaurants fermés, écoles, établissements secondaires, enseignement supérieur en ligne au moins jusqu'au 14 février, rassemblements limités à 5 personnes, masque obligatoire dans les lieux publics. Du lundi au vendredi (semaine scolaire) les enfants de moins de 16 ans ne peuvent pas sortir tous seuls de la maison entre 8h et 16h.
Portugal (confinement général depuis le 15 janvier - a priori pour un mois) : fermeture des commerces non essentiels, bars et restaurants, rassemblements interdits, masque obligatoire dans les lieux publics. Crèches, écoles, universités fermées.
République tchèque (couvre-feu de 21h à 5h) : déplacements limités, commerces non essentiels fermés, bars et restaurants fermés, écoles, établissements secondaires et supérieurs fermés, rassemblements limités à 2 personnes, masque obligatoire. Exploitation de téléskis et de téléphériques interdite.
Royaume-Uni (confinement total) fermeture des commerces non essentiels, pubs, restaurants, musées et écoles, rassemblement interdits.
Roumanie (couvre-feu de 23h à 5h depuis le 9 novembre) : les commerces doivent fermer à 21h, bars et restaurants fermés (dans quelques villes, où le taux d’incidence dépasse le seuil de 3 pour 1 000 habitants, les terrasses restent ouvertes) rassemblements limités à 6 personnes, tous les enseignements en distanciel, port du masque obligatoire dans les lieux publics.
Slovaquie (confinement partiel jusqu'au 7 février) : bars et restaurants fermés, commerces non essentiels ouverts avec restrictions, rassemblements limités à 6 personnes, enseignement à distance pour les collèges, lycées et universités. Depuis le 27 janvier, à l'exception des moins de 15 ans et des plus de 65 ans, tout le monde doit avoir la confirmation d'un résultat négatif d'un test PCR ou antigénique, pour se rendre à certains endroits (exemple : lieu de travail).
Slovénie (couvre-feu de 21h à 6h) : déplacements interdits hors de la municipalité de résidence, commerces non essentiels fermés, bars et restaurants fermés, rassemblements à l'extérieur d'une famille ou d'un foyer interdits, masques obligatoires à partir de 6 ans dans les lieux publics.
Lettonie (couvre-feu le week-end de 22h à 5h) : commerces non essentiels, bars et restaurants fermés, rassemblements limités à 2 personnes hors d'un même foyer.
Lituanie (confinement du 7 novembre au 28 février) : déplacements limités, commerces non essentiels fermés, bars et restaurants fermés, rassemblements en extérieur limités à 2 personnes n'appartenant pas au même foyer, masque obligatoire dans les lieux publics.
Luxembourg (couvre-feu de 23h à 6h jusqu'au 21 février) : déplacements limités, bars et restaurants fermés, commerces ouverts, rassemblements de plus de 100 personnes interdits (à l'intérieur comme à l'extérieur, port du masque obligatoire et distance minimale de 2 mètres entre chaque personne dès 4 participants, tous les participants assis à partir de 11 personnes), masque obligatoire dans les lieux publics.
Malte : commerces ouverts avec capacité réduite, rassemblements limités à 6 personnes, masque obligatoire dans les lieux publics.
Suède : Contacts avec les personnes extérieures à la famille fortement déconseillés. Tablées limitées à 4 personnes dans les restaurants. Incitation au télétravail jusqu'au 7 février. Port du masque dans les transports en commun aux heures de pointe. Limitation des rassemblements publics à 8 personnes pour tout évènement qui requiert une autorisation. Lycées en enseignement distanciel (ou hybride) jusqu'au 1er avril. (Source : https://www.touteleurope.eu/)
Au total, la surmortalité en 2020 a été en France par rapport à 2018-19 de 9% ; en comparaison la Suède qui a été le pays avec le moins de contraintes sanitaires enregistre une surmortalité de 8.2%.
Le graphique montre le classement des pays de l’échantillon en fonction de la surmortalité enregistrée en 2020 par rapport à la moyenne 2018-19
L’économie
La seconde question qui se pose est celle de l’impact économique des stratégies mises en œuvre. Cette question est analysée en observant l’évolution du PIB et celle de la dette.
Indubitablement l’activité économique en Suède est restée beaucoup plus dynamique que celle de la France ou de l’Espagne qui ont connu de sévères confinements sur l’année 2020. Les pays les plus touchés économiquement sont ceux qui ont mis en place de très strictes mesures de confinement notamment lors de la première vague, on retrouve France, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Portugal.
La stratégie de soutien à l’économie a contribué suivant son ampleur au creusement des déficits et donc à un alourdissement de la dette.
Au total l’endettement des pays est le suivant au troisième trimestre 2020 :
Que conclure si ce n’est que les mesures de confinement strictes adoptées par certains pays n’ont pas eu un effet décisif sur la surmortalité. En revanche l’impact économique est sans surprise plus important pour ces derniers. L’ajout d’autres paramètres (système de santé, dépistage et quarantaine, densité de population…) permettraient sans doute de mieux comprendre les écarts entre les pays. Le rythme de vaccination déterminera en grande partie la sortie de crise au cours de cette année.