Un exemple d'externalisation au ministère de la Défense
Derrière sa façade réalisée par l'architecte bien connu Lemaresquier [1], le CNA est un organisme dont la réalisation originale par son statut et simple dans son organisation et son fonctionnement, est riche d'enseignement en matière de réduction de dépenses d'investissement et de fonctionnement du ministère de la Défense (MINDEF).
Origine du contrat de la réalisation du CNA
En 1886, est créé le Cercle militaire dans un immeuble situé au 49 avenue de l'Opéra (Paris) à partir d'un fonds associatif financé notamment par les officiers en tant que membres fondateurs. Ainsi, ils pouvaient y retrouver non seulement un lieu de rencontre convivial et culturel, mais aussi des avantages matériels relatifs aux différentes activités offertes par cet organisme (organisation de fêtes de famille, de séances d'instruction et de conférences, prestations de restauration, de loisirs, d'hôtellerie, de sport comme l'escrime…).
Le Cercle militaire faisait l'objet d'un bail (328 000 francs de l'époque) et cet organisme bénéficiait de recettes relatives à diverses sous-locations (173 000 francs de l'époque), ce qui atténuait cette charge financière.
Dés la fin du 1er conflit mondial, le montant de ce bail qui était pour l'époque assez avantageux, a été revu à la hausse par le propriétaire de l'immeuble hébergeant le CNA. En outre, ce propriétaire a décidé de ne pas renouveler le bail qui devait expirer fin décembre 1925.
Nature du contrat de la réalisation du CNA
Compte tenu de cette situation, le ministère de la Guerre (actuel MINDEF) décida de rechercher un nouvel emplacement pour cet organisme. A été créée à cette occasion une commission constituée des représentants de l'État (ministères de la Guerre et des Finances, Ville de Paris) en vue de présenter des propositions au Parlement. C'est ainsi que les 2 chambres ont voté une loi promulguée par le président de la République en 1924 dont le texte est le suivant : « en vue de faciliter l'installation du Cercle National des Armées de Terre et de Mer, le département de la guerre est autorisé à concéder pour une durée ne dépassant pas 99 ans, une partie des terrains qui lui sont actuellement affectés à la caserne de la Pépinière (Paris) et situés en bordure de la rue de la Pépinière et de la rue Portalis [2] dans des conditions du cahier des charges annexé à la présente loi ». Ce cahier des charges détaille notamment la description physique de l'immeuble, la destination des locaux, les questions de propriété, les droits de l'État et les obligations des concessionnaires.
La réalisation de l'immeuble était à la charge de la société concessionnaire des immeubles de la Pépinière (SCIP) créée pour la circonstance et qui en supporta les frais.
Le projet précisait que si le CNA devait disposer d'une façade et de son entrée principale sur la place de Saint-Augustin (débouché de 15 m de large), le rez-de-chaussée et l'entresol de la façade seraient occupés par des boutiques de 10 m de profondeur à usage commercial (banques, agences diverses, magasins de luxe…) – ce qui est encore d'actualité à ce jour. Ainsi, la SCIP loue cet ensemble immobilier pour 50 à 60% (8.000 m2) de la surface au CNA et le reste à des locataires privés.
Conformément aux dispositions de la convention la liant à l'État, les bâtiments construits ou constitués par la SCIP concessionnaire deviennent la propriété de l'État au fur et à mesure de l'exécution des travaux. La SCIP est autorisée à les exploiter à son profit et à encaisser les produits pendant 99 ans (bail emphytéotique). En ce qui concerne les bâtiments à construire spécialement affectés au CNA, la SCIP n'aura droit qu'à une redevance annuelle. La SCIP doit obligatoirement louer au CNA l'ensemble des locaux inscrits à l'état des lieux spécial au CNA pendant toute la durée de la concession. Cette location doit être consentie pour une somme annuelle fixée par les ministres de la Défense et des Finances, le prix étant révisable tous les 10 ans.
Les clauses particulières précisent les dispositions (droits et devoirs du MINDEF et de la SCIP) en cas de dissolution du CNA, de l'inutilité temporaire ou définitive d'une partie des locaux loués au CNA, d'extension du CNA et de l'installation de nouveaux services du CNA.
Cette concession prendra fin le 31 décembre 2024. À cette date, l'État sera subrogé aux droits de la SCIP et prendra possession de toutes les dépenses immobilières et mobilières de la concession, lesquelles lui seront remises gratuitement, franches et quittes de toutes charges et obligations tant à l'égard de la SCIP qu'à l'égard des tiers.
En termes d'assurances à contracter par la SCIP, la concession lui impose des conditions juridiques et économiques garantissant de façon précise les droits de l'État et du CNA.
Contrat relatif au fonctionnement du CNA
En outre, compte tenu des nombreux problèmes de gestion de cet organisme (notamment avec la fin de la conscription qui a généré la suppression d'une main-d'œuvre gratuite (conscrits)), a été décidé dans les années 1990 sous l'impulsion du cabinet du MINDEF d'externaliser l'exploitation des services du CNA (128 chambres d'hôtel, un bar et trois restaurants totalisant 240 places, des salons de réception pouvant accueillir jusqu'à 500 personnes à table et 1.500 en cocktail, et une salle de conférences de 500 places). Cette externalisation est contractualisée par le CNA sous réserve de l'accord de l'autorité de tutelle du MINDEF et avec l'assistance de ses services (services du commissariat des armées, des infrastructures de la défense, de la santé des armées…). Elle fait l'objet de marchés contractés pour plusieurs années (de l'ordre de 5 ans) accordés à des opérateurs aussi importants que SODEXHO et ELIOR. À ce titre, le CNA reçoit une partie des bénéfices de ces prestataires.
Conclusion sur les contrats du CNA
Le CNA est un organisme qui mérite d'être connu sous ses aspects juridiques et financiers. Cette originalité s'intègre dans le cadre du partenariat public-privé qui inclut d'autres contrats publics tels que les autorisations d'occupation temporaire (AOT), les conventions liées à une opération d'intérêt national (ex= Disneyland – 1987) et le contrat de partenariat.
Ce type de contrat du CNA présente l'avantage de réduire le nombre de ses personnels, d'alléger les charges administratives de son équipe de direction, de simplifier sa gestion et d'acquérir dans un contexte budgétaire difficile à l'issue de la guerre de 1914-1918 un immeuble bien situé au centre de Paris dont la plus-value est patente.
Contrat de partenariat du site du centre national des sports de la défense (CNSD – Fontainebleau - 77)
Ainsi, à cette présentation relative au CNA, peut être aussi présenté le contrat de partenariat remporté en 2012 par GTM Bâtiment (VINCI Construction France), en groupement avec Barclays Infrastructure Funds (budget global de 280 millions d'euros) pour le financement, la conception, la construction et/ou la réhabilitation, la maintenance et l'exploitation pendant 30 ans du CNSD, à Fontainebleau (77). Le contrat de promotion immobilière, d'un montant de 70 million d'euros, a été mené par Adim Île-de-France (VINCI Construction France). D'une durée de 22 mois après 9 mois d'études, les travaux comprennent la réhabilitation de 6 bâtiments et la construction de plus de 40.000 m2 d'équipements sportifs. VINCI Facilities (VINCI Energies) assurera la maintenance, le gardiennage et la sécurité du site.
Le site du CNSD regroupe sur 52 ha un ensemble d'installations sportives, de locaux de formation et d'hébergement ainsi que des services médicaux et administratifs pour la formation et l'entraînement des sportifs de haut niveau. En dehors des créneaux de l'utilisation des installations par les militaires, ces dernières peuvent être utilisées par les familles des militaires et des clients à titre onéreux et à leur charge personnelle.
En outre, la Société Accueil Partenaires, qui assure la gestion hôtelière et le pilotage des services à l'INSEP (Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance), a signé en date du 22 décembre 2011, un contrat de prestation de services avec le MINDEF. Les missions d'Accueil Partenaires sont :
- Le pilotage de l'ensemble des prestataires de restauration, de maintenance et de sécurité et l'interface avec les représentants du CNSD.
- La coordination et la gestion des activités sur un site en phase travaux (chantier - exploitation - utilisateurs).
- La gestion des réservations de chambres et droits d'accès, l'optimisation du taux d'occupation, l'accueil des visiteurs, des stagiaires permanents ou ponctuels et dès la fin des travaux, des clients externes.
- La gestion des réservations des salles de réunion.
- L'entretien des 231 chambres et 60 studios (périmètre en fin de travaux).
- Le nettoyage de l'ensemble du tertiaire : bureaux, salles de cours, médical, amphithéâtre, installations sportives.
- L'entretien des espaces verts.
- Le ramassage des déchets du site.
Conclusion : l'externalisation peut être un succès
Deux cas d'externalisations réussis qui doivent inspirer le MINDEF à multiplier cette pratique et ce, malgré les échecs qu'il a pu rencontrer, notamment l'expérience non concluante du contrat facility management relatif à l'externalisation du fonctionnement du camp militaire de Canjuers dans le Var. Ce marché comprenait 11 prestations distinctes telles que : exploitation et entretien des installations thermiques et multi-techniques, transport, traitement des ordures ménagères et déchets spécifiques, nettoyage des locaux, fourniture et stockage de gaz liquide, entretien des espaces verts…
Le MINDEF justifiait le recours à un marché global par le fait que la passation de nombreux petits marchés aurait abouti à un coût total supérieur à celui du marché global, qu'il n'était pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination et que la dévolution en lots séparés était de nature à restreindre la concurrence.
Dans son mémoire en défense, le MINDEF estimait que l'économie générée en recourant à un contrat de « facility management » était d'au moins 100.000 euros par an. La société Pizzorno Environnement a demandé au tribunal administratif l'annulation de l'ensemble de la procédure d'attribution en appuyant sa requête sur divers moyens, notamment l'article 10 du code des marchés publics (CDMP) qui stipule : « afin de susciter la plus large concurrence et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27 (…). Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ».
Le tribunal administratif de LYON a considéré que les éléments soumis par le MINDEF ne permettaient pas de considérer que le dossier entrait dans le cadre des exceptions à l'allotissement prévues par l'article 10 du CDMP. Le juge des référés a ordonné en avril 2008 que la procédure de passation du contrat multiservice et Facility management au profit du camp de Canjuers (83) soit annulée.
[1] L'immeuble de la place Saint-Augustin est dû à l'architecte en chef des Palais nationaux Charles Lemaresquier, membre de l'Institut. Les statues surmontant les colonnes de la façade sont l'œuvre des sculpteurs, membres de l'Institut : Injalbert pour le "Turco", François Sicard pour le "Poilu", Jean Boucher pour le "Marin" et Paul Landowsky pour le "Cuirassier".
[2] Actuellement la place de Saint-Augustin