6 mesures drastiques prises par la Grèce pour redresser ses finances publiques
La Grèce, après avoir touché le fond en 2009 avec son déficit public de 15,22%, et l'intervention du Fonds monétaire international (FMI) a mené de nombreuses réformes et effectué de grosses réformes, jusqu’à se retrouver dans le vert, avec un déficit de 1,6% en 2023, qui entre donc largement dans les critères européens. Néanmoins, étant donné l’ampleur de la dette au début des années 2010, celle-ci dépasse encore largement (163,6% du PIB). Petit à petit, la Grèce a retrouvé un équilibre budgétaire, mais a pris des solutions radicales pour y parvenir. Voici les mesures radicales prises par la Grèce pour faire baisser son déficit en dessous des 3%. Aujourd’hui, certains relèvent des similitudes entre la situation budgétaire française et celle de la Grèce il y a quinze ans. Il est intéressant de regarder le calendrier de la crise de la dette grecque. Et les mesures prises pour y répondre.
Le calendrier de la crise de la dette en Grèce de 2005 à 2016
2005-2008 Doublement des emprunts de l’Etat grec auprès des banques (160 milliards $) 2008 15 septembre : déclaration de faillite de Lehman Brothers 2009 6 octobre : le gouvernement admet que les comptes ont été maquillés pendant des années 5 novembre : le gouvernement annonce que le déficit atteindra 12,7% du PIB en 2009 et la dette 113,4%. 11 novembre : annonce par la Commission européenne d’une procédure pour déficit excessif (mais provisoire, avec révision prévue en 2010) 8 décembre : Fitch dégrade la note de long terme de la dette de A- à BBB+ (première dans la zone euro) 14 décembre : annonce de mesures d’austérité par le gouvernement grec 16 décembre : S&P dégrade la note de A- à BBB+ également Fin de l’année : la dette s’élève à 126.7% du PIB (301 milliards €) 2010 13 janvier : le gouvernement annonce ne pas compter sur le FMI pour l’instant 28 janvier : attaque par les marchés financiers ; les obligations de la Grèce passent à 7.1%, plus de 400 points de base au-dessus des obligations allemandes. 3 février : la Grèce passe sous surveillance par la Commission 23 février : les principales banques grecques passent de BBB+ à BBB pour S&P 25 mars : proposition par le Conseil européen d’un plan d’aide avec le FMI 23 avril : appel à l’aide de la Grèce auprès de l’UE et du FMI 2 mai : accord FMI-UEM-Grèce pour 110 milliards d'euros sur trois ans (80 milliards d'euros prêtés par les pays de la zone euro et 30 milliards par le FMI), avec contreparties (réformes structurelles de la dépense publique), adopté le 6 mai par le Parlement grec, premiers virements le 12 mai 2011 11 février : nouvelles mesures de rigueur (principalement privatisations) par le FMI 7 mars : Moody’s passe la note de la Grèce de Ba1 à B1 25 mars : allongement des délais de remboursement (2018 au lieu de 2014) 21 juillet : annonce du deuxième plan d’aide 27 octobre : versement du prêt supplémentaire (130 milliards d'euros) et effacement partiel de la dette des banques privées (50 % de la dette) par la troïka 2012 12 février : plan de rigueur par le gouvernement 21 février : annonce d’un accord qui crée un compte destiné aux paiements de la dette abondée par l'assistance internationale et les recettes fiscales 9 mars : effacement de la dette des banques privées (passage de l’endettement de 160 à 120%) 2014 1er avril : retour de la Grèce sur les marchés financiers 2015 25 janvier : arrivée de Syriza au pouvoir, promesse de renégociation du plan d’aide 5 juillet : référendum sur le plan d’aide, le « non » gagne 13 juillet : après négociations au niveau européen, troisième plan d’aide, pas celui imaginé par le gouvernement Tsipras. Le FMI approuve le 14 juillet, la Grèce le 16 juillet. 14 août : accord trouvé, avec 86 milliards € sur trois ans, réformes acceptées par la Grèce 2016 5 décembre : allègement de la dette (annulation de la hausse des taux d’intérêt qui devaient passer à 2% et allongement de la maturation de la dette de 28 à 32.5 ans) |
Les économies directes faites par l’Etat après 2011
En mai 2011, la Grèce bénéficie d’un prêt de 110 milliards d’euros, accordé par le FMI et la facilité de prêt pour la Grèce de la zone euro (supervisée par la BCE et la Commission européenne). Cet emprunt massif est conditionné à des réformes structurelles que la Grèce doit faire (30 milliards de réduction des déficits publics sur trois ans). Ainsi, le plan d’austérité auquel l’Etat grec a fait face était la base du redressement économique du pays. Le salaire des fonctionnaires a considérablement baissé (jusqu’à 30%), et s’est accompagné d’une augmentation du temps de travail légal (de 37,5 à 40 heures par semaine). Les dépenses de santé sont plafonnées à 6% du produit intérieur brut, et réduisent de moitié sur cinq années (2009-2014). Les pensions sont gelées entre 2011 et 2013, et les dépenses de protection sociales chutent de 20%.
Les premières années de sauvetage, particulièrement difficiles
Les trois années concernées par le plan de sauvetage FMI-UE de 2011 sont marquées par des coupes budgétaires très importantes, et un ralentissement de la dette opéré par les gouvernements conservateurs et sociaux-démocrates. En février 2012, un deuxième plan de sauvetage arrive sur la table, avec aussi 130 milliards d’euros d’aide accordée, plus 107 milliards de dette privées qui sont rayées. Mais quand la gauche radicale avec Syriza arrive au pouvoir en 2015, le gouvernement grec tente de renégocier la dette, notamment à travers un référendum en juillet sur le plan d’aide de la troïka, rejeté par une majorité de la population, ce qui fait planer la menace d’une sortie de la Grèce de la zone euro (Grexit). Un mois plus tard, un troisième plan d’aide est finalement accepté par le gouvernement (85 milliards d’euros en trois ans). C’est donc jusqu’en 2018 que la Grèce a bénéficié des plans d’aide.
Les mesures de privatisation
L’Etat grec a voulu économiser en ouvrant au capital ou en privatisant complétement un certain nombre de services et d’entreprises publiques, parmi lesquels :
- Les deux principaux ports maritimes, parmi les plus importants dans la mer Méditerranée (Le Pirée, vendu à un groupe chinois et Thessalonique, à un consortium franco-allemand). Cette privatisation aurait rapporté 7,6 milliards d’euros.
- Les aéroports secondaires. Quatorze d’entre eux sont vendus à Fraport, le gestionnaire détenu par la Lufthansa. En plus, 30% du capital de l’aéroport international d’Athènes sont vendus également à des investisseurs.
- 45,47% de la compagnie nationale d’énergie Hellenic Petroleum ;
- La compagnie publique des eaux et celle de l’électricité (DEI) ;
- L’opérateur téléphonique OTE (la majorité à Deutsche Telekom) ;
- La compagnie gazière DEPA (35% à Hellenic Petroleum) ;
- La société de transport ferroviaire TrainOSE (vendue à 100% à la compagnie ferroviaire publique italienne) ;
- Les parts détenues par le plus dans les plus grandes banques grecques (Banque nationale, Alpha Bank, Eurobank).
Tous ces processus de libéralisation sont gérés par une agence spéciale, appelée Taiped. Celle-ci a été créée en 2011, en plein effort de réduction des dépenses publiques. Depuis 2015, deux membres observateurs du CA sont directement nommés par l’Eurozone et la Commission européenne. A noter que de cette agence est chargée, depuis 2012, de privatiser également des autoroutes, l’armateur EAS, la société de paris sportifs OPAP ou encore la poste ELTA.
Lorsqu’on regarde les recettes, par rapport au PIB, on remarque que même au plus fort de la crise, les Grecs ont relativement moins taxé que les Français.
Au début de la crise de la dette grecque, l’Etat a significativement réduit sa dette en valeur, sous la contrainte du FMI, et l’a assez bien stabilisée par la suite.
Le programme Kallikratis
Dès 2010, la Grèce pense à faire des économies d’échelle. Déjà dans l’éducation, de nombreuses écoles sont fusionnées (1 933 entre 2008 et 2011, avec -30% de salaires des enseignants pour -22% de dépenses dans l’éducation). La réforme Kallikratis utilise le même modèle pour les subdivisions territoriales. Une réforme territoriale d’ampleur était déjà dans les tiroirs depuis 1997 (avec le programme Kapodistrias). Mais la crise et surtout les créanciers européens de la Grèce demandent de mener cette réforme à bien, face à l’inefficacité de la fonction publique territoriale.
Avec cette réforme, on passe de 1 034 communes à 370, de 54 nomes (l’équivalent des départements) et 13 périphéries (régions administratives) à 74 districts et 7 diocèses décentralisés. Dans le nouveau programme, les districts sont dépendants des diocèses, contrairement à avant. Le nombre d’élus payés diminue de moitié et 60% des salaires sont économisés. L’administration communale passe de 6 000 à 2 000 personnes. Les élections municipales passent d’une fréquence de 4 à 5 ans. Les estimations d’économie du programme Kallikratis serait de 1,8 millions d’euros par an en moyenne.
Le remboursement prématuré du prêt du FMI
Alors que l’échéance pour le remboursement du prêt contracté auprès du FMI était en 2024, la Grèce l’avait déjà effectué en 2022. Elle avait aussi réussi à convaincre le FESF (fonds européen de stabilité financière, soit l’instrument de l’UE) et le mécanisme européen de stabilité (sorte de FMI européen) du bon état de ses finances. D’ailleurs, la Grèce, qui avait écopé de très mauvaises évaluations de la part des agences de notation, a retrouvé une bonne note (C en 2013, Ba1 en 2023).
Le chômage, point noir des années 2010
Malgré son redressement financier, la Grèce n’a pas réussi à retrouver un taux de chômage bas (aujourd’hui à plus de 10%). Ce chiffre était monté jusqu’à 27,8% en 2013.