"Transformer la France" : En finir avec mille ans de mal français
« Injonctions aux agriculteurs sur ce qu’ils doivent planter, financement des entreprises par des banques publiques d’investissement, administration des prix pratiqués par les commerçants, contrôle des créations ou extensions de nouveaux commerces, fixation des dates et heures d’ouvertures des artisans, contrôle et taxation des importations, mise en place d’organismes de financement des exportations, commandes d’État et subventions aux entreprises en difficulté, contrôle des investissements étrangers, création d’entreprises publiques, conseils des politiques et des fonctionnaires aux entrepreneurs privés ».
Poursuivez la lecture de ce livre, même si vous avez l’impression d’être plongés dans une actualité récente. C’est justement ce que Mathieu Laine et Jean-Philippe Feldman ont constaté : cela fait mille ans que cela dure.
« Transformer la France » ne pouvait qu’attirer l’attention de la Fondation iFRAP convaincue des capacités de notre pays et de ses possibilités de réussite… à condition qu’il se transforme. En ce qui concerne le « mal français », l’iFRAP se concentre généralement sur les décennies les plus récentes qui fournissent déjà un catalogue assez complet de nos errements.
En parcourant mille ans, les deux auteurs disent avoir voulu appréhender ce qu’il y a de structurel, de congénital « dans l’ADN » de la société française ou dans les Français, qui expliquerait la constance de nos problèmes. Une démarche intéressante puisque, pour persévérer dans les mêmes erreurs pendant mille ans, donc ne rien apprendre pendant 50 générations, il faut, soit souffrir d’un handicap, soit ignorer l’histoire. C’est cette seconde hypothèse qu’ont retenue Laine et Feldman en proposant cet essai.
Depuis Hughes Capet (né autour de l'an 940) jusqu’en 2017 au moins[1], les deux auteurs ont fait un travail d’historiens montrant, citations à l’appui, la constance des politiques françaises malgré les multiples « révolutions ». Le fil rouge mis en lumière par les auteurs à travers toute cette période est le "centralisme + interventionnisme" de l’État, notamment dans l’économie. Du tout puissant Louis XIV à l’empereur Napoléon qui déclarait « on a beau faire, c’est moi qui ai créé l’industrie en France », les périodes de liberté sont rares et ambiguës. Même la Révolution de 1789, qui a aboli les corporations et de nombreuses contraintes étatiques, communales et féodales, mais les a rapidement rétablies, souvent encore plus détaillées et arbitraires. De même le second Empire et la troisième République, réputés paradis de l’économie libre, restent en réalité très interventionnistes. Et comme l’avait remarqué Jean-Marc Daniel pour les impôts, les guerres sont toujours les occasions d’un paroxysme d’interventions de l’État. Peut-être temporairement inévitables, mais qui en France ont un effet cliquet rendant difficile tout retour en arrière. Comme le notent les auteurs, 1946 a vu, en temps de paix, une aggravation spectaculaire de l’interventionnisme de l’État, en continuité avec Vichy, avec des nationalisations d’industries, de banques et d’assurances considérables, même si celles de 1981 seront encore plus importantes.
Cette fresque historique très documentée sur l’interventionnisme, occupe un tiers du livre. Les auteurs analysent ensuite « Un protectionnisme congénital » et « L’envie, siège psychologique du mal français ». Des caractères peu reluisants, mais toujours vivants en 2018.
Pour poursuivre leur analyse, deux chapitres sont consacrés à des comparaisons internationales avec le Royaume-Uni et les États-Unis sur des sujets de fond : constitution, absolutisme, système judiciaire, séparation des pouvoirs vs. contre-pouvoirs. Comme dans les chapitres consacrés à la France, les auteurs analysent l'évolution de ces thèmes dans les deux pays tout au long de leur histoire, avec de nombreuses références aux textes clefs. Dans les deux cas, le but explicite de Laine et Feldman n'est absolument pas de proposer de transférer en France les pratiques de ces pays, mais d'aider les Français à mieux comprendre ce qui fait nos propres valeurs et structures mentales fondamentales.
Une introduction-conclusion surprenante
Après un dernier chapitre intitulé "Le réflexe fonctionnaires", et après 300 pages montrant comment l’épanouissement de la société française est handicapé depuis mille ans par l’État, les auteurs affirment que, compte tenu de notre ADN, ce n’est que par l’État que la France se régénérera. Une proposition encore plus étonnante en 2018 dans une économie et une société devenues si mobiles. Une accroche provoquante à dessein pour leur prochain livre ?
« Parce que nous nous sommes désormais fait la conviction que la France ne pourra se transformer que par l’État, faisons-le ! ».
[1] Les auteurs ne traitent pas de la situation politique actuelle, par exemple depuis les dernières élections.
Réactions
Sujet : Plus d'État, l'État pas au bon endroit ni au bon moment ?
Commentaire : Cet article sur la nécessité de transformer notre pays m'amène à intervenir à la veille de la discussion parlementaire relative à la loi PACTE que le gouvernement nous concocte et qui est censé déverrouiller notre économie.
Intervenant dans le domaine de l'accompagnement des entreprises à l'international et confronté au quotidien aux distorsions de concurrence générés par l'État lui-même, au travers des établissements publics qu'il subventionne avec nos impôts je partage avec vous mon inquiétude fasse à la mise en place probable du guichet unique de l'export qui serait la quadrature du cercle pour redresser nos exportations.
Je vous propose pour cela de lire ma dernière publication sur le sujet et ma conviction est que l'État ne changera que si la Commission Européenne l'y contraint et vous devez vous convaincre que nous pouvons tous y contribuer individuellement, à chaque fois que nous sommes confrontés à des dysfonctionnements. Tant que ces sujets resteront franco-français, cela se règlera entre énarques et rien ne changera... L'administration n'est capable que de reproduire des schémas connus. Cela la rassure. Pour l'imagination et le changement vous repasserez.
Par contre, que Bruxelles s'y mette et là c'est comme pour le Name and shame. Panique à bord et on serre les boulons.
En voila un bon exemple : https://www.linkedin.com/pulse/pourquoi-le-guichet-inique-de-lexport-ris...
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Sujet : En finir avec 1000 ans de mail français
Commentaire : Belle tête d'affiche! Qu'en sera-t-il dans la réalité? Seulement un slogan ou un feu de paille?
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Sujet : Transformer la France.
Commentaire : Mille ans, c'est un peu court. Je pense plutôt depuis Clovis.
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Sujet : Transformer la france.
Commentaire : En dehors de l'interventionnisme étatique décrit dans l'article, ce qui me frappe est le mensonge ou la dissimulation pratiquée par notre état. Les exemples sont nombreux depuis la manière dont Eurotunnel a été vendu aux français (alors que l'Angleterre n'a pas trompé les anglais!), jusqu'à la DUP de NDDL, en passant par la communication silencieuse qui a accompagné le nucléaire civil en France. Ce fait majeur explique bien des choses depuis l'acceptation de la domination par l'état jusqu'à l'incroyable ignorance des français en économie politique. Mais pas un contre pouvoir pour aborder les choses sous cet angle...
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Sujet : la pedagogie pour changer la France
Commentaire : Dans un monde qui a changé nous ne pouvons plus conservé nos vieux système. La liberté dans un cadre déterminé doit guider notre chemin vers les transformations radicales dont nous avons besoin. Le fait que nous ayons du mal à l'accepter ne rend pas moins ces transformations nécessaires et même indispensables. Nous avons donc besoin de le comprendre et je pense que ce type d'ouvrage peut y contribuer. Pour changer la société il faut d'abord changer les mentalités.en faisant appel à la raison, au factuel et à l'intelligence de chacun.
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