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Zones à Faibles Émissions : bienvenus chez Kafka !

Depuis le 1er janvier 2025, les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) s’étendent à toutes les métropoles françaises de plus de 150 000 habitants, passant de 11 à 42 zones concernées. Les restrictions liées aux vignettes Crit’Air diffèrent selon les villes, certaines métropoles imposant des règles plus strictes que d'autres. 

À Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble, des restrictions strictes sont déjà en place : les véhicules portant les vignettes Crit'Air 3, 4 et 5 sont interdits dans les ZFE. 

Les ZFE sont également en place à Aix-Marseille, Toulouse, Nice et Strasbourg, avec des restrictions similaires pour les véhicules Crit'Air 4 et 5.

À Rouen, Reims et Saint-Étienne, les restrictions touchent aussi les véhicules Crit'Air 4 et 5, particulièrement en période de pollution.

À Bordeaux Nantes, Lille et Rennes, bien que les conducteurs doivent posséder une vignette Crit'Air pour circuler, les amendes ne seront appliquées qu’à partir de 2027. Les véhicules immatriculés avant certaines dates (1997 pour les voitures, 2000 pour les deux-roues, etc.) sont exclus des zones. Des dérogations existent, notamment pour les personnes handicapées et les véhicules de collection. La réglementation est assouplie pour éviter de pénaliser les conducteurs en dehors des périodes de pollution élevée.

Difficile de s'y retrouver. 

Les ZFE, ou plus précisément les ZFE-m (zone à faibles émissions mobilité) ont été créées en 2019 par la loi d'orientation des mobilités, sous l'égide de la ministre des Transports d'alors, Elisabeth Borne. Ces ZFE fonctionnent selon la classification Crit’Air, qui répertorie le niveau de pollution des véhicules sur une échelle de 1 à 5 (5 étant réservé aux plus polluants). A noter que les véhicules gaz et hybrides rechargeables bénéficient de la vignette Crit’Air 1 et les véhicules électriques et hydrogène disposent d'une vignette Crit’Air spéciale euro-émissions (ou Crit’Air E, parfois appelée Crit’Air verte).

 

Norme Crit’Air

Date de la première immatriculation

Voiture/véhicule utilitaire diesel

Date de la première immatriculation

Voiture/véhicule utilitaire essence

E

 

 

1

 

à partir de 2011

2

à partir de 2011

2006-2010

3

2006-2010

1997-2005

4

2001-2005

 

5 et non classé

1997-2000

(avant 1997 pour les non-classés)

(avant 1997 pour les non-classés)

Image : https://www.eco-delegues.fr/vignette-critair-un-outil-cle-pour-la-qualite-de-lair/

Quel impact pour les automobilistes ?

Le nombre de communes touchées par la ZFE peut être très hétérogène : pour le Grand Paris, ce sont 77 des 131 communes (soit une zone peuplée de 5,6 millions d'habitants), tandis que pour Saint-Etienne Métropole, ce ne sont que 6 des 53 communes. Dans la Métropole Nice Côte d'Azur, la ZFE se situe dans l'hypercentre de la ville, tandis que quasiment l'ensemble de l'Eurométropole de Strasbourg est recouvert. A Annecy, c’est la commune seulement qui est concernée, alors que chez sa voisine Annemasse, c’est la ville et cinq communes limitrophes qui mettent en place cette zone.

Depuis leur mise en place dans certaines villes, la réglementation change. On remarque aussi que la composition du parc automobile a un peu évolué. Entre 2023 et 2024, on constate une augmentation des immatriculations avec des vignettes Crit’Air 1, et des Crit’Air E (électrique, même si ces véhicules restent largement minoritaires sur l’ensemble du parc). A l’inverse, les Crit’Air les plus « vieux » (5 ; 4 ; 3) reculent tous. 

Source : SDES, chiffres au 1er janvier 2024

L’introduction de ZFE pénalise moins les véhicules à essence. Pour être en Crit’Air 4 ou 5, soit les catégories largement exclues des ZFE, il faut avoir un véhicule immatriculé avant 1997, ce qui concerne peu de conducteurs. En revanche, pour les diesels, les véhicules immatriculés jusqu’en 2005 sont concernés et donc n’ont pas le droit d’entrer dans une ZFE. Si on regarde les poids lourds, la norme Crit’Air 4 concerne les véhicules d’avant septembre 2009.

Source : SDES

Les « territoires de vigilance » désignent non pas les ZFE déjà existantes, mais l’ensemble des métropoles qui, en 2024, étaient sous surveillance des pouvoirs publics concernant les niveaux de pollution atmosphérique (et dont la plupart se sont transformés en ZFE). Ainsi, le graphique ci-dessus ne comptabilise pas par exemple le Grand Paris ou la Métropole de Lyon, déjà ZFE avant 2024.

2025, une révolution ?

Pour la quarantaine de villes pour lesquelles la ZFE a été introduite en 2025, les véhicules bannis sont principalement les Crit’Air 4 et 5 et les non-classés. Les répercussions sont donc assez faibles sauf pour les ZFE beaucoup plus strictes dans quatre métropoles : Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble. Dans ces métropoles, ce sont aussi les Crit’Air 3 qui ont été interdits. Les métropoles de Paris (le Grand Paris) et de Lyon sont considérées comme « territoires ZFE », et comptabilisent plus de 3 millions de véhicules à elles deux. Avec l’interdiction des véhicules à partir de Crit’Air 3, c’est 22,4% des véhicules qui sont interdits de circulation. Il existera des dérogations, avec un certain nombre de jours par année autorisés pour les propriétaires de ces véhicules, mais leur utilisation devra rester exceptionnelle. A Paris, ce sera un "pass 24 heures" pendant 24 jours.

Dans certaines villes, on remarque des différences dans la stratégie adoptée. Ainsi, à Saint-Étienne, les limites de circulation encadrées par les ZFE ne concernent en fait que les poids lourds et les véhicules utilitaires. À Reims, la ZFE limitée aux Crit’Air E, 1 et 2 (comme à Paris et Lyon) était également prévue en 2025, mais attendra 2029. D’ici là, les Crit’Air 3 sont toujours autorisés à rouler dans la ville champenoise. Finalement, les grosses contraintes envers les automobilistes ne concernent que quatre villes en France. Pour les autres ZFE, le principal changement est l’obligation de porter la vignette, avec l’idée d’introduire des interdictions dans les prochaines années.

A Lyon et à Montpellier, l’interdiction des Crit’Air 3 est particulièrement insupportable pour les habitants, puisqu’un véhicule sur quatre est concerné. Las, les conducteurs peuvent bénéficier de 52 jours d’autorisation par an, après inscription en ligne. Pour les Grenoblois, cette période n’est que de douze jours. Mais au-delà des habitants de la métropole, d’autres conducteurs sont également victimes de ces mesures. Les habitants de zones rurales entre Lyon et Grenoble sont par exemple très limités dans leurs déplacements pour des raisons géographiques, alors même qu’ils n’habitent pas une zone critique en matière de pollution atmosphérique.
En cas de non-respect des zones à faibles émissions, l’amende sera de 68 euros pour un véhicule léger et 135 euros pour un poids lourd. À noter que de nombreuses intercommunalités ont annoncé mettre en place une période pédagogique ou de sensibilisation, avec des contrôles qui ne sont pas suivis d’une sanction.


Le 1er janvier 2025 marque la généralisation des ZFE pour les grandes métropoles à l’échelle nationale, mais les plus ambitieux (Paris, Lyon, Grenoble, Montpellier) ont mis en place des restrictions beaucoup plus fortes que la plupart des métropoles françaises. 

Tour d’Europe

Equivalences entre normes Crit’Air et Euro

Avant de décrire la situation dans certaines villes européennes, voici un tableau qui montre à quoi correspondent les normes "Euro", qui permettent de comparer entre chaque système national :

 

Norme Euro

 

Dates de validité

 

Norme Crit’Air essence

 

Norme Crit’Air diesel

 

Euro 1

 

1993-1996

 

Non classé

 

Non classé

 

Euro2

 

1996- 2001

 

Crit’Air 3

 

Crit’Air 5

 

Euro3

 

2001-2006

 

Crit’Air 3

 

Crit’Air4

 

Euro4

 

2006-2011

 

Crit’Air 2

 

Crit’Air 3

 

Euro 5

 

2011-2015

 

Crit’Air 1

 

Crit’Air 2

La norme Euro 6 concerne quant à elle :

  • Euro 6b (du 1er septembre 2015 au 1er septembre 2018)

  • Euro 6c (du 1er septembre 2018 au 1er septembre 2019) ;

  • Euro 6d-TEMP (du 1er septembre 2019 au 1er janvier 2021);

  • Euro 6d (à compter du 1er janvier 2021).

La Commission européenne a prévu d'introduire une nouvelle norme, Euro 7, à partir de juillet 2025, qui a pour objectif de baisser de 35% les émissions d'oxydes d'azote des voitures particulières et des utilitaires légers par rapport à la norme Euro 6. 

Contrairement aux normes précédentes, la norme Euro 7 ne prend pas que l’année de production et le carburant et compte, mais aussi les pollutions annexes : freins, pneus, batteries des véhicules électriques, etc. Aujourd’hui, il est difficile de savoir combien de véhicules correspondraient à cette norme.

Lorsque l'on regarde nos voisins, on s’aperçoit que les zones à faibles émissions sont organisées selon un système très différent. En Italie, la réglementation est particulièrement sévère (avec des amendes entre 300 et 400 euros), et les ZFE et ZTL (zones à trafic limité) sont mises en place dans la plupart des grandes villes. Cependant, c’est uniquement le centre-ville qui est concerné dans la plupart des cas. Ces mesures vont de pair avec une volonté de préserver les centres historiques, qui font déjà face à un tourisme de masse. À Florence, le centre-ville est réservé aux résidents, tandis qu’à Milan, il n’est accessible qu’après le passage à un péage urbain. À Naples, les véhicules de norme Euro 0 ou 1 sont bannis. À Rome, certaines zones ne sont accessibles qu’à certaines périodes de la semaine.
Au Royaume-Uni, il n’y a que Londres qui a une ultra low emission zone. Ce sont surtout les poids lourds qui sont concernés par ces restrictions. Les véhicules particuliers autorisés à rouler dans le Greater London doivent avoir au moins une norme Euro 4 pour les moteurs à essence, et Euro 6 pour les moteurs à diesel.
En Espagne, Madrid et Barcelone ont mis en place des zones à basses émissions. Celle de Barcelone est particulièrement étendue (95 km²). S’il existe des radars qui contrôlent systématiquement les véhicules, il y en a fait très peu de véhicules qui tombent sous le coup de restrictions. Pour les moteurs essence, la norme Euro 3 est suffisante, tandis que pour les véhicules diesel, c’est la norme Euro 4.
En Suède, la ville de Stockholm est particulièrement exigeante. La capitale suédoise va interdire les voitures thermiques dans son centre-ville. Dans les autres villes en revanche, seulement les camions et les bus sont concernés par les restrictions de circulation.

Belgique, entre reports et amendes

Trois villes belges ont pour l'instant mis en place des ZFE (dites zones basses émissions ou low emission zone LEZ en anglais) : Bruxelles, Gand et Anvers.
Dans la capitale du royaume, les voitures diesel sont quasiment bannies de la LEZ. Actuellement, seuls les Euro 5 et 6 (ce qui équivaut au Crit’Air 2) peuvent rouler au diesel dans la zone, qui recouvre la région Bruxelles-Capitale, à l'exception de quelques grands axes périphériques. L’extension de l’interdiction aux Euro 5 a finalement été reportée de 2025 à 2027. En ce qui concerne les véhicules essence, ils sont autorisés à partir du niveau Euro 2 actuellement (Crit’Air 3 maximum). En 2027, le minimum sera le label Euro 3.


À Anvers comme à Gand, actuellement, seuls les diesels Euro 5 et 6 peuvent circuler. Une exception est faite pour les diesels Euro 4, mais ils doivent s'acquitter d'un péage de 35 euros par jour. À partir de 2026 (et non 2025, comme c’était prévu), ceux-ci seront bannis. Seuls les Euro 6 et 7 pourront rouler gratuitement dans ces villes, les Euro 5 devenant payants. En 2028, on rebascule, et seuls les Euro 7 ainsi que certains Euro 6 (6d ; 6d TEMP) pourront circuler, tandis que les Euro 6 classiques devront payer. Au niveau des véhicules essence, seuls les Euro 1 sont bannis pour l'instant (les non-classés), les Euro 2 en 2026 et les Euro 3 en 2028. Enfin, en 2031, le diesel sera purement et simplement interdit dans les deux villes. Quelques critiques ont été adressées à ces LEZ. D'abord, les Belges ne fonctionnent pas avec des vignettes, mais associent la plaque d'immatriculation à la norme Euro, ce qui fait que des voitures étrangères sont obligées de s'enregistrer au préalable pour circuler dans l'une des trois grandes villes. Ensuite, les plaques sont "flashées" par des radars si elles correspondent à une norme trop polluante. Cela a donné lieu à des amendes à hauteur de 150 euros adressées à des touristes français alors même qu'ils avaient un véhicule propre. Sinon, le tarif de 35 euros par jour dans les deux villes flamandes semble également élevé, surtout pour des véhicules quasiment neufs, et qui auraient un Crit’Air 1 en France. Enfin, certains Belges sont confrontés à des disparités incompréhensibles entre régions.

En Allemagne comme aux Pays-Bas, des villes suppriment leurs  ZFE 

Outre-Rhin, le système de zone à faibles émissions existe depuis longtemps. Les premières grandes villes à avoir adopté ce système étaient Berlin, Cologne, Dortmund, Hanovre, Francfort et Munich en 2008. Aujourd'hui, 43 villes ont une "Umweltzone" ("zone environnementale"). Ces zones fonctionnent, comme en France, avec des vignettes. Ces vignettes allemandes correspondent davantage aux normes Euro :

 

Diesel

Essence

Pas de vignette (ou niveau 1)

Euro 1 ou non-classés

Non-classés

Niveau 2

Euro 2 (ou Euro 1 avec filtre à particules)

-

Niveau 3

Euro 3 (ou Euro 2 avec filtre à Particules)

-

Niveau 4

Euro 4 et plus

Euro 1 et Plus

On voit ici que cette classification fait la part belle aux véhicules à essence, puisque quasiment tous (en tout cas ceux depuis 1993) disposent de la meilleure vignette. Cette vignette est bien sûr aussi accordée aux voitures électriques, à hydrogène, GPL, GNL, et éthanol.


Aujourd'hui, presque toutes les Umweltzonen sont réservées aux véhicules de catégorie 4. Mais cela représente environ 85% des poids lourds et 98% des voitures particulières ! Ces zones ne sont donc pas vraiment dissuasives, il faut juste être en règle et être passé au contrôle technique. Certes, le fait que le marché automobile allemand soit plus dynamique contribue beaucoup au fait que les habitants n'utilisent plus beaucoup de vieux véhicules polluants. De plus, alors qu'en France, 55,2% des véhicules sont au diesel /40,1% d'essence). Les Allemands préfèrent les moteurs à essence, avec seulement 28,8% de diesel en 2024 et 61,6% d'essence. Mais on peut quand même souligner le fait que les lois allemandes en la matière sont nettement moins coercitives, puisque ces zones ne s'attaquent qu'aux gros pollueurs. De plus, le fait que ces zones soient présentes dans 43 villes, y compris des petites villes de Bavière ou de Bade-Wurtemberg (soit les fiefs de l'automobile en Allemagne) diminue le risque d'avoir une Allemagne des grandes métropoles, et une Allemagne des périphéries. On notera cependant que depuis quelques années, les Allemands mettent fin à ces zones environnementales. 19 villes allemandes ont déjà arrêté ce système, estimant que la pollution atmosphérique n’était plus un problème au vu de l’évolution des moteurs automobiles. En 2021, Erfurt a fermé sa ZFE, suivi de huit villes en 2023 et dix en 2024, parmi lesquelles des grandes métropoles (Hanovre, Mannheim, Karlsruhe).


A l’image des Allemands, les Néerlandais ont également mis fin à leurs Milieuzonen, comme la ville de Rotterdam, qui a estimé que les résultats étaient atteints. La politique de la ville s’est en effet concentrée sur le renouvellement du parc diesel en véhicules plus propres, et en incitant les entreprises à utiliser des véhicules électriques pour les livraisons.